Pour ou contre Andrej Babiš : les positions des deux camps demeurent inconciliables
Le clivage au sein de la société tchèque à l’égard du Premier ministre Andrej Babiš ne s’estompe pas. Plus de détails dans cette nouvelle revue de presse qui proposera ensuite quelques observations de la commissaire européenne Věra Jourová sur les prochaines élections au Parlement européen. Le service militaire obligatoire sous le socialisme à la lumière de ses victimes et les perspectives de l’économie tchèque sont deux autres sujets traités. Un rappel, enfin, du procès stalinien en 1952 contre Rudolf Slánský, documenté dans un film retrouvé par hasard.
« Tous ceux qui critiquent Andrej Babiš croient que le déballage de ses affaires ouvrira les yeux à ses sympathisants au point qu’ils cesseront de le plébisciter. Mais les résultats des dernières élections législatives démontent cette idée, car tout en connaissant les principaux faits liés à l’affaire dite du Nid de cigognes, les électeurs ont majoritairement voté pour le mouvement ANO. Encore aujourd’hui, les sondages confirment cette tendance. Contrairement à ce qu’il prétend, Babiš est une figure politique. Qui plus est, il est très capable. Ses affaires n’intéressent que très peu une grande partie de la population qui apprécie en revanche ses mesures dans le domaine social – l’augmentation des pensions de retraite, la réduction du prix des transports pour les personnes âgées, la hausse du salaire miminum. Pour tous ces gens, les manifestations constituent un geste de ceux qui peuvent se le permettre, car ils ont une bonne situation matérielle. »
Comme le constate le magazine Respekt, les partis qui veulent battre Andrej Babiš, doivent offrir un meilleur programme, car les affaires ne suffiront pas. Parallèlement, l’auteur met en relief l’importance des activités de la société civique :
« Organiser des manifestations, entretenir le contact avec les politiques et polémiquer avec les gens représente un investissement pour l’avenir. C’est aussi rappeller qu’il existe une autre moitié de la société qui perçoit les choses différemment et a le droit de faire entendre sa voix. La voix des citoyens indignés est essentielle, même si elle n’a finalement pas d’impact. Ainsi, ils ne manifestent pas leur refus des résultats des élections, mais expriment le respect de leur propre responsabilité ».
Věra Jourová : les élections européennes face à la menace de la désinformation
Les élections européennes de mai prochain sont un des sujets qui ont été abordés dans un entretien accordé par Věra Jourová, commissaire européenne à la Justice, aux Consommateurs et à l’Egalité des genres au site aktualne.cz. La représentante tchèque affirme qu’il est très probable que la Russie tente d’influencer ces élections :« Je me base sur les expériences de ces derniers temps. Seul un menteur ou un fou pourrait prétendre le contraire. Evidemment, nous suivons les résultats de l’enquête menée à ce sujet aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Comme on le sait, la désinformation a marqué également la campagne électorale en Suède. Il y a tellement de signes alarmants depuis deux ans qu’il ne fait guère de doutes que ces moyens seront de nouveau utilisés. Il faut donc se préparer à une nouvelle vague de désinformation. Dans certains pays, le terrain est propice à cela. La Tchéquie, où plus de la moitié de la population ne s’affirme que sur Internet, est un excellent exemple. Cela veut dire que les citoyens tchèques sont dans ce sens particulièrement vulnérables. »
Toujours d’après Věra Jourová, éviter le lavage des cerveaux par des mensonges est un des objectifs de la Comission européenne. Toutefois, il est important que les campagnes laissent toute liberté aux opinions de droite, de gauche ou même populistes, car la liberté de parole demeure un impératif absolu, sauf bien entendu quand il s’agit de positions extrémistes interdites par la loi. Dans cette logique, les Etats sont appelées à développer et à renforcer la pensée critique de leurs populations. Par ailleurs, au début du mois de décembre, la Comission lancera un plan d’action relatif à la désinformation contenant diverses recommandations pour les pays membres.
Le service militaire sous le socialisme : près de 200 événements tragiques par an
Pour la première fois depuis la chute du régime communiste en novembre 1989, les experts de l’Institut d’histoire militaire ont évalué le nombre de soldats morts lors de leur service militaire obligatoire sous le socialisme : près de 3 840 hommes rien qu’entre 1964 et 1989. Ainsi, à compter du début des années 1960, près de 200 décès ont été recensés chaque année. En se référant au site info.cz, qui dispose exclusivement des données en question, l’hebdomadaire Reflex précise :« Tout indique cependant que le nombre de décès enregistrés durant l’existence de l’armée ‘socialiste’ a été beaucoup plus élevé. Ce qui rend ce constat particulièrement tragique, c’est que ces soldats ne sont pas morts dans des combats. Ce sont des exercices militaires, des accidents de la route, la pratique de tirs d’essai et d’autres activités liées au service militaire qui en sont majoritairement la cause. Il y a eu aussi beaucoup de cas de suicides. Apparemment, presque chaque personne qui a effectué un service militaire a vécu, directement ou indidrectement, un événement tragique dans son entourage. »
Les données relatives aux années 1950 et aux événements qualifiés « d’extraordinaires » dans l’armée sont absentes dans les archives militaires. On peut néanmoins supposer, comme le prétendent les historiens cités par le magazine, que la situation a été identique. Une certaine amélioration est survenue à partir des années 1970, avec une amélioration des mesures de sécurité dans l’armée... Le service militaire obligatoire dans l’ancienne Tchécoslovaquie s’étendait sur deux ans pour le plus grand nombre et sur un an pour les diplômés de l’enseignement supérieur.
Ratrapper l’Allemagne : mais quand ?
L’économie tchèque traverse une des meilleures périodes de son histoire récente, car sa croissance se poursuit depuis cinq ans déjà. Le taux de chômage qui varie autour de 2,8% et qui est le plus bas depuis la seconde moitié des années 1990, l’augmentation des salaires, la consommation des ménages… Autant d’atouts dont elle profite. Toutefois, un des buts à atteindre, à savoir se rapprocher du niveau de vie de l’Allemagne voisine, demeure toujours très éloigné. Le journal économique Hospodářské noviny rapporte à ce sujet :« C’est un constat qui ressort de la dernière étude effectuée par l’Aspen Institut qui analyse régulièrement les domaines clés du fonctionnement de l’Etat tchèque et propose des améliorations. D’après ce qu’elle indique, le problème principal est la croissance insuffisante de la productivité du travail, qui n’atteint que 80% de la moyenne européenne. La structure de l’économie tchèque aussi est problématique, car elle s’appuie prioritairement sur des entreprises sous-traitantes et non pas ‘finalistes’, comme c’est le cas par exemple en Allemagne. »
En outre, les entreprises en République tchèque peinent à trouver une main-d’œuvre qualifiée. Cette pénurie est une des conséquences du faible taux de chômage. D’après les données de la Chambre économique, elles sont en quête de quelque 440 000 employés, un chiffre qui risque d’augmenter encore davantage. Les économistes préviennent donc que l’économie tchèque est en train de toucher à ses limites.
Le procès contre Rudolf Slánský revit dans un documentaire
Ce mercredi 21 novembre, 65 ans se sont écoulés depuis le début du procès que l’ancien régime communiste en Tchécoslovaquie a organisé contre Rudolf Slánský et treize autres personnes. Il s’agit là probablement du plus célèbre des procès staliniens organisés dans les années 1950 tant contre les membres du parti que contre les prétendus ennemis du régime. Cet anniversaire est l’occasion de présenter pour la première fois une version numérisée du film retraçant les huits jours de ce procès truqué et mis en scène sous la baguette de conseillers soviétiques. Ce film peut désormais être consulté sur le site des Archives nationales www.nacr.cz. Le quotidien Mladá fronta Dnes écrit à ce propos :« Un film d’horreur. C’est ainsi que l’on peut caractérier les images enregistrées qui ont tout pour choquer et bouleverser le spectateur. Les quatorze accusés amenés dans la salle par des gardiens en uniforme sont amaigris, épuisés par la brutalité des interrogatoires et portent des traces de tortures. A tour de rôle, ils finissent par s’accuser publiquement conformément au scénario qui leur avait été imposé. On entend la voix fanatique et voit le visage du procureur qui demande la peine de mort. Et les accusés qui acceptent et ne font pas appel de la décision. »
Le fait que vingt caisses remplies de bandes audio et vidéo du procès aient été retrouvées à la mi-mars dernier, dans un entrepôt situé à vingt kilomètres de Prague, est le fruit du hasard. Ces images inédites ont ensuite permis aux historiens de reconstituer le procès complet contre Rudolf Slánský, ancien numéro deux du régime communiste derrière le président Klement Gotwald, et d’étudier en détail son atmosphère.