Prague en passe d’accueillir la nouvelle Agence pour le programme spatial de l’UE ?

GSA à Prague, photo: ŠJů, CC BY 4.0

A en croire certains eurodéputés tchèques, la cause serait déjà entendue : la nouvelle Agence pour le programme spatial de l’Union européenne va remplacer l’actuelle agence basée à Prague que l’on appelle GNSS européen ou encore GSA et qui gère notamment le système de navigation par satellites Galileo. Au-delà de la jungle de ces nombreux acronymes, il est question d’un enjeu géopolitique important à plusieurs titres et de potentielles conséquences intéressantes pour la ville de Prague et les sociétés tchèques spécialisées dans les nouvelles technologies.

GSA à Prague,  photo: ŠJů,  CC BY 4.0
Le député européen Evžen Tošenovský (ODS) - qui a participé aux négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission - se félicite déjà de la décision prise d’élargir le domaine de compétences de l’agence pragoise et de la rebaptiser. Il a indiqué à l’agence ČTK qu’un accord avait été passé à Bruxelles dans la nuit de mardi à mercredi et que cela signifiait notamment que des dizaines de nouveaux emplois seront créés dans la capitale tchèque. Il semble pourtant que ce soit aller un peu vite en besogne, entre autres parce que la décision doit encore faire l’objet d’un vote au Parlement européen.

Marie Ménard est chargée de la communication de l’agence GSA, basée à Prague depuis 2012 :

« Ce qui s’est passé mardi soir, c’est que le Parlement et le Conseil européens se sont mis d’accord sur un texte qui donnerait un certain nombre de nouvelles missions à notre agence GSA, en plus d’un nouveau nom. Pour le moment, nous sommes en charge de l’exploitation des programmes de navigation par satellites que sont EGNOS et Galileo. Ce sur quoi il semble qu’il y ait eu un accord est le nouveau nom qui en français serait l’Agence de l’UE pour le programme spatial, avec une responsabilité accrue de l’agence sur l’exploitation, le développement des marchés et la communication pour l’ensemble des activités spatiales de l’UE. »

Quelles conséquences concrètes sont attendues pour votre agence pragoise?

Marie Ménard,  photo: Pierre Meignan
« Pour le moment, le Parlement n’a pas voté et le budget non plus n’est pas encore voté. L’accord préalable n’a pas porté sur une enveloppe financière et cela sera décidé probablement en fin d’année. Pour vous donner une idée, le Parlement européen a demandé 16,9 milliards d’euros pour tous les programmes spatiaux. Est-ce que cela aura des conséquences en termes d’augmentation du nombre d’employés et développement de l’agence ? A priori oui, mais sans vote du budget on ne peut dire pour l’instant dans quelle mesure. »

Karel Dobeš est chargé par le gouvernement tchèque des relations avec l’agence GSA:

« Les choses sont compliquées et peut-être que le Brexit va les compliquer encore davantage. L’Agence spatiale européenne (ESA), dont le siège est à Paris, n’est pas une agence de l’UE mais une agence intergouvernementale dont font partie aussi la Norvège ou la Suisse. La Commission européenne considère l’espace comme très important et tous les programmes spatiaux (Galileo, EGNOS, Copernicus, SST, govsatcom) devraient être gérés à l’avenir par une seule agence, par souci d’économie : c’est en tout cas ce que la République tchèque propose et ce qui est en négociation à Bruxelles. »

Que ce soit à 28 ou peut-être bientôt à 27, les négociations s’annoncent encore difficiles, notamment parce que l’ESA voit d’un très mauvais œil la réforme en cours. Non seulement à cause du nom de la future agence de l’UE, qui prêterait à confusion, mais aussi et surtout à cause des compétences respectives des deux agences en question.

Karel Dobeš,  photo: Jana Přinosilová,  ČRo
Le EUobserver rapportait la semaine dernière que le directeur de l’ESA avait adressé une lettre à la Commission européenne pour demander une cinquantaine de modifications du nouveau projet.

Il semble bien que, dans le domaine spatial aussi, ce soit une question de fond qui doive être tranchée, à savoir le maintien d’un modèle intergouvernemental tel qu’il fonctionne à l’ESA ou le passage au modèle supranational européen tel que prôné par le traité de Lisbonne en 2009.

Les enjeux stratégiques sont considérables – les enjeux financiers également. Et pour la République tchèque, c’est aussi une question de prestige, indique Karel Dobeš :

« C’est quasiment la seule agence technologique de l’UE. Si elle était effectivement rebaptisée Agence de l’UE pour le programme spatial, ce serait déjà gagné au niveau du prestige par rapport à l’ESA. La question qui restera sera celle de son financement et nous faisons en ce moment du lobbying pour qu’il soit important. Et pour les entreprises tchèques, la localisation à Prague nous permet d’organiser des séminaires et de renforcer les contacts avec cette agence – la communication et l’information sont la clé pour les nouvelles technologies. Cela facilite les choses pour les entrepreneurs locaux. »

Et selon un autre eurodéputé tchèque, Jiří Pospíšil (TOP 09) – ancien candidat à la mairie de Prague -, la création de cette nouvelle agence serait d’ores et déjà une bonne nouvelle pour la capitale tchèque, avec des retombées directes et indirectes, « comme dans le secteur du tourisme de congrès ».