Prague, Pragois et le Sommet de l'OTAN

Palais des congrès, photo: CTK

La vie des Tchèques, du moins une partie, les Pragois, ceux qui y travaillent ou qui viennent visiter la capitale tchèque, a complètement changé cette semaine. La Tchéquie au quotidien, ou plutôt Prague pour la circonstance, c'est le sommet de l'OTAN, les 21 et 22 novembre. Un événement attendu depuis longtemps, mais qui est aussi redouté. Nous vous proposons donc un aperçu de ce que vivent et vivront les habitants et les visiteurs de Prague, en cette semaine pas comme les autres.

Palais des congrès,  photo: CTK
Une semaine pas comme les autres, vraiment, car avec la tenue du Sommet de l'OTAN, Prague devient l'hôte de près d'une cinquantaine de personnalités politiques mondiales, présidents, chefs de gouvernement ou ministres des Affaires étrangères. Lieu choisi pour ce sommet de l'Alliance de l'Atlantique Nord ? L'un des bâtiments constituant l'un des points dominants de la capitale tchèque, mais aussi l'un des plus mal-aimés : l'ancien Palais de la culture, aujourd'hui transformé en Palais des congrès. Il a été inauguré en 1983, ce monolite en béton et, en dépit de son nom qui devait le prédestiner, surtout, à la culture, il servait plutôt aux grandes réunions des dirigeants communistes d'avant 1989. En l'an 2000, il a servi, pour la première fois, à une grande réunion internationale : les assises du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Le Palais des congrès a été choisi pour abriter le Sommet de l'OTAN, en ce mois de novembre, à Prague. Il s'agit d'un sommet historique pour deux raisons : primo, c'est la première fois que l'Alliance organise sa réunion la plus importante dans un pays qui faisait partie du bloc communiste. Secundo, l'OTAN va, de nouveau, s'élargir, avec l'adhésion de nouveaux membres, englobant presque toute l'Europe.

Palais des congrès,  photo: CTK
Le Palais des congrès se prête relativement bien à l'organisation de telles réunions. Il offre de vastes espaces et est facile à isoler du monde extérieur pour des raisons de sécurité. En plus de cela, il est d'un accès facile, par l'axe routier nord-sud, qui traverse la capitale. Tout cela serait très bien, mais les autorités sont conscientes du danger que représente une rencontre de près d'une cinquantaine de personnalités mondiales. Coment se présente donc Prague la dorée, la ville aux cents tours, à la veille du Sommet de l'OTAN ? On peut dire que la « Belle sur la Vltava » ressemble, peu à peu, à une ville en état de siège. Naturellement, tous les quartiers ne sont pas concernés. Dans les environs du Palais des congrès, du Château de Prague, dans le centre historique, pourtant, une sorte de psychose commence à faire son apparition. En effet, les commerçants, par exemple, n'ont pas oublié les vitrines brisées par des manifestants, lors des assises du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, il y a deux ans. On voit donc apparaître, non seulement les rideaux baisés de certains commerces, mais aussi des vitrines protégées par des plaques de contreplaqué. Souvent, comme dans la rue Vinohradska même, qui est assez loin du centre, les enseignes lumineuses, les néons sont démontés ou cachés sous des sacs en plastique... Serions-nous dans l'attente d'une guerre ? Non, mais les attentats du 11 septembre, contre les Etats-Unis, ont démontré que le terrorisme se mondialise de la même manière que le fait l'économie.

Prague se prépare au sommet de l'OTAN,  photo: CTK
A quoi donc le Pragois ou le visiteur de Prague est-il confronté, ces jours-ci ? Ce qui les touche, certainement le plus, ce sont des difficultés dans les transports et la circulation automobile. En effet, Prague ne s'est pas encore remise des dommages causés par les inondations catastrophiques de la mi-août... des inondations millénaires. Certaines stations du métro restent fermées, certaines lignes de trams n'existent plus, certains ponts traversant la Vltava sont interdits à la circulation automobile. Les autorités, craignant aussi bien les risques d'attentat que les dangers représentés par les manifestations, ont décidé de boucler, véritablement, les points chauds du Sommet de l'OTAN. Ainsi donc, du 19 au 22 novembre, les abords du Palais des congrès seront interdits à la circulation, le pont de la communication rapide nord-sud, qui traverse la vallée de Nusle, juste en dessous du Palais, sera aussi fermé. Les alentours du Château de Prague et ceux de la Maison municipale, dans le centre, seront interdits de circulation, aussi. Les autorités n'excluent pas d'autres restrictions, en raison de manifestations contre l'OTAN. Les habitants du 6ème arrondissement, par lequel on accède au principal aéroport de Prague, Ruzyne, doivent aussi compter avec des limitations temporaires de la circulation automobile. La grande avenue, Evropska (Européenne) sera fermée, lors du passage des colonnes officielles.

Prague se prépare au sommet de l'OTAN,  photo: CTK
Les habitants des quartiers concernés risquent de rencontrer des difficultés, aussi, dans leur approvisionnement. En effet, les livraisons ne seront permises qu'à certaines heures. Les autorités mettent en garde les habitants de ces quartiers. Si vous y avez un logement, mais que vous n'y avez pas votre domicile fixe, pas de chance, on ne vous laissera pas rentrer chez vous ! Exagéré ? Aucunement répondent les responsables des forces de l'ordre, car l'enjeu est trop grand. Le risque ne peut exister dans une situation où le terrorisme et les extrémistes de tous genres ne reculent devant aucun moyen.

Le Pragois moyen est certainement en droit de se demander à quoi cela sert-il de perturber, ainsi, sa vie de tous les jours, d'entraver ses libertés individuelles ? Les seuls gagnants dans l'histoire sont les écoliers et les étudiants qui bénéficient de vacances inattendues. Beaucoup se demandent, pourtant, quel sera le bénéfice pour la République. Difficile d'expliquer à un SDF, un sans-abri, un chômeur, qu'il en va du prestige, de la notoriété, de la fiabilité, en un mot de la renommée de la nation tchèque, de sa capitale Prague... Difficile de leur faire comprendre l'enjeu économique que représente une telle réunion au sommet de la plus prestigieuse organisation de défense mondiale. Pourtant, même le simple Pragois, au chômage de nos jours, pourrait comprendre que le succès du sommet de l'OTAN, sa tenue même à Prague, est une reconnaissance des changements effectués en République tchèque, depuis la chute du communisme, en 1989. Qui y aurait pensé, au temps où la Tchécoslovaquie dont faisait partie la Tchéquie, était membre d'un pacte se disant défensif, le Pacte de Varsovie ? Un pacte défensif, mais qui n'avait pas hésité à envahir la Tchécoslovaquie en 1968 ! Qui ? Peut-être le Président de la République, Vaclav Havel, pour lequel ce sommet représente, probablement, l'apothéose de sa carrière... de dissident ou homme politique reconnu dans le monde entier. Pour cette semaine de la vie quotidienne, sinon tchèque, mais pragoise, deux nouveaux points dominant sont apparus dans son ciel : un coeur battant au-dessus du Château de Prague, et le symbole de l'Alliance de l'Atlantique Nord, sur l'autre rive de la Vltava, au-dessus du Palais des congrès.