Immobilier : face à l’inflation et à la pénurie de logements, les Tchèques empruntent beaucoup moins
Longtemps restés bon marché, les prêts hypothécaires sont désormais trop chers pour un nombre croissant de Tchèques. Les chiffres de ce début d’année confirment cette nouvelle réalité, puisque banques et sociétés spécialisées ont accordé en janvier des crédits pour un volume total inférieur de 16 % à celui de décembre. Conséquence de quoi, les Tchèques commencent à revoir leur rapport au logement et à sa propriété.
Expert en prêts immobiliers, Daniel Horňák ne s’inquiète pas encore plus que cela. S’il reconnaît que « l’intérêt est nettement moindre en ce début d’année », il ne s’agit cependant pas « d’une tragédie ».
Il y a encore seulement deux ans de cela, à une époque où les taux d’intérêt étaient encore faibles (inférieurs à 2 %), Daniel Horňák avait conclu avec ses clients des crédits pour un volume total d’un peu plus d’un demi-milliard de couronnes (près de 21 millions d’euros). L’année dernière, son bilan a été moitié moindre.
Les chiffres publiés par l’Association bancaire tchèque Hypomonitor (à laquelle toutes les banques et sociétés de crédit foncier présentes sur le marché tchèque fournissent leurs données) pour le début de l’année 2023 confirment cette tendance : le volume des nouveaux prêts hypothécaires accordés en janvier (5,4 milliards de couronnes - 225 millions d’euros) a été le plus faible depuis février 2014. Quant au nombre de prêts accordés (1 900), le marché est même à son plus bas niveau depuis vingt ans.
La faute, entre autres, aux taux d’intérêt, puisque le taux moyen, malgré une légère baisse en glissement mensuel de 0,05 point – la première depuis deux ans – s’est établi à 5,93 %. Il s’agit là d’un des taux les plus élevés de ces vingt dernières années, et à en croire Jakub Seidler, économiste en chef de l’Association bancaire tchèque, aucune évolution marquante n’est à attendre pour la suite de l’année :
« Il est probable que les taux baissent quelque peu dans les prochains mois, mais il s’agira plutôt d’une baisse que je qualifierais de symbolique. Bien que janvier et février soient traditionnellement une période de l’année où le volume des emprunts est moindre, cela n’enlève rien au fait que la chute de plus de 15 % par rapport au mois de décembre a été notable. »
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Si toutes ces données font l’objet d’une telle attention, c’est parce qu’avec près de quatre cinquièmes de la population qui est propriétaire de son logement, les Tchèques attachent une grande importance à la possession immobilière. Au-delà même de la nécessité d’avoir un toit au-dessus de la tête, investir dans la pierre reste considéré par beaucoup comme un placement sûr et une valeur refuge dans un contexte économique incertain. En comparaison, l’Allemagne voisine est le pays d’Europe où la part du locatif dans l’habitat est la plus élevée, avec un taux d’environ 50 %.
Toutefois, l’évolution du marché ces dernières années, avec une très forte inflation des prix de l’immobilier résidentiel - entre autres raisons à cause d’une importante spéculation -, une offre très inférieure à la demande et l’augmentation des taux d’intérêt, a progressivement modifié la donne, comme le constate Daniel Horňák :
« Il arrive de plus en plus fréquemment qu’après avoir évalué le montant des mensualités et des autres frais, des gens potentiellement intéressés par un prêt nous répondent qu’ils préfèrent reporter leur emprunt tout simplement parce qu’ils n’ont pas les reins suffisamment solides pour rembourser. »
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Les conditions d’accès à la proprité se sont corsées tout particulièrement pour les jeunes ménages. Avec la Slovaquie, la République tchèque est ainsi le marché du logement le moins abordable d’Europe. Selon la dernière enquête annuelle de Deloitte (Deloitte Property Index 2022), un peu plus de treize salaires annuels bruts (13,3) y sont désormais en moyenne nécessaires pour acheter un appartement de 70 mètres carrés. Une moyenne qui ne cesse d’augmenter. À Prague, ce sont même 15,3 salaires annuels dont il faut avoir besoin. En Europe, Amsterdam (17,7) est la seule ville où l’accessibilité est plus onéreuse que dans la capitale tchèque.
Mais cette évolution n’est pas pas propre à Prague. Dans pratiquement toutes les autres villes du pays, de Plzeň dans l’ouest à Ostrava dans l’est, en passant par Brno et České Budějovice au sud, Liberec au nord ou encore Hradec Králové et Pardubice, l’inflation s’est très souvent mesurée à deux chiffes ces dix dernières années.
Or, actuellement, pour un crédit d’un montant de trois millions de couronnes (125 000 euros) étalé sur une durée classique de vingt-cinq ans, les mensualités s’élèvent à quelque 18 000 couronnes (750 euros). À Prague, cette somme permet l’achat tout au mieux d’un studio (appartement une pièce).
Du coup, alors que leur pouvoir d’achat a été touché de plein fouet par l’inflation, les Tchèques sont de plus en plus nombreux à se tourner vers un autre mode de financement de leur habitat, « la troisième voie du logement » entre location et propriété, à savoir les coopératives d’habitation. Plus de 300 000 de ces appartements qui étaient très courant sous l’ancien régime communiste existent actuellement en République tchèque et différents projets d’un habitat participatif qui revient donc à la mode sont en cours de réalisation.