Pour les Tchèques, voter à l’étranger n’est parfois pas une sinécure
Un peu plus de huit millions de Tchèques sont appelés à se rendre aux urnes ces vendredi et samedi pour les élections législatives, dont parmi eux les Tchèques qui vivent à l’étranger. Faute de pouvoir voter par correspondance ou par procuration, remplir leur devoir de citoyen n’est parfois pas facile pour certains d’entre eux. Comme par exemple en Afrique.
A priori, rien de cela n’attend les Tchèques qui votent à l’étranger dans le cadre de ces élections législatives. D’abord bien sûr parce que les Tchèques qui vivent à l’étranger et qui par conséquent votent ailleurs que dans leur pays d’origine sont bien moins nombreux que les quelque 1,3 million de Français inscrits sur les listes consulaires. On estime ainsi à un peu moins de 10 000 le nombre de Tchèques qui voteront un peu partout dans le monde ces vendredi et samedi. Consul et conseiller de l’ambassadeur de République tchèque au Maroc, Jan Czerný donne une idée de la situation à Rabat :
« La situation est calme, nous n’attendons pas de foules puisque huit personnes sont inscrites sur notre liste électorale. L’organisation peut donc sembler facile, mais on estime cependant à trois ou quatre cents le nombre de touristes tchèques qui se trouvent également au Maroc, qui ne sont basés ni à Agadir ni à Saïdia sur la côte dans le nord et qui voyagent en car à travers le pays. On peut donc très bien envisager qu’un car avec cinquante touristes à bord s’arrête à côté de l’ambassade. Si c’est le cas, nous serons prêts à les accueillir pour qu’ils puissent eux aussi faire le devoir avec leur carte électorale. En revanche, si deux cars arrivent en même temps, cela sera peut-être un peu plus compliqué (rires) ! »
Lors d’élections précédentes en 2010, c’est à l’ambassade de République tchèque à Paris que Jan Czerný travaillait. Il en garde aujourd’hui encore un souvenir amusé :
« Le bureau de vote à Paris, qui se situe à trois cent mètres de la tour Eiffel, a été celui qui a accueilli le plus grand nombre de nos concitoyens à l’étranger, aux alentours de sept cent personnes. Entre autres raisons parce que deux cars d’une cinquantaine de personnes s’y sont succédés. Les gens ont donc dû attendre un certain temps, mais cela aurait été la même chose en République tchèque que ce soit à Prague, à Karviná ou ailleurs. Si à un moment deux fois cinquante personnes arrivent en même temps, c’est toujours un peu difficile de s’organiser... »
Attendre, Soňa Jarošová ne risque probablement pas à Abuja. Cette Tchèque de trente ans, qui travaille à Niamey, au Niger, est contrainte de se rendre dans la capitale du Nigéria voisin pour voter. Elle explique pourquoi :« Je m’étais renseignée avant de partir pour Niamey, où je savais que je serais pendant les élections, sur les possibilités de vote. Comme il n’est pas possible de voter par correspondance ou par procuration, il faut que je me rende en personne dans une des ambassades de la région. Le choix n’est pas très vaste puisqu’il n’y a pas d’ambassade tchèque au Niger, et trois dans toute l’Afrique de l’Ouest : une à Dakar, une autre à Accra et encore une à Abuja, pour moi la plus proche et qui est d’ailleurs une ambassade dont dépendent dix pays d’Afrique de l’Ouest. C’est donc là-bas que j’ai décidé de me rendre. »
Bien que quelque 800 kilomètres séparent les deux villes par la route, entreprendre un voyage en voiture pour rejoindre Abuja depuis Niamey aurait été trop dangereux. C’est donc en avion avec une escale à Lomé au Togo que Soňa Jarošová, très attachée à son devoir de citoyenne, s’est rendue jusqu’à l’ambassade de République tchèque au Nigéria. Mais les formalités à remplir pour pouvoir voter à l’étranger ne sont pas toujours simples non plus :
« Il faut d’abord formuler une demande par écrit, mais le plus simple, si cela bien sûr est possible, est encore de se rendre en personne à la municipalité de la commune dans laquelle vous êtes domicilié. Dans mon cas, j’ai donc fait ma demande à Prague avant mon départ. C’est donc ensuite la municipalité qui se charge de l’envoi du document soit directement à la personne demandeuse, soit à l’ambassade où celle-ci ira voter. Je me suis donc pris suffisamment à l’avance, et ce à plus forte raison que je n’étais pas sûre, connaissant le fonctionnement des services postaux dans la région, que ma carte d’électeur arrive bien à l’ambassade d’Abuja. Bon, j’ai eu la confirmation qu’elle était bien arrivée et j’ai ainsi pu entreprendre une demande de visa pour me rendre au Nigéria. »Pour l’élection présidentielle aussi en janvier prochain, Soňa envisage de répéter une expérience qui va au-delà de la conscience citoyenne :
« J’essaierai peut-être d’être en République tchèque pour cette élection, mais si je me trouve encore à Niamey au mois de janvier pour le premier tour, je m’organiserai alors probablement pour voter dans une autre ambassade en Afrique de l’Ouest. Si je m’y prends suffisamment à l’avance, je pourrai donc joindre l’utile à l’agréable et entreprendre cette fois un voyage au Sénégal ou au Ghana. »
Ou comment finalement et découvrir un bout de Terre en votant… Jan Czerný souligne à distance, sans même connaître sa jeune compatriote, la symbolique et l’importance de ce voyage. Toutefois, le consul tchèque au Maroc regrette que ne serait-ce que les Tchèques à l’étranger ne puissent pas voter par correspondance, la loi allant dans ce sens n’ayant jamais été adoptée par le Parlement :
« Cela pourrait renforcer non seulement la participation, mais aussi le lien avec les Tchèques qui vivent dans des régions du monde éloignées. Les quelque 10 000 personnes qui votent à l’étranger représentent la population d’une petite ville de district en République tchèque. Ce n’est donc pas grand-chose par rapport au total des huit millions d’électeurs. Mais voter à l’étranger est un acte symbolique fort. C’est comme un cordon ombilical qui relie les communautés tchèques à l’étranger de leur pays d’origine. Pour les jeunes, c’est aussi une invitation à voyager, à vivre, à travailler, à étudier ou à aider à l’étranger tout en restant attachés à leur pays. »
Et preuve que les Tchèques sont attachés à ce droit : en 2002, le taux de participation à l’ambassade tchèque à Rabat avait été de 100%. Mais comme s’empresse de le préciser Jan Czerný, un seul Tchèque était alors inscrit sur la liste…