Prague Pride Festival : « Les Tchèques sont persuadés d’être très tolérants… »
A partir de lundi et pour une semaine, Prague se pare de vêtements arc-en-ciel et de paillettes. Le festival Prague Pride célèbre cette année encore les fiertés LGBT (lesbiennes, gays, bies et transgenres) avec un large programme dont le point d’orgue aura lieu samedi 10 août avec la marche des fiertés. Colin Gruel a rencontré Hana Kulhánková, fondatrice de l’association Prague Pride, pour évoquer avec elle le programme et les objectifs de la neuvième édition de ce festival.
« Le festival se déroule sur plusieurs lieux : la Pride House, au café Langhans, où auront lieux débats, workshops et rencontres avec nos invités ; le Pride Village, sur l’île de Střelecký ostrov, d’où vous apercevrez le Château de Prague et où se dérouleront des concerts et autres ateliers… Nous avons aussi un nouveau lieu, la Pride Life, où nous coopérerons avec une association pour les seniors, Život 90 (Vie 90), et nous aimerions y proposer des programmes intergénérationnels. Nous nous rencontrons peu, entre jeunes et vieux, et nous voudrions donner l’opportunité aux seniors LGBT de sortir du placard, de rendre publique leur homosexualité, et d’intégrer notre communauté. »
Cette année, nous fêtons aussi les 50 ans des émeutes de Stonewall, un moment fondateur dans l’activisme LGBT, quand la police fit une descente dans un bar gay de New York, ce qui entraîna une vague de protestations et de manifestations. Cela a-t-il eu un impact dans la préparation du festival ?
« Nous avons décidé de célébrer cet anniversaire. C’est un événement très important dans l’histoire queer. Les Tchèques ne connaissent pas vraiment cet événement, car il a eu lieu sous l’ère communiste. Dans les années 1960, nous avions peu d’informations sur ce qui arrivait à l’Ouest. Même pour moi, qui ai 41 ans maintenant, c’est très important de comprendre la marche de l’histoire, et quels impacts cela a eu sur ma vie. J’essaye vraiment de proposer des événements qui connectent l’histoire au présent et à l’avenir. Souvenons-nous aussi que Stonewall a commencé avec des personnes queers et trans, qui ont totalement été oubliées. Aujourd’hui, quand on regarde la situation de la communauté trans, c’est très similaire sur beaucoup de points. Par exemple, en République tchèque, si vous voulez entamer le processus de transition, vous devez être stérélisé, ce qui est très inhumain. Le traitement réservé aux personnes trans n’est pas convenable, même 50 ans après Stonewall. »Un autre combat à mener : celui de la visibilité. A Prague, on voit moins que dans d’autres capitales européennes de quartiers gays ou de bars gays, par exemple. Donc votre festival arrive totalement en contraste.
« Les Tchèques sont persuadés d’être très tolérants. Mais demandons leur avis aux personnes LGBT ! Cette année, l’un des messages portés par le festival, c’est de dire que 50 ans après Stonewall, il y a encore des personnes homosexuelles qui ne veulent pas tenir la main de leur compagne ou compagnon dans la rue. Selon les statistiques, 40% des personnes LGBT ne le font pas parce qu’ils ont peur de ce qui pourrait arriver. La situation est vraiment différente de ce qu’on pense. La question de la visibilité est très importante pour moi, en tant que directrice de l’association Prague Pride. Quand je suis devenue directrice, je me suis rendu compte qu’il y avait peu de place laissée aux lesbiennes. Alors j’ai décidé de leur faire plus de place, parce que moi aussi j’ai envie de profiter de ce festival ! »Le festival est-il soutenu par des personnalités politiques ?
« Il y a eu une proposition pour ouvrir le mariage aux couples homosexuels. Nous avons le partenariat enregistré, mais Prague Pride fait partie de la coalition qui demande l’accès égal au mariage pour tout le monde. Le sujet est sur la table avec des politiciens. Cette année, le maire de Prague nous soutient, et il affichera le drapeau LGBT à la mairie. Il y a donc beaucoup de soutien de ce côté, et en même temps, beaucoup de responsables politiques sont indécis et peuvent être facilement influencés… Donc nous devons nous souvenir que rien n’est jamais acquis. Regardez ce qui se passe en Pologne ou en Slovaquie ! Ce sont nos voisins, et leur situation est bien plus compliquée. »
Cette année, ce sera seulement la 9e marche des fiertés à Prague, pourquoi un si petit nombre ?
« Auparavant, il y avait eu des marches à Brno et à Tábor, des marches beaucoup plus petites. Je pense que le fait que nous n’ayons pas une longue tradition de marche des fiertés a un lien avec notre histoire. L’activisme LGBT, qui a commencé à apparaître dans les années 1950-1960, a été stoppé par le régime communiste. Dans les années 1990, ça a été le véritable commencement. Mais à l’époque, on se battait juste pour être reconnu en tant qu’être humain. Ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu moi-même mais quelque chose que les plus vieux m’ont raconté. Mais dans les années 1990, on considérait que les personnes queers étaient malades. Trente ans plus tard, nous ne sommes plus considérés comme malades par la majorité. Nous sommes des gens tout à fait normaux et nous demandons les mêmes droits que les autres, c’est tout ! »