Presse : d’un extrême à un autre, la scène politique tchèque salue à l’unisson le retour de Donald Trump

Donald Trump avec son épouse Melanie

Quels sont les courants politiques en Tchéquie qui voient d’un bon œil le deuxième mandat présidentiel de Donald Trump ? Réponse dans cette nouvelle revue de presse de la semaine écoulée qui retient également l’écho qu’ont trouvé les premiers décrets signés par le nouveau chef de la Maison-Blanche. Autres sujetrs traités : l’agitation de ces derniers jours en Slovaquie voisine et les préjugés liés à l’âge en Tchéquie.

« Vu de l’extérieur, la Tchéquie doit ressembler à un curieux pays. Les partis et les courants politiques qui se réjouissent le plus de la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis sont ceux à qui son retour causera le plus de problèmes. » C’est du moins ce qu’estime un chroniqueur du quotidien Hospodářské noviny, qui développe sa vision des choses :

« Le mouvement ANO, qui entend bien revenir au pouvoir à l’issue des élections législatives cet automne, acclame un Trump qui menace pourtant l’Union européenne d’instaurer des droits de douane qui affecteraient gravement, aussi et surtout, les exportations tchèques. Comme les recettes d’exportation, le PIB et les revenus des impôts seront ainsi moindres, l’éventuel gouvernement d’Andrej Babiš, qui se plaît à porter une casquette rouge à la Trump, sera alors confronté à un problème. Certains conservateurs des partis au pouvoir, comme le Parti civique démocrate (ODS) ou les chrétiens-démocrates (KDU-ČSL), applaudissent Trump eux aussi, et ce, alors que leurs électeurs les considèrent davantage comme des alliés des démocrates américains et des opposants au populisme chaotique qu’incarne Donald Trump. »

Mais le plus étrange dans tout cela, comme le note encore l’auteur du quotidien économique, c’est la sympathie qu’exprime Kateřina Konečná, la présidente du parti communiste, pour Donald Trump. Et ce, même si, explique-t-il, « on comprend bien sûr pourquoi toutes ces forces politiques en Tchéquie, parmi lesquelles figurent encore également le parti d’extrême-droite SPD, sont favorables au retour de Trump aux affaires ».

« Elles cherchent une source d’inspiration sur la manière d’isoler ou même de détruire la vision libérale du monde, avec toutes ses minorités gênantes, ses égards, ses positions politiquement correctes. Mais leur vision des choses est ridicule. Le slogan trumpien ‘Make America Great Again’ n’implique rien qui concerne l’Europe, et encore moins la Tchéquie. »

Oeil sur l’investiture et les premières démarches de Donald Trump

Comme ailleurs dans le monde, le discours d’investiture et les premières démarches du nouveau président américain ont trouvé un vaste écho dans la presse tchèque aussi. « Trump a lancé la guerre » titre, par exemple, l’hebdomadaire Reflex, qui explique pourquoi :

« Dans son discours d’investiture, Donald Trump a fait l’étalage d’un manque total de diplomatie. C’est comme s’il avait décidé de poursuivre sa campagne électorale. Il n’a laissé planer aucun doute sur le fait que son second mandat sera consacré à une Amérique agressive. Le président américain alternera les rôles de Messie, de Robin des Bois et de Frankenstein. »

« L’agressivité inattendue avec laquelle Donald Trump a annoncé l’expansion territoriale des États-Unis ou la fin du Green Deal est sans précédent dans l’histoire des discours des présidents américains, et c’est pourquoi nous devons nous habituer à des temps nouveaux », renchérit le journal en ligne Forum 24, selon lequel cette déclaration encourage « les défenseurs du vieux monde des moteurs thermiques et des énergies fossiles en Tchéquie ».

Source: AA/ABACA/Profimedia

Sur le site Novinky.cz, le ton est plus catégorique encore :

« Donald Trump est l’un des pires présidents de l’histoire des États-Unis et le pire président de l’ère moderne. Il a été très mal géré la crise de la pandémie de coronavirus et tenté un coup d’État sans tenir compte le moins du monde de la Constitution. Ses promesses, comme celle de mettre fin à la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures, sont irréalistes ou insignifiantes. Voilà pourquoi on peut s’attendre à de grands gestes symboliques et à une réthorique exagérée. »

Un chroniqueur du site Seznam Zprávy souligne pour sa part qu’avec Trump, il faut se préparer à ce qui pourrait ressembler à un grand n’importe quoi. « Qu’il ne puisse pas mettre fin à la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures, comme il l’avait annoncé avant l’élection, est malheureusement une évidence. Reste aussi à savoir si un drapeau américain sera planté sur Mars sous son administration, même si cela importe malheureusement déjà beaucoup moins », écrit-il.

Le rédacteur en chef du journal en ligne conservateur Echo24.cz qualifie, lui, le discours de Donald Trump, « qui a complètement piétiné les politiques des démocrates », de «  percutant et captivant », tandis qu’un chroniqueur du site Info.cz remarque que « bien que les dirigeants étrangers ne soient jamais invités à cette cérémonie, les chaises sous le dôme du Capitole étaient cette fois occupées par une pléïade de ‘chemises brunes’ venues des quatre coins de l’Europe, du Royaume-Uni à l’Allemagne en passant par la France, la Belgique et l’Espagne. »

Bratislava proteste : « La Slovaquie est l’Europe »

Les médias tchèques consacrent une grande attention également à l’évolution de la situation politique en Slovaquie, le pays voisin le plus proche, où le gouvernement de Robert Fico, qui sympathise avec la Russie, accuse l’opposition de préparer le terrain pour un coup d’État. « Il est choquant de suivre la vitesse à laquelle la démocratie décline en Slovaquie », souligne ainsi Respekt. L’hebdomadaire libéral déplore le fait que, « alors que la Slovaquie est en proie au marasme, les alliés tchèques de Robert Fico gardent lâchement le silence ».

Une manifestation à Bratislava,  Slovaquie | Photo: TASR/Profimedia

Sur le site Seznam Zprávy, un autre commentaire revient sur les récentes visites du Premier ministre Robert Fico et d’un groupe composé de six députés slovaques à Moscou. L’auteur souligne néanmoins :

« Certes, la Slovaquie a le gouvernement qu’elle a. Pour autant, elle n’est pas un pays antieuropéen ou prorusse, bien au contraire. L’euro bénéficie du soutien le plus important parmi tous les États membres de l’UE et 80 % des Slovaques affirment être conscients des avantages de l’appartenance de leur pays à l’Union. Selon un sondage mené en mai 2024, un quart seulement des Slovaques sont favorables à une sortie de l’Union. Le même sondage révèle également que parmi les électeurs des partis siégeant au Parlement, l’idée d’une sortie de l’UE ne bénéficie d’aucun soutien majoritaire. Autrement dit, il n’existe aucun soutien massif à un éventuel ‘Slovexit’ qui, de toute façon, constituerait un désastre économique absolu pour la Slovaquie. »

Par ailleurs, comme le note encore Seznam Zprávy, « La Slovaquie est l’Europe » est le principal slogan qui accompagne les diverses manifestations qui, depuis le début de l’année, et ces jeudi 23 et vendredi 24 janvier encore, sont organisées non seulement dans la capitale Bratislava, mais aussi dans une vingtaine d’autres villes du pays.

L’âgisme concerne aussi bien les jeunes que les personnes âgées

La Tchéquie souffre de grands préjugés liés à l’âge. C’est ce qui ressort d’une enquête menée en octobre dernier par la caisse d’épargne Česká spořitelna et l’agence Ipsos. Le quotidien libéral Deník N précise à ce propos :

Photo illustrative: fauxels,  Pexels

« Les préjugés et les attentes touchent à la fois les jeunes et les moins jeunes. Les personnes âgées ne font pas confiance aux jeunes pour ce qui est des compétences et de l’expérience nécessaires. Quant aux jeunes, eux pensent que les personnes âgées ne sont pas à la hauteur ou connaissent mal les nouvelles technologies. Il s’agit donc d’un problème relativement préoccupant, car la population en Tchéquie vieillit et l’évaluation des capacités des personnes en fonction de leur âge est un phénomène qui se répand de plus en plus. Les stéréotypes sur l’âge concernent plus particulièrement deux catégories : les 18-29 ans d’un côté et les 50-65 ans de l’autre. Et il n’est pas étonnant que ces deux catégories soient le plus souvent confrontées à ces préjugés sur le marché du travail, et ce, même si les jeunes doivent y faire face aussi lors de leurs études et de la recherche d’un logement. »

Deník N considère l’âgisme comme un fardeau économique pour la société. Selon différents experts, il contribue à la pauvreté et à l’insécurité financière des groupes défavorisés et augmente les coûts des systèmes à la fois social et de santé. Par ailleurs, dans leurs formes extrêmes, l’âgisme et les différentes formes d’abus et de maltraitance coûtent à la société tchèque près de 1,5 milliard de couronnes chaque année.