Présidence tchèque de l’UE : « assurer une présidence fonctionnelle serait déjà un succès »
La République tchèque doit prendre la présidence tournante du conseil de l’UE le 1er janvier 2009. A un moment qui s’annonce crucial dans l’histoire des institutions européennes et juste après la présidence française. Pas simple pour une toute première présidence. Une conférence sur ce thème était récemment organisée par l’Institut pragois des relations internationales, réunissant intervenants tchèques, français et suédois, la Suède devant prendre le relais au second semestre de l’année 2009.
Parmi ces intervenants, Hubert Haenel (UMP), président de la délégation pour l’UE au Sénat français :
« Les enjeux sont beaucoup plus importants que lors d’une présidence ‘au fil de l’eau’, comme on dirait maintenant. On sera sur une période de 18 mois avec des changements importants : le traité de Lisbonne, mais aussi réussir Euroméditerranée et les liaisons avec les pays de la Méditerranée, on aura un nouveau président des Etats-Unis, il va falloir savoir comment l’Europe se situe par rapport aux Etats-Unis, on aura un nouveau Premier ministre en Fédération de Russie, qui va s’appeler M. Poutine et qui ne sera plus président. On aura toute une série d’autres événements, même les JO de Pékin auront de l’importance : quelle attitude l’Union aura à l’égard de la Chine par rapport aux droits de l’Homme. Je pense que pour les Français, les Tchèques et les Suédois c’est tout à fait passionant, même si ce n’est pas simple. »
Dans cette étape de préparation, sentez-vous chez vos collègues tchèques et suédois une certaine crainte de se faire un peu effacer par la présidence française, qui affiche de grandes ambitions avec son nouveau chef de l’Etat ?« Le président Sarkozy, peut-être à la différence de son prédecesseur, a décidé d’avoir une attitude tout à fait différente avec les pays qui nous ont rejoints le 1er mai 2004. Il me l’a dit il y a encore une dizaine de jours quand j’avais une réunion de travail dans son bureau. Il l’a dit à ses collaborateurs et aux ministres présents : ‘Nous devons faire un gros effort en direction de l’Est’. »
Pendant cette période de préparation des prochaines présidences, les points de vue convergents entre Français et Tchèques sont souvent soulignés, les sujets de désaccord un peu moins, comme par exemple la réforme de la politique agricole commune (PAC). L’avocat Laurent Cohen-Tanugi est président de la Mission l’Europe dans la mondialisation auprès du ministère français de l’Economie des Finances et de l’Emploi :
« C’est une question qui devrait être résolue à l’échelle de l’ensemble de l’Union donc les différends bilatéraux sont moins importants quand ils essaient de trouver un compromis global. Je pense que sur la PAC cela va intervenir dans le cadre de la revue des perspectives financières. Pour la France, c’est évidemment un secteur stratégique, non seulement pour la dimension agricole elle-même mais aussi pour la nouvelle dimension qu’a l’agriculture aujourd’hui, notamment en matière de développement durable. Il y a aussi évidemment des divergences sur le caractère plus ou moins libéral de l’Europe économique. Mais je pense qu’on peut arriver à trouver des convergences autour d’un constat commun, et ce qui me frappe c’est la prise de conscience du défi que pose à l’Europe l’accélération de la mondialisation, la compétitivité accrue des grands pays émergents d’Asie. A partir de ce diagnostic commun, il faut voir quelles sont les meilleures réponses : l’économie de la connaissance, la stratégie de Lisbonne certainement, mais sans doute faut-il aller un peu plus loin, dans l’énergie notamment, dans la définition d’une véritable politique commune européenne. »
Pour la République tchèque, la préparation de cette présidence n’est pas aisée parce que le semestre de l’année 2009 pendant lequel elle est censée prendre cette présidence va être marqué entre autres par la potentielle entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. On ne sait pas encore à quel moment du processus de ratification la République tchèque va prendre la présidence ; est-ce que cette entrée en vigueur va déterminer tout le reste ?
« Non, je ne pense pas que ce soit le cas et je ne pense pas qu’il faille que ça détermine tout le reste. Effectivement, il y a une petite incertitude sur l’entrée en vigueur mais le but c’est quand même une entrée en vigueur au 1er janvier 2009. Donc la présidence française en association avec les présidences suivantes va travailler à la préparation de l’entrée en vigueur du nouveau traité sur le plan institutionnel, et il faut le faire en continuité avec la présidence tchèque. Mais de toutes façons, même si le traité entre en vigueur le 1er janvier 2009 cela va prendre un certain temps à se rôder, donc je ne pense pas qu’il faille que cet aspect institutionnel prenne le pas sur les autres. Alors c’est vrai que c’est un défi important pour la République tchèque. D’abord c’est une première présidence, c’est toujours quelque chose d’important, avec un contexte politique européen entre nouvelles élections et nouvelle Commission. C’est aussi une formidable opportunité et je crois que ça va être un formidable exercice d’appropriation de l’Europe au sein de la RT. Je crois que c’est une très belle opportunité d’avoir la présidence à ce moment-là, même si c’est vrai que c’est un peu difficile... » Un peu difficile, d’autant plus difficile selon le directeur de l’Institut pragois des relations internationales, qu’il y a encore un sérieux problème de communication entre les différents ministères tchèques. Petr Drulak :« Je pense que c’est un problème très grave qui se traîne depuis le début des années 1990 : chaque ministère est un royaume qui ne communique pas beaucoup avec les autres ministères. C’est bien que le représentant du gouvernement l’ait mentionné lors de cette conférence comme un vrai défi pour le pays. »
Est-ce que vous sentez que les Tchèques ont quelque part la crainte de se faire effacer par la présidence française et Sarkozy juste avant ?
« Je n’ai pas ce sentiment. Il y aura toujours un peu de méfiance envers un grand pays qui a l’habitude de jouer un rôle premier au plan européen, mais je ne pense pas que c’est quelque chose qui va paralyser la République tchèque, on ne peut pas parler de peur ou d’hystérie... »
Comment la République tchèque pourrait-elle rater sa présidence, comment est-ce que ça pourrait être perçu comme un échec ?
« Ça peut être un échec du point de vue administratif ou logistique. C’est la raison pour laquelle on a parlé du problème de la communication inter-ministérielle. Si ça ne marche pas, il y aura des problèmes administratifs, logistiques et organisatoires. Ce serait un échec. On peut aussi parler de succès ou d’échec en termes politiques, mais c’est une question secondaire : la présidence doit marcher en tant que présidence. Si on parvient à faire quelque chose de plus sur les questions politiques, ça va aider, mais si on ne le fait pas tout en parvenant à assurer une présidence fonctionnelle, ce serait déjà un succès. »