Presse : la Tchéquie, allié indéfectible d’Israël

Cette nouvelle revue de presse s’intéresse d’abord à l’origine du caractère unique des relations tchéco-israéliennes et à la visite du chef de la diplomatie tchèque en Israël, ce mardi, qui en est une preuve supplémentaire. Le magazine porte aussi un regard sur le contexte géopolitique de la guerre entre le Hamas et Israël. Un mot enfin sur l’intérêt que les œuvres littéraires et les créations théâtrales prêtent désormais aux héroïnes tchèques.

« D’où vient ‘l’obsession’ tchèque pour Israël ? », s’interrogeait le titre d’un texte publié sur le site Seznam Zprávy dans lequel son auteure a donné quelques explications :

« Le fait que la Tchéquie soit depuis longtemps l’un des pays les plus pro-israéliens au monde est d’abord dû ’au premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk, à l’alliance avec Washington et, malheureusement, au populisme anti-musulman. Lorsqu’un Tchèque se rend en Israël, il peut vraiment s’y sentir chez lui. Dans presque toutes les grandes villes, il trouvera une rue Masaryk. Le premier président de la Tchécoslovaquie a été le premier homme d’Etat à visiter les colonies juives dans ce qui était alors encore la Palestine britannique, et son fils, le chef de la diplomatie, Jan Masaryk, était présent lors des rares livraisons d’armes aux Israéliens qui se défendaient lorsqu’ils ont été attaqués par les pays voisins après la déclaration de leur indépendance. Les relations tchéco-israéliennes ont sans doute un ADN purement démocratique. »

L’ancien président tchèque Václav Havel est également très connu en Israël, pour avoir rétabli dès le début des années 1990 les relations avec l’Etat hébreu et pour être devenu, peu avant sa mort en 2011, le visage de la campagne internationale s’opposant aux tentatives de boycott à l’égard de ce pays. Depuis, comme le rappelle l’éditorialiste de Seznam Zprávy, le bâton de relais pro-israélien est passé en Tchéquie de main en main, ce relais étant assumé tant par le principal parti de droite ODS que par l’ex-président Miloš Zeman. Toutefois, cette tradition masaryko-havélienne s’est assombrie ces dernières années, dans un monde qui devient de plus en plus compliqué. La question, selon elle, est de savoir si elle peut être maintenue :

« Au moment de l’attaque massive du Hamas contre des civils, où des familles et des enfants ont été massacrés, la position pro-israélienne est compréhensible pour le large public tchèque. On peut cependant s’attendre à ce qu’elle soit mise à l’épreuve dans les semaines à venir dans la foulée de la riposte israélienne. Comme par le passé, le soutien tchèque accordé à Israël doit être patient et durable. »

Le chef de la diplomatie tchèque en Israël : un grand geste symbolique

Ces liens uniques ont été confirmés, comme l’a constaté l’ensemble de la presse tchèque, par le fait que le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský ait été le premier responsable européen à se rendre en Israël après les attaques du Hamas. L’hebdomadaire Respekt, par exemple, a noté :

Jan Lipavský et Isaac Herzog | Photo: X de Jan Lipavský

« Entre amis, on apprécie quand on se soutient mutuellement, non seulement verbalement, mais aussi en étant proches les uns des autres dans les moments difficiles. Rien ne remplace la présence personnelle, l’empathie, la compréhension et les gestes d’affection. Ils fournissent l’énergie qui permet de mieux surmonter les pires horreurs. C’est exactement ce qu’a fait le ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský, lorsqu’il s’est rendu en Israël, pays durement éprouvé. Il a exprimé son réconfort aux politiques et aux citoyens ordinaires, déclarant que les attaques contre les Israéliens étaient une attaque contre nous tous. »

Selon le journal en ligne Forum24.cz, l’arrivée du chef de la diplomatie tchèque en Israël mérite d’être appréciée. « C’était une démarche comparable au déplacement du chef de gouvernement tchèque Petr Fiala, en compagnie de ses homologues polonais et slovène, en mars 2022, à Kyiv », a-t-il écrit avant d’ajouter : « Jan Lipavský a renforcé la position de la politique étrangère tchèque. Celle que nous avons perdue entre les années 2013-2021 ».

L’Europe appelée à une plus forte défense

L’éditorialiste du quotidien Hospodářské noviny a pour sa part replacé la guerre entre le Hamas et Israël dans le contexte géopolitique. Pour lui, « l’attaque perpétrée par le Hamas en Israël démontre que l’invasion de Poutine en Ukraine marque le début d’une période instable » :

Tel Aviv | Photo: Oded Balilty,  ČTK/AP

« Force est d’abord de constater que la Russie n’est pas l’initiateur de l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël, comme certains commentateurs tentent de le suggérer. Mais cette attaque sanglante qui a fait des centaines de victimes, comme Israël n’en a jamais vu dans son histoire depuis 1948, est symptomatique de la situation de la politique mondiale depuis le 24 février 2022, date de l’ouverture de l’offensive russe contre l’Ukraine. En l’attaquant, Vladimir Poutine a montré que tout était désormais possible dans les relations internationales. Ainsi, la Russie a fait savoir qu’il était possible d’imaginer non seulement des menaces hybrides, des attaques terroristes ou une guerre de l’information, mais aussi une importante attaque militaire d’un pays voisin. »

L’éditorialiste du quotidien économique indique que l’instabilité créée par l’invasion russe convient à tous ceux qui veulent déstabiliser les démocraties occidentales. « Les ennemis traditionnels des démocraties utilisent la situation à leur avantage, qu’il s’agisse de l’Iran au Moyen-Orient ou des alliés de la Russie en Europe », écrit-il avant d’insister :

« L’Occident démocratique doit être plus cohérent. Les Européens sont appelés à se préoccuper beaucoup plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici de leur propre défense et de leur sécurité. Ils devraient investir dans ce domaine, développer une politique étrangère commune plus forte et construire un pilier européen de l’OTAN plus solide. L’époque exige des dirigeants et des actes exceptionnels mais, hélas, aucun signe de l’un ou de l’autre ne se dessine à l’horizon européen. »

Où sont les héroïnes tchèques ?

« La Tchéquie n’a pas assez de femmes héroïnes connues. En tout cas, elle en a moins que de héros masculins. » C’est ce qu’indique un texte publié dans le quotidien Deník N tout en reconnaissant que la situation commence peu à peu à s’améliorer :

« Ces dernières années, on voit se multiplier des œuvres où des héroïnes du passé et d’aujourd’hui ressurgissent. En Europe, il en existe un grand nombre, notamment dans le domaine littéraire. Certaines d’entre elles sont accessibles en version tchèque, comme par exemple la BD consacrée à la docteure en médecine Suzanne Noël de Leïla Slimani. En Tchéquie également, différents  livres proposent des portraits des femmes intéressantes. Mais on ne saurait dire que toutes les femmes ainsi honorées vivent dans la conscience populaire. Traditionnellement, dans notre pays, quand on désigne des femmes remarquables, connues ou reconnues, on cite  Alice Masaryk, Milada Horáková et Vera Čáslavská ou encore Františka Plamínková, et c’est tout. »

Ces derniers temps, c’est notamment par le biais des créations théâtrales que les gens peuvent se familiariser avec des femmes tchèques à moitié oubliées :

Marie Kudeříková | Photo repro: 'Zlomky života,  listy z vězení'/Československý spisovatel

« Ainsi, par exemple, une scène de théâtre de Brno présente une pièce consacrée à la compositrice et cheffe d’orchestre Vítězslava Kaprálová, élève de Bohuslav Martinů, morte en 1940 à Montpellier à l’âge de 25 ans. Une scène de Prague présente de son côté un spectacle dédiée à Maruška Kudeříková morte à l’âge de 23 ans pour avoir participé à la résistance contre les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. »

Pourtant, comme l’ajoute Deník N, la plaque à la mémoire de cette courageuse jeune femme qui se trouvait à Brno a disparu après la chute du régime communiste pour être placée dans un dépôt. La raison en étant que l’ancien  régime s’est largement servie de son histoire en la présentant comme une héroïne communiste, donnant par exemple son nom à un certain nombre de bâtiments. « Cette production nous rappelle de manière impressionnante que le passé n’est pas noir ou blanc, et qu’il faut donc l’aborder avec beaucoup de finesse», conclut l’éditorialiste du journal.