Petra Kvitová : « C’est une belle histoire, mais pas le happy end espéré »

Naomi Osaka et Petra Kvitová, photo: AP Photo/Aaron Favila

Battue en finale de l’Open d’Australie par la Japonaise Naomi Osaka en trois sets (6-7, 7-5, 4-6), samedi à Melbourne, Petra Kvitová n’est pas parvenue à remporter le troisième titre du Grand Chelem de sa carrière. Au terme d’un match riche en rebondissements, la Tchèque, défaite pour la première fois en finale d’un des quatre tournois majeurs de la saison, n’a pas cherché à cacher son immense déception. Mais deux ans après sa grave blessure à la main qui aurait pu mettre un terme à sa carrière, la nouvelle numéro deux mondiale depuis ce lundi a aussi appris à relativiser, bien consciente du chemin parcouru pour en arriver jusqu’à cette finale malheureuse.

Naomi Osaka et Petra Kvitová,  photo: AP Photo/Aaron Favila

Ravi par l’intensité et la qualité du spectacle proposé par les deux joueuses pendant près de deux heures et demie, c’est une belle ovation, sincère, que le public australien a réservée à Petra Kvitová à l’issue de la finale. Et c’est non sans mal que celle-ci, la voix tremblante et au bord des larmes, a prononcé son traditionnel petit speech d’après-match.

Pour reprendre les paroles relatives à l’épaisseur du brouillard qui accompagnent le début de chaque épisode d’un célèbre dessin animé tchèque (« Rákosníček » pour les plus curieux - que nous conseillons d’ailleurs vivement pour sa poésie), l’émotion, à son paroxysme, aurait alors pu être coupée en tranches. Ainsi donc, après deux titres à Wimbledon en 2011 et 2014, Kvitová a découvert le goût amer d’une défaite en finale d’un tournoi du Grand Chelem, et même en finale tout court, puisque, avant Melbourne, elle avait remporté les huit précédentes pour lesquelles elle s’était qualifiée :

« Je suis bien sûr partagée entre deux sentiments. C’est une finale, et comme on dit, une finale ne se joue pas, elle se gagne. C’est la première finale de Grand Chelem que je perds, et je comprends mieux maintenant… J’ai l’impression que la victoire était proche et très loin à la fois. Oui, c’est une défaite très douloureuse, mais cela reste un excellent tournoi quand même. Disputer une finale de Grand Chelem n’est pas donné à tout le monde. Je pense que cela ira mieux dans quelques jours quand la déception sera un peu passée et que je j’apprécierai davantage ce que j’ai réalisé ici. »

Petra Kvitová,  photo: AP Photo/Mark Schiefelbein
En République tchèque, malgré la déception et l’issue incertaine du combat jusqu’au bout du troisième set, nombreux ont été les observateurs à reconnaître que Naomi Osaka avait été légèrement supérieure à Kvitová. Si la Japonaise n’a remporté, au total, que quatre points de plus que la Tchèque, celle-ci a toutefois commise six fautes directes de plus. Et c’est sans doute là que s’est faite la différence, même si la principale intéressée n’avait naturellement pas, après coup, la tête à toutes ces statistiques :

« C’était surtout un match contre une excellente joueuse. C’est le dernier match du tournoi et votre adversaire est comme vous : elle aussi veut gagner et fait tout pour cela. Cela a été, je pense, une belle finale avec des renversements de situation et une lutte féroce pour chaque point. Cela a tourné en la faveur de Naomi aujourd’hui, mais je suis convaincue que je gagnerai un autre Grand Chelem un jour. »

Comme Karolína Plíšková avant elle, qui n’avait su profiter des balles de break qu’elle s’était procurée à l’entame du troisième set de sa demi-finale contre la même Naomi Osaka, Petra Kvitová a probablement laissé passer sa chance pour la même raison dans le premier set de la finale. Et même si elle a ensuite sauvé trois balles de match consécutives et enlevé la deuxième manche en alignant quatre jeux d’affilée, cette folle remontée s’est avérée insuffisante pour empêcher la Japonaise de soulever son deuxième trophée en Grand Chelem après son sacre à l’US Open en septembre dernier et s’installer ainsi dans le fauteuil de numéro un mondiale.

Au bout du compte, non seulement Osaka a fait en sorte d’éviter que cet Australian Open ne se transforme en un « Czech Open » avec une finale Plísková – Kvitová, mais elle a aussi confirmé qu’elle était bien la meilleure joueuse actuellement en activité sur le circuit. Malgré ce constat, la « Lionne tchèque », comme Kvitová se définit elle-même, n’entend certainement pas baisser les bras :

« J’aime ces combats sur le court, c’est ce que j’aime dans le tennis. Il faut se battre sur chaque balle et pour chaque jeu, c’est comme ça que se construisent les résultats. Je vois bien que le travail que nous avons fait avec les entraîneurs porte ses fruits et je souhaite que nous continuions dans cette voie. La concurrence est forte, je dois encore m’améliorer pour rester compétitive au plus haut niveau. Quoiqu’il arrive, c’est déjà un beau résultat. »

Son chirurgien n’aurait pas parié sur son retour

Un résultat dans lequel Radek Kebrle ne croyait pas forcément il y a un peu plus de deux ans de cela. Présent samedi dernier dans la loge réservée à l’entourage de Petra Kvitová à la Rod Laver Arena, le chirurgien a grandement contribué au rétablissement de la joueuse, gravement blessée à la main gauche suite à une agression au couteau à son domicile en décembre 2016. Touchée aux cinq doigts et à deux nerfs de la main avec laquelle elle tient sa raquette, la Tchèque est restée éloignée des courts cinq mois durant jusqu’à son retour à Roland-Garros en 2017. Et selon Radek Kebrle, qui a opéré Kvitová, son absence aurait pu être beaucoup plus longue :

« Cette blessure aurait vraiment pu menacer la suite de sa carrière. Je dirais qu’il y avait 5 % de chances que Petra retrouve un niveau convenable. Je n’avais bien entendu encore jamais été confronté à ce type de problème chez un joueur de tennis. Si quelqu’un avait parié à l’époque sur un retour de Petra à la compétition, qui plus est à un tel niveau, il serait devenu millionnaire. »

Apparue très affutée à Melbourne, Petra Kvitová, c’est une évidence, a retrouvé toutes ses sensations. Grâce aussi au titre décroché à Sydney mi-janvier, elle figure depuis ce lundi de nouveau à la deuxième place du classement WTA (la fédération internationale de tennis féminin), un rang qu’elle avait occupé pour la dernière fois en 2011. Une nouvelle progression qui lui permet de mieux mesurer les progrès réalisés depuis sa blessure :

Radek Kebrle dans la loge réservée à l'entourage de Petra Kvitová à la Rod Laver Arena,  photo: ČTK / Martin Sidorják
« Je suis contente que le docteur ne m’ait fait part de ses craintes et de ses pronostics qu’après l’opération. S’il m’avait confié son sentiment avant ou pendant ma convalescence, peut-être mon état d’esprit n’aurait-il pas été le même. Il s’est toujours efforcé de ne pas me communiquer de mauvaises nouvelles, et cela m’a beaucoup aidée. Je suis heureuse qu’il ait pu assister à la finale aujourd’hui. Avec cette défaite, ce n’est pas tout à fait le happy end espéré, mais si je repense à d’où je viens, je me dis qu’il y a déjà eu une fin heureuse. »

Radek Kebrle en est lui aussi convaincu : cette fin heureuse n’est encore que le début d’une nouvelle histoire, peut-être plus belle encore :

Photo: 168 hodin / ČT
« Après avoir surmonté une telle épreuve, la relation que j’entretiens avec Petra est forcément très forte. Il y a eu une grande attention qui a été portée par les médias à son cas, mais la pression sur mes épaules a été énorme aussi. J’étais parfaitement conscient de quelle patiente il s’agissait et des attentes qui étaient liées à son statut. Par contre, je n’avais pas idée de l’intérêt médiatique qui allait suivre. Cela n’est pas simple du tout à gérer quand on n’y est pas habitué. Petra a donné le meilleur d’elle-même pour retrouver les courts et un niveau de jeu qui lui permette de gagner un nouveau titre en Grand Chelem et éventuellement de viser encore plus haut. Son histoire est un conte de fée et je suis depuis devenu son premier supporter. »

Qu’on se le dise donc, avec une Kvitová bel et bien de retour, Karolína Plíšková et quelques autres qui suivent derrière, le tennis tchèque, ne serait-ce que chez les femmes, a encore quelques belles années devant lui. Avec peut-être aussi d’autres finales de Grand Chelem à venir.