Petr Uhl : « Ma sortie de prison en 1973 a été, psychologiquement, très difficile »
Le journaliste francophone, défenseur des droits de l’Homme et un des leaders de l’opposition contre le régime communiste, Petr Uhl, fête, ce samedi 8 octobre, ses 70 ans. L’occasion de jeter un regard en arrière sur le parcours de cet inlassable combattant pour la cause humaine.
« Politiquement, je me situe à gauche, mais c’est une gauche telle que nous la connaissons en France, par exemple. Ce qui existait en Tchécoslovaquie, c’était une déformation stalinienne et perverse du système », a expliqué, aux médias tchèques, Petr Uhl, qui a passé au total neuf ans dans les geôles communistes.
Diplômé en construction mécanique, le jeune Petr Uhl respirait, dès le milieu des années 1960, l’air révolutionnaire lors de ses nombreux séjours à Paris. Par ailleurs, c’est dans la capitale française qu’il a appris l’invasion des chars soviétiques en Tchécoslovaquie en août 1968. De retour à Prague, il est promu à la tête du Mouvement de la Jeunesse révolutionnaire, une organisation illégale qui regroupait surtout des étudiants de la faculté des lettres de l’Université Charles. Cet engagement lui a valu quatre ans d’emprisonnement, de 1969 à 1973.
En 1974, Petr Uhl épouse Anna Šabatová, qui deviendra, dix ans après la révolution de velours, médiatrice-adjointe pour les droits de l’Homme. Le couple se range parmi les premiers signataires de la Charte 77, la fameuse pétition des dissidents opposés au processus de « normalisation » de la société tchécoslovaque. Petr Uhl cofonde également Le Comité pour la défense des personnes injustement poursuivies. Cette activité a pour conséquence une deuxième peine de prison, purgée entre 1979 et 1984. Petr Uhl s’est souvenu, pour Radio Prague, de ses deux séjours derrière les barreaux :« Le retour en 1973 a été particulièrement difficile pour moi, car c’était l’époque de la ‘normalisation’. C’était une situation désespérée : la société s’était embourgeoisée, nous vivions dans l’isolement, dans une privatisation des intérêts. Mais peu à peu s’est créée, à Prague et ailleurs, une ambiance militante, combative, une ambiance dans laquelle nous avons fondé, en 1976, la Charte 77. Lorsque j’ai été emprisonné pour la seconde fois, j’ai quitté la prison en 1984 et la situation a été très différente : le mouvement de la Charte 77 était plus fort, il y avait moins de répressions, mais surtout, il y avait beaucoup d’autres initiatives sur le plan culturel, politique, environnemental, religieux... Tout ce que vous voulez ! Donc, psychologiquement, ce deuxième retour de prison n’a pas été tellement difficile. Pour moi, le problème s’était posé dix ans auparavant. » Jusqu’à la chute du régime communiste (ou plutôt totalitaire, comme le remarque Petr Uhl, de même qu’il parle d’opposants ou de militants et non pas de dissidents – terme utilisé par la police de l’époque), bref, jusqu’à novembre 1989, Petr Uhl ne peut travailler que comme ouvrier dans une entreprise de chauffage. En Tchécoslovaquie, puis en République tchèque démocratique, il poursuit son engagement politique et humain, notamment en tant que chargé gouvernemental des droits de l’Homme ou encore comme président du Conseil interministériel pour les affaires de la communauté rom. La situation de celle-ci lui tient beaucoup à cœur, tout comme, par exemple, la perception, dans son pays, de l’expulsion de la population allemande du territoire tchécoslovaque après la Deuxième Guerre mondiale – une lacune, selon Petr Uhl, dans l’histoire commune des Tchèques et des Allemands, dont on parle peu.Aujourd’hui chroniqueur du quotidien de gauche Právo, Petr Uhl est titulaire de nombreux prix en République tchèque comme à l’étranger, parmi lesquels le prix Charles IV décerné par l’association des Allemands des Sudètes ou encore le Prix Reporters sans frontières.