Presse : pas encore de mariage pour tous en Tchéquie
Cette nouvelle revue de presse propose d’abord quelques observations sur les décorations d’Etat qui seront décernés en octobre 2023. Elle se penchera ensuite sur le débat autour du mariage pour tous. Deux autres sujets traités : la montée de l’agressivité des forces anti-système et la position difficile du nouveau directeur de la télévision publique tchèque. Un mot enfin sur la changement de nom d’une rue de Prague.
Šimon Pánek décoré par la France mais pas par la Tchéquie
La Chambre des députés a approuvé les propositions pour décorations d’Etat qui seront décernés cette année, traditionnellement, à l’occasion de la fête nationale du 28 octobre. Le site echo24.cz commente :
« Ces décorations seront probablement plus observées que les années précédentes, parce qu'elles sont les premiers à être décernées par le nouveau chef de l'Etat. Ce sont aussi les premières depuis plusieurs années à être parrainées par un gouvernement qui ne mise pas sur le populisme et par un président qui n'aime pas provoquer. En bref, il s’agit de distinctions dont on attend qu’elles ne sèment pas la controverse et n’indignent pas une partie du public ».
Une chroniqueuse du quotidien Lidové noviny a également estimé que le nouveau président Petr Pavel tiendrait davantage compte du mérite réel des candidats. En même temps, elle a dénoncé le rejet par la Chambre des députés de Šimon Pánek, grande figure de l’action humanitaire. Elle a écrit :
« Si quelqu'un dans ce pays est porteur des idéaux humanistes prônés par Václav Havel, c'est bien Pánek. L’ONG People in Need dont il est le co-fondateur aide non seulement les pays touchés par des catastrophes naturelles, mais aussi les personnes qui sont maltraitées et persécutées dans diverses dictatures à travers le monde. Passionné par la cause, il n'est pas attiré par le pouvoir. Les députés qui l'ont exclu devraient avoir honte pour de nombreuses raisons, notamment parce que Šimon Pánek a reçu en janvier dernier la Légion d'honneur, la plus haute décoration de l'État français. L'ambassadeur de France à Prague, Alexis Dutertre, a fait l'éloge de Pánek pour son partage des valeurs de la France et pour son engagement en faveur des droits de l'Homme, de la liberté, de la solidarité et de l'action humanitaire. »
Autant de qualités, comme le constate en conclusion d’un ton ironique la chroniqueuse de Lidové noviny, qui ne semblent pas mériter en Tchéquie d’être appréciées.
A quand le mariage pour tous en Tchéquie ?
En Tchéquie, le mariage n’est pas pour tous. Un récent débat tchèque a confirmé qu’on ne peut s’attendre à un changement dans un avenir proche. Un commentateur du quotidien Hospodářské noviny estime cependant que le pays qui a cherché à rattraper les tendances civilisationnelles de l'Europe occidentale finira, lui aussi, par l’adopter. Pour lui, la question est simplement de savoir quand :
« La grande majorité des pays d'Europe occidentale autorisent les couples de même sexe à se marier dans des conditions similaires à celles des couples hétérosexuels. Il est donc évident que la Tchéquie va les joindre. D’abord, parce que la grande majorité de la société tchèque accepte depuis longtemps le mariage entre personnes du même sexe. »
De l’avis du journaliste du quotidien économique, les arguments des opposants au mariage pour tous, dont notamment celui qui prétend que « les homosexuels vont détruire la famille traditionnelle », sont faibles, voire risibles. « La moitié des mariages en Tchéquie sont rompus par divorce, et certainement pas à cause d'une activité homosexuelle subversive », souligne-t-il avant d’ajouter :
« L’argument le plus pertinent est, probablement, l’argument religieux. Mais dans la Tchéquie athée, il ne fonctionne pas du tout, malheureusement pour les opposants au mariage homosexuel. Ces derniers qui s'expriment aujourd'hui à l'Assemblée font un peu penser aux généraux confédérés à la fin de la guerre de Sécession, qui devaient savoir qu'ils ne pourraient pas gagner parce qu'ils manquaient de ressources et que la supériorité civilisationnelle était du côté de leurs adversaires, mais qui s'obstinaient à défendre ‘le monde tel qu'il a toujours été’. Il est possible que les opposants tchèques au mariage pour tous maintiennent leur position contre la volonté de la majorité pendant un certain temps encore. Mais l'avenir ne leur appartient pas. »
L’agressivité croissante des anti-systèmes
« Le récent procès avec une des figures les plus tristement célèbres de la désinformation tchèque, l’ancienne journaliste Jana Peterková, a offert à la société tchèque un regard jamais vu auparavant », rapporte un article publié dans l’hebdomadaire Respekt qui précise :
« La décision du tribunal qui a condamné Jana Peterková à deux ans de mise à l'épreuve pour avoir diffusé des informations alarmistes lors de la pandémie de coronavirus, a été précédée d'un incident. Une foule de partisans de Peterková a tenté de se frayer un chemin dans la salle de réunion bondée, en scandant ‘gestapo’et en enfonçant la porte. Les juges ont quitté les lieux et la séance a repris plus tard dans un autre lieu, à huis clos. La police qui est intervenue a arrêté deux personnes. »
Que se passe-t-il en Tchéquie ?, s’interroge l’éditorialiste, tout en admettant que cet événement n’est pas très surprenant :
« Depuis quelques années, l'agressivité croissante des forces anti-systèmes augmente. Lors de la pandémie de covid-19, elles ont non seulement refusé de respecter la loi, mais elles ont aussi décidé de poursuivre ceux qui considéraient la pandémie comme un risque, qu'ils soient médecins ou journalistes, les attaquant verbalement de manière très dure. Elles les guettaient sur leur lieu de travail ou à leur domicile. »
Ces mêmes personnes, comme l’indique l’éditorialiste de Respekt, sont rapidement passées de la pandémie à l'Ukraine. Elles défendent la position de la Russie et refusent avec la même agressivité toute aide à l’Ukraine. « Il n'y a pas longtemps, par exemple, la police devait intervenir contre des assaillants qui ont cherché à arracher le drapeau ukrainien du Musée national à Prague, » lit-on encore dans le texte qui conclut :
« Il est bon de se rappeler que les institutions peuvent être réduites en miettes en un instant si nous ne les protégeons pas activement. C'est pourquoi il ne doit pas y avoir de place pour l'indulgence. Il n'est pas nécessaire d'augmenter le nombre de policiers, mais de punir sévèrement ceux qui veulent remplacer la justice par leurs poings. »
Les défis à relever pour le nouveau directeur de la TV tchèque
La position de Jan Souček, nouveau directeur élu de la Télévision publique tchèque (Česká televize ou ČT), jusqu’ici directeur de TV Brno, sera très compliquée. L’auteur d’une note mise en ligne sur le site Seznam Zprávy a expliqué pourquoi:
« Pendant douze ans, lorsque ČT a été dirigé Petr Dvořák, la redevance, seul revenu garanti et stable de la télévision publique, n’a jamais été augmentée. Elle est à son niveau actuel depuis 2008. Malgré cela, ČT travaille, crée, produit des informations de qualité, des fictions et des documentaires inédits, dispose d’une chaîne pour enfants et d’une chaîne sportive. C’est en soi un exploit économique et gestionnaire admirable. Mais il est également vrai que toutes les réserves ont un fond et que la TV tchèque rate le train en matière de technologie moderne. »
Toutes les démarches et toutes les modifications que le nouveau directeur de la TV envisage devront être négociées, selon l’article, avec les responsables politiques. Obtenir des résultats tout en maintenant l’indépendance de ČT en matière d’information et de création sera alors une tâche extrêmement difficile :
« On peut estimer que les hommes politiques exigeront quelque chose en échange. Et ils ne devraient pas l’obtenir. Gagner contre son prédécesseur lors de l’élection du directeur de ČT n’a certes pas été facile, mais les batailles vraiment difficiles sont encore à venir pour Jan Souček ».
Cette rue de Prague qui ne portera plus le nom du maréchal soviétique Koniev
Une rue située dans le quartier de Žižkov à Prague va changer de nom. Le site aktualne.cz précise :
« La rue Koněvova, longue d’un kilomètre, porte depuis 77 ans le nom du maréchal soviétique Ivan Koniev, que les Tchèques connaissent comme le libérateur de Prague à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les historiens soulignent cependant qu’il a été responsable de nombreuses atrocités, par exemple lorsqu’il a violemment réprimé le soulèvement hongrois contre le régime communiste en 1956. L’initiative en vue de rebaptiser le nom de la rue qui compte près de cinq mille habitants et des centaines d’entreprises est apparue à plusieurs reprises déjà. Elle s’est intensifiée après l’invasion russe en Ukraine. »
La rue portera désormais le nom de Karel Hartig, architecte et premier maire du quartier de Žižkov au XIXe siècle.