Polémique autour du portefeuille de l’eurocommissaire tchèque Věra Jourová
Cette nouvelle revue de presse présente d’abord quelques éléments de la polémique relative au portefeuille qui a été attribué à l’eurocommissaire Věra Jourová. Elle se penche ensuite sur les raisons de l’affaiblissement de la position du Parti communiste tchèque. Il y aura aussi la question de l’importante pénurie de main-d’œuvre sur le marché de travail. L’efficacité du traitement de la dépendance aux drogues dures par la méthadone est le dernier sujet traité.
« Dans le cadre de son nouveau portefeuille, Věra Jourová suivra le respect des principes de la démocratie libérale, tels que la liberté et la pluralité des médias, l’indépendance de la justice, la transparence de la législation de l’UE ou la résistance des Etats européens face aux menaces extérieures. A la lumière de la guerre hybride russe menée contre l’Union européenne et des attaques contre la démocratie libérale de la part de nombreux politiciens européens, il semble qu'il n’y ait pas de poste plus important que celui dont Jourová sera désormais chargée. Pourtant, son rôle sera beaucoup plus difficile qu’il y a cinq ans, lorsqu’elle a été nommée commissaire en charge de la justice et de la protection des consommateurs... Elle risque de devenir la cible des nationalistes polonais et hongrois, ainsi que des campagnes russes de désinformation. La persévérance et la détermination sont ainsi les qualités qui devront être les siennes. »
Le magazine rappelle que le gouvernement d’Andrej Babiš aurait préféré un portefeuille économique en raison de l’importance des exportations pour l’économie tchèque, voilà pourquoi le résultat final doit être perçu comme un échec diplomatique. C’est ce que souligne de son côté le commentateur du site echo24.cz qui estime que « contrairement aux importants portefeuilles qui ont été attribués aux Polonais et aux Hongrois, celui du respect des Valeurs et de la Transparence est insignifiant. » Un avis partagé également par l’éditorialiste du magazine Reflex :
« Le portefeuille de Věra Jourová est faible et ne répond nullement aux ambitions et à la volonté de la Tchéquie d’occuper un poste économique fort. Celui qui lui a a été attribué semble noble, mais il ne s’agit que d’un oripeau, quand on sait qu’il faut trouver une fonction qui puisse occuper le commissaire de chaque pays membre. »
Le commentateur du site novinky.cz dénonce pour sa part la « guerre » qui a éclaté sur la scène politique locale dès la nomination de Věra Jourová. Il explique pourquoi :
« Jourová s’est vu attribuer une fonction de poids, car il s'agit d'un domaine important. Contrairement à ce que prétendent les partis de l’opposition, les chances de la Tchéquie, pays qui ne fait pas partie de la zone euro, d’obtenir un portefeuille économique étaient très faibles. Il en est de même pour le domaine de la numérisation. On peut se féliciter également de sa nomination au poste de vice-présidente de la Commission européenne, qui est une chance pour elle, mais aussi pour le pays. C’est en effet la première fois depuis son entrée dans l’Union européenne, il y a quinze ans, que la République tchèque pourra influencer la gestion de son exécutif. »
Le crépuscule du parti communiste ?
Pour la première fois depuis la chute de leur régime, en 1989, les communistes tchèques ne franchiraient pas la barre des 5% des suffrages nécessaires pour accéder à la Chambre des députés si des élections législatives se tenaient aujourd’hui. C’est du moins ce que révèlent les résultats d’un sondage effectué par la société Kantar CZ pour la Télévision tchèque. Le commentateur du quotidien Lidové noviny considère qu’il convient de prendre ces données et les conclusions qui pourraient en découler, avec des pincettes. Néanmoins, selon lui, ce sondage témoigne d’une tendance marquante :« Dans l’Europe post-communiste, la Tchéquie est un cas à part. D’abord parce qu’elle a un parti politique qui ne dissimule pas son identité en changeant de nom et parce que ce parti est représenté au Parlement depuis trente ans. Sa baisse actuelle traduit-elle un déclin biologique de ses électeurs ? C’est bien possible. Ce qui est cependant plus significatif encore, c’est que le Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM) a perdu, en dépit du nom qu’il a conservé, son étiquette de porteur d’idées universalistes. Il est devenu un parti réactionnaire, comme l’auraient désigné les fondateurs du marxisme, car il ne fait que réagir aux menaces intérieures et extérieures. Il est nationaliste, prorusse, anti-occidental et protectionniste, bref il se présente comme un parti ‘populaire conservateur’. Il se trouve sur un champ où la concurrence est désormais rude. On peut se demander comment s’imposera dans cette concurrence, par exemple, Trikolora, la nouvelle formation anti-européenne, aux accents nationalistes, fondée par Václav Klaus junior. »
Pour le commentateur, l’affaiblissement de la cote des communistes offre une analogie avec celui de la gauche post-communiste en Saxe et au Brandebourg en Allemagne, qui serait causé par une défection des électeurs pour le parti AfD. Un avertissement qui soulève en même temps la question de savoir quel est le parti qui pourrait remplacer les communistes au Parlement tchèque.
La Tchéquie toujours confrontée à une pénurie de main-d’œuvre
La Tchéquie manque de près de 350 000 travailleurs. Tel est, selon les données du Bureau du travail d'août dernier, le nombre de postes vacants. 6 000 instituteurs manquent dans les écoles, les hôpitaux ont besoin de près de 2 500 médecins et de 3 600 infirmières. L’éventail des métiers concernées par cette pénurie est large : ouvriers, policiers, chauffeurs de camion, soudeurs, cuisiniers, artisans qualifiés, experts en technologies de l’information… Un texte publié sur le site aktualne.cz examine les causes de ce problème, qui est le plus grave à Prague :« Depuis longtemps déjà, le gouvernement fait grand cas de ce problème, mais la situation a tendance à s’aggraver. Or, la pénurie de main-d’œuvre va à contre-courant de la croissance économique, prônée qui est une priorité du gouvernement. Celui-ci a augmenté les quotas pour les travailleurs étrangers à 50 000 par an, c’est vrai, mais les besoins réels sont sept fois plus élevés. Par ailleurs, trois quarts des entreprises déclarent leur volonté d’accueillir des ressortissants étrangers. »
Pourquoi ces quotas ne sont-ils pas plus élevés ? Pourquoi la Tchéquie ne veut-elle pas s’ouvrir davantage ? Pour le commentateur, c’est le manque de souplesse du système qui est une des causes de cette situation. En deuxième place, il situe la prétendue xénophobie, « la peur des étrangers étant cultivée au sein de la société tchèque depuis longtemps déjà. »
S’agissant de ressortissants étrangers présents sur le marché du travail tchèque, ce sont les Ukrainiens qui sont les plus nombreux et qui s’adaptent le plus facilement.
La Tchéquie et la dépendance aux drogues dures
« La Tchéquie fait partie des pays où le problème de la dépendance aux drogues dures est sous contrôle et où il n’augmente pas jusqu’à devenir un danger pour la société. » C’est ce que rapporte la dernière édition de l’hebdomadaire Reflex, qui rappelle que vingt-cinq ans se sont écoulés depuis la mise en place dans le pays du traitement de la dépendance à l’aide de la méthadone :« Désormais, la substitution constitue une méthode médicale établie qui a permis de sauver des milliers de vies humaines et qui a peut-être permis d’éviter un nombre incalculable de vols et de cambriolages. On peut affirmer, en exagérant un peu, que grâce à ce traitement, les personnes gravement dépendantes sont soignées au lieu de commettre des délits. »
Le seul problème lié au traitement de substitution est qu’il n’est accessible que dans les grandes villes. « En tout état de cause, la politique de lutte contre la drogue telle qu’elle est désormais menée, ajoutée au fait que le traitement soit accessible aux toxicomanes durs, range la Tchéquie parmi les pays occidentaux », remarque le commentateur.