Petr Uhl : « Václav Havel ne cherchait pas la vengeance. »

Václav Havel

Parmi les collaborateurs et amis de Václav Havel il y a eu aussi le journaliste et homme politique Petr Uhl. Homme de gauche, Petr Uhl n’était pas toujours d’accord avec les opinions de Václav Havel et n’approuvait pas sans conditions sa politique. Il le tenait pourtant en grande estime. Petr Uhl a bien voulu partager ses opinions sur l’œuvre et la vie de Václav Havel avec Radio Prague. Voici la première partie de cet entretien :

Petr Uhl
Qu’est-ce que Václav Havel vous a apporté ? Quel rôle a-t-il joué dans votre vie ?

« C’était un homme qui était mon aîné de cinq ans, qui avait d’autres expériences de la vie. J’ai fait sa connaissance en 1976 pendant le procès contre les musiciens du groupe The Plastic people of the Universe et c’est à ce moment-là que nous sommes devenus amis. Et en tant qu’amis dans une collectivité d’une dizaine de personnes au plus, nous avons rédigé le texte de la Charte 77 dont Havel était l’auteur principal. Moi, je n’ai ajouté que quelques petites modifications. C’était un homme qui était beaucoup plus concentré sur le pays dans lequel nous vivions, sur la Tchécoslovaquie, il ne parlait pas de langues étrangères sauf un peu l’anglais. Par contre il était beaucoup plus impliqué dans les affaires artistiques, surtout dans la littérature, le théâtre mais aussi dans la musique,du courant artistique appelé chez nous underground culturel. »

Etait-il pour vous une espèce de modèle d’homme politique ?

Václav Havel
« Non, pas dans la politique. Sur le plan humain beaucoup. Il pouvait servir de modèle par sa façon d’agir, de discuter avec les gens et de les rassembler. Sur le plan politique, j’avais une ligne assez précise et exacte qui était influencée par l’extrême gauche française de 1968 tandis que lui se réclamait très vaguement du socialisme. Il n’a surtout jamais été pro-capitaliste mais on s’est rapproché, lui et moi, à l’intermédiaire du Plastic People of the Universe, c’est-à-dire grâce au mouvement hippie, au mouvement des Proud people aux Etats-Unis, au mouvement anti-autoritaire qui contestait la société trop technique et trop manipulatrice. Tandis que moi j’avais des positions analogues à celles de la gauche traditionnelle marxiste où et il y avait bien sûr aussi de l’anarchisme, du maoïsme, etc., lui, venait de l’autre côté. Pour Václav Havel l’homme était libre et il fallait qu’il soit libre. Et cette liberté exprimée par les libéraux de gauche d’alors, c’était le point où l’on se rencontrait. »

Au moment de la chute du communisme en 1989 Václav Havel n’était pas le seul dissident tchèque engagé dans le combat contre un régime arbitraire. Pourquoi est-ce finalement lui qui est devenu la personnalité principale de la révolution de velours et candidat à la présidence de la république ?

« Au début, dans la discussion qu’on a eue ici à Prague et à Bratislava, il n’était pas la seule personne à laquelle on a pensé quand il a fallu choisir un candidat à la présidence de la république. Mais finalement c’est lui qu’on a choisi parce qu’il était leader spirituel de la Charte 77 et de tout le mouvement tandis que, par exemple, Alexander Dubček était un peu à côté et vivait dans un isolement relatif. Et il y a encore eu d’autres candidats dont on a parlé à l’époque. Je pense que Havel était acceptable pour tout le monde ou presque. Il ne cherchait surtout pas la vengeance, il lançait même des appels pour éviter que le sang soit versé. Il a entamé un vrai dialogue avec les représentants du pouvoir d’une manière très raisonnable. Mais d’un autre côté, il était décidé à continuer le chemin vers la démocratie et les libertés individuelles ce qui était très important. »