Presse : la détention d’armes à feu, un sujet épineux en Tchéquie

La détention d’armes à feu est-elle suffisamment encadrée en Tchéquie ? C’est une des questions que soulève cette nouvelle revue de presse. Elle revient également sur quelques réactions au verdict rendu par la Cour constitutionnelle concernant la  réduction de la valorisatisation des retraites. Autres sujets au menu : l’instauration de la carte d’identité numérique, la délicate situation des brasseries traditionnelles tchèques ou encore l’IA aux services de la désinformation.

Après la fusillade du 21 décembre à l’Université Charles, qui a fait quatorze morts et vingt-cinq blessés, de nombreuses voix se sont élevées en Tchéquie pour réclamer une réglementation plus stricte en matière d’acquisition et de détention d’armes à feu. Il est pourtant peu probable, comme le constate un chroniqueur du quotidien Deník N, que cet appel, soutenu par la majorité des Tchèques, soit entendu. L’auteur explique pourquoi :

« La pression de l’opinion publique s’atténuera bientôt, car les gens considèrent plus ou moins automatiquement qu’un événement aussi inimaginable que la tragédie à l’université mène à des modifications de la législation sur les armes à feu. En revanche, la pression concentrée, permanente et agressive du lobby pro-armes, elle, ne s’arrêtera pas. Voilà pourquoi la scène politique va probablement céder, comme elle l’a toujours fait jusqu’ici. »

A l’échelle européenne, la Tchéquie est un îlot de tolérance en matière de détention d’armes. Pourtant, toujours selon Deník N, l’expérience devrait nous servir d’avertissement :

« Lorsque quelque chose chez nous est très différent de ce qui se fait chez nos voisins occidentaux, ce n’est généralement pas parce que nous avons découvert une solution miracle. S’agissant des armes à feu, notre conception de la détention d’armes est complètement différente de la pratique courante en Europe. Nous avons abandonné la norme européenne selon laquelle les civils ne sont pas armés, sauf dans les cas de figure qui justifient le contraire. La Tchéquie a adopté la philosophie américaine selon laquelle le fait qu’un citoyen soit armé est normal. Mais cette vision des choses ne correspond pas à la tradition propre à l’Europe centrale. »

Le chroniqueur du journal déplore l’absence en Tchéquie d’une initiative civique, importante et bien organisée qui agirait en faveur d’un encadrement plus strict des armes à feu. « Et encore, quand on appelle à une plus grande réglementation sur les armes à feu en tant qu’individu, on s’expose à des attaques violentes sur les réseaux sociaux », écrit-il.

Pas de surprise avec le verdict de la Cour constitutionnelle

« De manière générale, il convient de saluer le rejet par la Cour constitutionnelle du recours déposé par le mouvement ANO contre la réforme des retraites du gouvernement de coalition », peut-on lire sur site Seznam Zprávy suite à la décision rendue mercredi. L’auteur ajoute :

Photo: ČRo

« C’est une bonne chose que les juges aient approuvé la mesure prise par le gouvernement pour réduire la valorisation des pensions de retraite. Cependant, certains vont estimer que le gouvernement s’en est tiré trop facilement devant la Cour constitutionnelle, car cette mesure très maladroitement conçue était à la limite des règles. »

De son côté, le quotidien Lidové noviny estime que « le gouvernement célèbre une victoire absolue » :

« La Cour constitutionnelle a maintenu tous ses arguments et rejeté toutes les objections formulées par l’opposition. La question reste de savoir s’il s’agit aussi d'une victoire pour la société tchèque. On peut craindre que le verdict des juges mène à une polarisation plus grande encore qu’elle ne l’est déjà aujourd’hui. Et que la colère d’une partie non négligeable de la population contre les ‘élites’, telle que nous la connaissons aux États-Unis, en Pologne ou en Slovaquie, grandisse même en Tchéquie, pays pourtant réputé paisible. »

La carte d’identité numérique : la Tchéquie à l’avant du peloton européen

Depuis le lancement de la nouvelle application eDoklady (eDocuments, en français), le 20 janvier dernier, plus de 150 000 Tchèques ont téléchargé, en l’espace de quelques jours, la version électronique de leur carte d’identité, et ce malgré différents problèmes techniques. Pour le journal Deník, l’accueil favorable réservé à cette nouveauté est une preuve marquante de l’intérêt que les Tchèques portent au numérique. L’auteur souligne :

Source: eDoklady

« Certes, l’équipement numérique de l’État tchèque est loin d’être idéal, les améliorations étant coûteuses et assez lentes. Nous avons affaire à un secteur confronté à une pénurie mondiale de personnel, où les meilleurs experts sont surpayés et où un équipement risque de devenir technologiquement obsolète dès son achat. Mais il n’y a pas lieu de désespérer, car la carte d’identité numérique est un projet que nous mettons en œuvre plus tôt que la majorité des autres pays de l’UE. »

Comme l’ajoute encore le chroniqueur de Deník, il est donc réjouissant de constater que, une fois n’est pas coutume, nous ne figurions pas parmi les derniers pays de l’UE à respecter leurs engagements et que nous soyons même un peu en avance.

La brasserie traditionnelle tchèque survivra-t-elle ?

Appelées « hospody » en tchèque, les brasseries tchèques traditionnelles, lieux de consommation essentiellement de bière, sont sur le déclin. Cette évolution touche également les clubs et les discothèques, tandis que la fréquentation des bars et cafés, notamment dans les deux plus grandes villes du pays, Prague et Brno, est en plein essor. C’est ce que constate le quotidien économique Hospodářské noviny :

Photo: Filip Jandourek,  ČRo

« Ces tendances sur le long terme sont claires. Prague ne perdra probablement pas sa position privilégiée qui la range parmi les dix premières villes au monde en termes d’établissements de restauration par habitant. En revanche, les petites villes, les villages et les régions les plus pauvres vont progressivement voir disparaître leurs brasseries traditionnelles. Le phénomène est en cours depuis déjà plusieurs années. »

Outre la migration vers des villes plus grandes, il existe d’autres raisons à cette tendance :

« Il y a d’abord eu l’interdiction de fumer dans les bars et restaurants, puis l’introduction du registre de vente électronique, suivi des restrictions liées à la pandémie de coronavirus, des fortes hausses des prix de l’électricité et de l’inflation. À tout cela s’ajoute, cette année, la forte augmentation de la TVA appliquée sur la bière servie en pression. En plus des établissements pour les touristes, ce sont donc surtout ceux qui offrent ‘quelque chose en plus’ qui survivront. Pour les brasseries classiques tchèques, parier uniquement sur la vente de bière ne suffira plus. »

En attendant « un enfer de désinformation »

Une vidéo falsifiant les déclarations du Premier ministre Petr Fiala, la première du genre, circule sur les médias sociaux. C’est ce que rapporte le journal en ligne Forum24, qui précise :

Source: WendyAlison,  Pixabay,  Pixabay License

« Le contenu est très peu crédible, la voix du chef du gouvernement racontant qu’il entendait voler la nation pour gagner sa retraite. Malgré les défauts marquants de cette production et les commentaires de tous ceux qui ont identifié la fausse information, il reste de nombreux utilisateurs qui prennent cette vidéo pour authentique. Il s’agit bien sûr d’une bulle sociale spécifique. Mais le nombre de personnes qui ont pris cette fausse information au sérieux est tout de même effrayant. »

Vu l’émergence irrésistible de l’intelligence artificielle, le chroniqueur du journal estime que, dès l’automne, avant les élections, nous vivrons un véritable « enfer de désinformation ». « Les réseaux sociaux se rempliront de vidéos ‘deep fake’ jusqu’à en devenir le contenu prédominant. Et les seuls à pouvoir s’en réjouir seront, paradoxalement, les journalistes », écrit-il. Et d’expliquer pourquoi :

« Depuis 2015, il semblait que les médias, y compris Internet, allaient disparaître et que les réseaux sociaux allaient les remplacer entièrement. Mais avec l’explosion des fausses informations, il y aura une telle confusion que la seule façon de savoir si une information est crédible, si une photo ou une vidéo est vraie, consistera à consulter une source digne de confiance ; à savoir les médias traditionnels qui disposent d’une rédaction, d’un rédacteur en chef et qui sont juridiquement responsables du contenu de leurs publications. Les médias sociaux, quant à eux, se transformeront en un océan de mensonges, de bêtises et de tromperies. »