Pražský výběr : le rock déjanté d’un groupe de légende

Pražský výběr – littéralement « La sélection de Prague ». Rassurez-vous tout de suite, il ne s’agit ni de football ni de hockey sur glace, mais bien de musique, et même de bon vieux rock. C’est donc à ce groupe de la nouvelle vague des années 1970-1980, groupe excentrique et même quelque peu déjanté dans le bon sens du terme comme il y en avait quelques-uns à l’époque un peu partout dans le monde, en un mot à un groupe phare de la scène musicale tchèque qu’est consacré ce Dimanche musical.

Devenu nom d’un groupe de rock, Pražský výběr était à l’origine le nom d’une marque de piquette, pardon de vin, sous le communisme. Peut-être en avaient-ils trop consommé lors d’une soirée bien arrosée passée dans un bar à vin de Prague, ou peut-être pas, toujours est-il qu’un beau jour, un groupe de jeunes joueurs de jazz formés autour de Michael Kocáb, chanteur et claviériste, adoptent ce fameux nom de Pražský výběr. On est alors en 1976, en plein cœur de la triste période politique dite de Normalisation.

Rapidement, Pražský výběr devient un des groupes les plus appréciés de la nouvelle vague, notamment pour ses qualités instrumentales, sans toutefois faire l’unanimité auprès du public. En d’autres termes, on aime ou on n’aime pas une musique qui, il est vrai, n’est pas composée pour plaire à toutes les oreilles et fait parfois du bruit…

Composé, décomposé, recomposé, formé déformé, reformé, interdit aussi pendant trois ans au milieu des années 1980, Pražský výběr évolue avec le temps et les années qui passent. Mais si les musiciens présents aux débuts ne sont plus tous là, reste le leader charismatique du groupe : Michael Kocáb. Par son engagement politique lors des événements qui accompagnent chute du régime communiste, Michael Kocáb permet à Pražský výběr de devenir un des symboles des grands changements qui s’opèrent dans la société tchécoslovaque à compter de 1989.

Dès le printemps, soit quelques mois encore avant l’éclatement de la révolution, Michael Kocáb avait participé à la fondation de Most, une initiative devant favoriser la communication entre les structures dirigeantes du pays et les membres de la dissidence. A l’automne, cette même initiative avait organisé et permis la tenue de tous les entretiens entre les représentants de l’opposition au régime et le chef du gouvernement communiste. Tout cela sans oublier que Michael Kocáb, aux côtés entre autres de Václav Havel, deviendra un des membres fondateurs du Forum civique, que c’est lui qui a mené les négociations avec l’armée tchécoslovaque pour empêcher l’intervention de celle-ci pendant les manifestations de novembre 1989 et surtout plus tard avec Moscou pour le départ des soldats soviétiques du territoire tchécoslovaque. Forcément, ça vous classe un homme et avec lui son groupe de rock…

En avril de cette année, après une période de silence, longue pour certains, moins pour d’autres, période pendant laquelle Michael Kocab a notamment occupé les fonctions de ministre en charges des droits de l’homme et des minorités, Pražský výběr s’est reconstitué pour la énième fois. Cinq concerts figurent à son programme cet automne. Si vous le pouvez, allez-y pour vous faire une idée. Et même si ça ne vous plaît pas, vous aurez découvert une musique pour le moins particulière et un public à coup sûr fort sympathique… Après tout, les valses de Strauss ont elles aussi été interdites en leur temps à Vienne et les Beatles ont d’abord été considérés comme une révolution musicale dans l’Angleterre conservatrice des années 1960 avant de devenir ce qu’ils sont devenus depuis.