Profession : prof de tchèque en France

L'Université Charles de Gaulle - Lille 3

Depuis 2012, Kristýna Matysová est lectrice de tchèque à l’UFR Langues, Littératures et Civilisations étrangères au département d’études romanes, slaves et orientales de l’Université Charles de Gaulle - Lille 3. C’est elle qui a remplacé Martin Petrás, que de nombreux étudiants nordistes de tchèque ont connu. Radio Prague a rencontré Kristýna Matysová récemment à Lille. L’occasion d’évoquer avec elle son travail, et d’abord les raisons qui motivent ses élèves à se lancer dans l’apprentissage d’une langue considérée comme une des plus difficiles en Europe :

Kristýna Matysová,  photo: Archives de Kristýna Matysová
« Il y a des étudiants qui aiment la République tchèque, qui la connaissent déjà, qui souhaitent y retourner, qui aiment la culture et la littérature tchèques : ils connaissent des auteurs comme Milan Kundera ou Bohumil Hrabal. Et puis il y a beaucoup d’étudiants polonais (un siècle après l’installation des premiers migrants dans le bassin minier, l’héritage polonais est toujours bien vivant dans le Nord-Pas-de-Calais. Le nombre de Polonais et Français d’origine polonaise vivent dans la région est estimé à 250 000, ndlr), qui considèrent que le tchèque est une langue amie et veulent donc se spécialiser dans les langues slaves. »

-Pour les étudiants français, quelles sont leurs motivations plus profondes ? On ne choisit pas le tchèque par hasard…

« En général, ils ont un intérêt pour l’Europe centrale. Ils veulent apprendre le tchèque pour pouvoir parler avec leurs amis. Par exemple, j’ai une étudiante qui a passé six mois à Brno. Et comme elle n’avait pas d’autre choix là-bas, elle a appris le tchèque pour pouvoir discuter avec tout le monde quand elle retournait dans le village où elle logeait. Et puis Prague reste une destination touristique très prisée. Beaucoup d’étudiants souhaitent y aller, et en se lançant dans l’apprentissage du tchèque, ils peuvent en avoir l’occasion. Ils peuvent passer un mois en tant que boursiers à l’école d’été qu’organise chaque année l’Université Charles. »

-Pour nous faire une idée plus concrète de cet intérêt, quel est le nombre d’étudiants auxquels vous enseignez et quels sont les cours que vous leur proposez ?

« Il y a trois niveaux. Il y a d’abord les grands débutants parce que, évidemment, ce n’est pas une langue qui est enseignée au lycée. Il y a donc un niveau A1, puis A2, mais c’est plus de la théorie, car en réalité, le niveau 3 regroupe des personnes qui se réinscrivent depuis plusieurs années et qui souhaitent continuer à pratiquer le tchèque, et ce même s’ils ont déjà accompli les trois ans de formation et ont obtenu leur diplôme. »

« Pour ce qui est du nombre d’étudiants, malheureusement c’est assez variable. Quand je suis arrivée à Lille en 2012, j’avais une vingtaine d’étudiants pour les trois niveaux. L’année dernière, ils n’étaient plus que treize, j’espère donc que ce sera un peu mieux cette année. »

L'Université Charles de Gaulle - Lille 3
-Le professeur qui était responsable de la section tchèque à Lille avant vous était M. Martin Petrás. Celui-ci est resté en en poste pendant de nombreuses années. Avez-vous évoqué avec lui l’intérêt des étudiants français pour le tchèque ? Après les grands changements de la fin des années 1980 et du début des années 1990, l’intérêt non seulement pour la République tchèque mais aussi pour l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Est était plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui. Avez-vous discuté de cette évolution ?

« Je sais que, de son temps, il y avait beaucoup de monde qui s’intéressait à la Tchécoslovaquie puis à la République tchèque, notamment dans les années 1990. Mais les choses ont changé depuis… Personnellement, je suis toujours étonnée que les gens parlent toujours plus facilement de la Tchécoslovaquie que de la République tchèque. Je suppose qu’il y avait un intérêt politique qui était autre, avec notamment Václav Havel qui était une icône. Tout le monde connaissait alors notre président, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Et puis on parle moins de la République tchèque aussi dans les médias, donc les gens connaissent moins notre pays. »

-Quelles sont les autres universités en France qui proposent encore des cours de tchèque ?

« Le tchèque est enseigné actuellement dans quatorze universités en France. A Paris, il y a l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales) à la Sorbonne. Il y a aussi l’université d’Aix-Marseille… Mais pour ceux que cela intéresse, toutes les informations sont sur le site de l’ambassade tchèque à Paris. C’est vrai que certains cours ont été supprimés ces dernières années, mais on se bat pour que les professeurs de tchèque en France puissent rester et que l’intérêt des étudiants augmente. »

-Justement, le nombre d’étudiants que vous avez reflète-t-il selon vous l’intérêt qui est celui pour la République tchèque en France ?

« On peut toujours faire mieux. On s’y efforce dans le domaine de la culture notamment. Personnellement, je fais partie de l’association ALEi qui regroupe les Tchèques de la région du Nord (cf : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/dans-la-region-lilloise-alei-une-association-nee-des-echanges-en-latin-entre-pretres-francais-et-tcheques). Nous organisons différentes manifestations comme des lectures ou des rencontres pour nous faire mieux connaître, mais je pense que le problème est plus général. La République tchèque n’est pas très bien présentée en France, c’est un pays qui reste relativement mal connu. Peut-être est-ce aussi aux élites politiques de faire évoluer les choses… »

-Outre les cours, quels sont les autres événements que vous proposez à vos étudiants durant l’année ?

« Il y a des séminaires de master sur lesquels j’interviens régulièrement et où je donne des cours de littérature. Avant, il y avait aussi un cours de civilisation par semaine qui a malheureusement été supprimé l’année dernière. Mais il y a aussi des lectures à la bibliothèque universitaire de Lille III. Et puis deux expositions ont été organisées. La première en 2014 qui s’intitulait « Verre l’Est » et présentait les œuvres d’artistes qui travaillent avec le verre. C’était vraiment magnifique et je pense que cela a été un grand succès ! Même madame l’ambassadrice est venue pour assister au vernissage... Et puis la deuxième était une exposition qui m’avait été prêtée par l’ambassade sur les artistes tchécoslovaques dans les légions pendant la Première Guerre mondiale. »