Presse : les valeurs de la révolution de Velours plus actuelles que jamais
Cette nouvelle revue de la presse propose au contexte très particulier des commémorations de la révolution de Velours cette année. Elle s’intéressera également aux causes de la réduction de la présence et des activités tchèques en Afrique. Quelques remarques ensuite au sujet des préférences électorales tchèques qui demeurent, malgré la crise, presqu’inchangées. Il sera également question des critiques à l’adresse des prix de la musique Český slavík. Le dernier sujet traité concernera la cote élevée dont bénéficie l’armée tchèque.
A l’occasion de la fête nationale du 17 novembre, date du début de la révolution de Velours de 1989 qui a marqué la fin du régime communiste en Tchécoslovaquie, l’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt s’est penché sur le contexte de ce 33ème anniversaire :
« Cette année, le rappel du retour de la liberté dans notre pays se déroule dans des circonstances peu communes. La Russie a attaqué l’Ukraine, faisant savoir qu’elle comptait anéantir son voisin et ses aspirations libérales et soumettre à sa sphère d’influence d’autres pays, y compris la Tchéquie. Cette ambition est soutenue par les acolytes de Poutine qui cherchent à endoctriner notre société. Face à une telle menace, y a-t-il lieu de commémorer l’anniversaire du 17 novembre ? »
L’éditorialiste de Respekt répond par l’affirmative :
« Oui, la situation est fragile. Il suffit de très peu pour faire tourner la roue de l’histoire à l’envers. Un appel fort aux valeurs symbolisées par l’année 1989 est plus que jamais de rigueur. Il y a d’ailleurs en Tchéquie pas mal de gens qui en tiennent compte. La récente manifestation contre la peur qui a réuni sur la place Venceslas des dizaines de milliers de personnes l’a illustré de façon éloquente. »
Or, l’éditorialiste de Respekt ose affirmer que « cette année, Václav Havel et Tomáš G. Masaryk, anciens présidents tchèque et tchécoslovaque, auraint été fiers de leur république ».
L’auteur d’un texte publié sur le site aktualne.cz a observé pour sa part que les fautes commises durant les trois décennies écoulées ont débouché sur le mécontentement et la révolte d’une partie de la population, habilement alimentées par les fake news. Pour lui, « elles sont désormais devenues un sujet clé, une bombe à retardement qui menace quotidiennement des centaines de milliers de gens en Tchéquie. »
La présence tchèque en Afrique s’affaiblit
L'édition de lundi du quotidien Lidové noviny s’est intéressée à la présence de la Tchéquie en Afrique qui est en train de s’estomper. Le tout au moment où le continent africain est très sollicité en raison de ses ressources minérales, offrant de nombreuses occasions d’investissements et d’exportations :
« La Tchéquie entend fermer son ambassade au Mali, l’une des treizes seulement qu’elle compte sur le continent africain. Elle va également réduire d’autres activités, le ministère des Finances ayant rayé les dépenses qui auraient pu être destinées à l’Afrique. Une décision qui est déplorée tant par une partie de la scène politique que par des experts et des hommes d’affaires. Pour beaucoup, elle signifie une grave erreur stratégique. »
Le journal indique, en se référant aux paroles d’une experte en études internationales, que la Tchéquie n’est pas une « débutante » en Afrique. Pendant la guerre froide en effet, l’ancienne Tchécoslovaquie était un des Etats socialistes les plus actifs dans la région, « un passé avec lequel il serait possible de renouer ». Il rapporte en outre que la part des Etats africains dans le commerce extérieur de la Tchéquie varie autour de 1% seulement, l’Egypte et le Maroc étant ses plus importants partenaires commerciaux. « Une preuve éloquente », selon Lidové noviny, » de ce que les entreprises tchèques ne profitent pas du potentiel que le continent africain propose. »
Même en temps de crise, les préférences électorales ne changent pas
Si des élections législatives avaient lieu en Tchéquie maintenant, elles apporteraient presque les mêmes résultats que le scrutin qui s’est tenu il y a un an. Et ce en dépit des retombées de la guerre en Ukraine, la crise énergétique et la vie chère. C’est ce qui ressort des récents sondages des agences Kantar et Median. « Comment expliquer cette stabilité en matière des préférences électorales en ces temps agités ? », s’interroge le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny. Parmi les réponses qu’il propose, l’une lui semble particulièrement pertinente :
« Paradoxalement, le soutien au cabinet de coalition de Petr Fiala demeure pratiquement inchangé non pas en raison de ce que celui-ci fait, mais en raison de ce qu’il ne fait pas. Avant les élections, les partis au pouvoir avaient promis une refonte de l’administration publique, une consolidation du budget, des économies au profit de l’avenir. La réalité est bien différente. Le nombre de fonctionnaires d’Etat n’a eu de cesse d’augmenter, tandis que les économies s’annoncent faibles. L’endettement s’accroît presque comme sous le gouvernement d’Andrej Babiš. Le cabinet actuel réalise que ce qui est important est ce que l’on dit, pas ce que l’on fait. Dans la logique du populisme, il refuse toutes les mesures déplaisantes soumises par des experts, préférant se concentrer sur des éléments marginaux. »
Il se peut aussi, comme l’indique sur un ton ironique le commentateur du quotidien économique, que cette stabilité soit le fruit de ce qu’en Tchéquie tout n’est en fait qu’un jeu. « Les principes et les politique de principe s’avèrent ainsi être des illusions » écrit-il.
Les prix musicaux Český slavík sous le feu de critiques
« Les prix musicaux Český slavík (Rossignol tchèque) qui récompensent, après le vote du public, les chanteurs, les chanteuses et les groupes les plus populaires de l’année reflètent parfaitement le goût des Tchèques qui paraît quelque peu douteux ». C’est ce qu’a observé l’auteure d’une note publiée dans le quotidien Deník N, au lendemain de la cérémonie de gala de leur remise avant d’expliquer :
« La victoire dans leurs catégories respectives de Lucie Bílá, Marek Ztracený et Kabát n’a apporté aucune surprise. La seule surprise serait si un nouveau nom venait à émerger. Depuis des années, l’enquête Český slavík semble se dérouler dans un univers parallèle. Cette année encore, il a honoré une chanteuse depuis longtemps dépassée ou un interprète de textes médiocres voire kitsch. Et le grand public l’accepte de bon gré. »
L’éditorialiste remarque que cette fois-ci, l’enquête a récolté un nombre record de près de deux millions de voix, toutes catégories confondues. Un constat impressionant qui, pour elle, en dit long sur les goûts musicaux nationaux et qui l’amène à s’interroger : « Pourquoi quelque trente ans après la révolution de Velours se plaît-on à écouter les musiques et les anecdotes qui évoquent les années 1980 ? » Sa réponse est percutante : « C’est probablement parce qu’on ne sait pas mieux faire et que c’est tout ce que l’on mérite ».
Le chroniqueur du journal en ligne Forum24.cz est tout aussi sévère :
« Dans les années 1960, cette enquête avait apporté un vent nouveau. Durant les décennies suivantes, elle a traduit la nullité du show business sous le régime communiste avant de devenir, à partir de 1970, la honte de notre culture. Sa popularité persistante témoigne de la conservation de la pop culture socialiste dans les esprits d’une partie de la société. Et la génération émergente ne porte aucun intérêt à cette enquête. »
La cote élevée de l’armée tchèque
« Durant les trente dernières années, l’image des soldats tchèques auprès du grand public a radicalement changé », constate un texte de la plume d’une historienne reconnue, publié dans le journal en ligne Forum24.cz :
« Fini le temps où les soldats, incapables pour la plupart d’accomplir les critères répondant à une armée professionnelle et liés à l’appartenance du pays à l’OTAN, faisaient l’objet de moqueries. Aujourd’hui, ils constituent une communauté professionnelle, appréciée par les alliés et accueillie dans le pays avec sympathie et respect. Un récent sondage l’a confirmé : la confiance de la population tchèque à l’armée se situe autour de 70%. »
Le texte évoque également le phénomène des missions étrangères qui a valu à la Tchéquie une position solide parmi les pays démocratique développés en Europe. L’occasion de rappeler que « l’armée tchèque a fait preuve à maintes reprises de sa préparation au combat, depuis le Golfe persique, en passant par les pays de l’ancienne Yougoslavie et l’Afghanistan, jusqu’au Mali ». La chroniqueuse note également :
« En lien avec l’agression russe contre l’Ukraine, la présence d’hommes en uniforme dans l’espace public est désormais assez fréquente. Les soldats et les anciens militaires commentent la situation actuelle dans les médias, évaluent l’évolution probable de la guerre et ses éventuelles retombées sur la situation locale. »