Quel sera l’impact de la loi sur les conflits d’intérêts ?

Andrej Babiš, photo: ČTK

Cette semaine, la presse a examiné les différents aspects de la loi qui vise à instaurer certaines restrictions pour les membres du gouvernement afin d’éviter autant que faire se peut les conflit d’intérêts. Autre grand thème d’actualité : la situation de l’Union européenne à la veille du sommet européen à Bratislava. Le passé et le présent des dynasties politiques tchèques mais aussi le 85e anniversaire de l’écrivain Ivan Klíma sont les deux autres sujets qui seront traités dans cette revue de presse hebdomadaire.

Andrej Babiš,  photo: ČTK
Depuis son adoption par la Chambre des députés mercredi dernier, l’impact de la loi relative aux conflits d’intérêts, qui stipule, entre autres, que les ministres ne pourront plus être les propriétaires de médias, est largement analysé par les éditorialistes tchèques. Ceux-ci n’ont pas tardé à lui attribuer l’étiquette de « loi anti-Babiš », car le ministre des Finances et chef du mouvement ANO, le milliardaire Andrej Babiš, se trouve effectivement non seulement à la tête de l’important groupe agroalimentaire Agrofert, mais aussi de la société de médias Mafra qui regroupe deux quotidiens, Mladá fronta Dnes et Lidové noviny, ainsi qu’une station de radio et une chaîne de télévision. Certains d’entre eux considèrent que cette loi, qui doit encore être examinée par le Sénat et signée par le président de la République, ne sera pas trop préjudiciable pour Andrej Babiš. En se référant à l’avis du politologue universitaire Josef Mlejnek, le site echo24.cz remarque par exemple :

« Cette restriction ne changera pas considérablement la situation actuelle, car il sera possible de la contourner. Il serait alors préférable d’adopter une loi interdisant aux propriétairs de médias d’avoir une certaine part sur le marché ou encore de posséder certains types de médias afin de garantir la pluralité, comme c’était le cas auparavant, par exemple, en Pologne. Evidemment, il s’agit d’une loi dirigée contre Babiš. Sans sa présence sur la scène politique, il n’y aurait pas cette loi... Et on peut s’attendre à ce que lui-même finisse par en profiter en la présentant comme un complot des méchants partis traditionnels. Une façon de gagner de jolis points politiques ».

Le quotidien économique Hospodářské noviny remarque pour sa part :

« Une partie de la population à laquelle Andrej Babiš doit son mandat, néglige l’ensemble de ses conflits d’intérêts. Et même aujourd’hui, il constitue pour elle la victime et pas quelqu’un qui représente une entrave à un meilleur fonctionnement de la démocratie. Mais il n’y a qu’un tiers à peine des électeurs à ce point ‘tolérants’, le reste privilégiant la séparation des affaires avec la politique. C’est bien entendu l’autorégulation qui constitue la meilleure voie, mais lorsque des gens refusent toute restriction, il n’y a pas d’autre voie que celle de la législation. La ‘Lex Babiš’ n’est pas sans défaut, mais c’est toujours mieux que le relax, mieux que rien ».

Interdire la possession de journaux, de la radio et de la télévision ? Ne s’agit-il pas d’une démarche anachronique et un peu ridicule à l’heure de l’internet et des réseaux sociaux qui ne sont pratiquement pas régulés et qui permettent à tout un chacun d’écrire, de crier, de proliférer et de faire ce qui bon lui semble ? Telle est la question soulevée dans un texte mis en ligne sur le site aktualně.cz, son auteur constatant que ces réseaux et toutes sortes de sites obscurs semblent avoir la même influence, et peut-être plus grande encore, que la presse, la radio et la TV.

L’UE à la veille du sommet de Bratislava

Photo: Commission européenne
L’Union européenne n’est pas sur le point de se disloquer, mais elle se trouve, depuis un certain temps déjà, dans une phase d’érosion. C’est ce qu’affirme Martin Povejšil, ambassadeur tchèque auprès de cette institution, dans un entretien accordé au quotidien Mladá fronta Dnes. Il explique pourquoi il est toujours possible d’arrêter cette évolution :

« Ce qui permet de maintenir l’Union européenne compacte, c’est la conscience de ce qu’aucun des problèmes que nous avons à affonter ne peut être résolu isolément par un Etat membre. Il est vrai aussi que chercher des solutions à travers la coopération entre les Etats membres représente une voie beaucoup plus efficace que de se renfermer sur soi ou de chercher des solutions supplémentaires. La question est cependant de savoir si la majorité des Européens sont prêts à porter un œil positif sur les avantages que la coopération mutuelle apporte. »

Outre les questions liées au « Brexit », le diplomate tchèque s’est exprimé, aussi, sur les émotions qui accompagnent la migration et les principales menaces auxquelles l’UE est désormais confrontée. Nous citons :

« Ce qui menace l’avenir de l’UE et l’intégration européenne, c’est la vague populiste qui se prolifère un peu partout en Europe. L’année prochaine, différentes élections, dont les élections législatives en République tchèque, auront lieu dans plusieurs pays. Si la carte politique est redessinée dans un Etats membre de façon à affaiblir la volonté d’aboutir à un accord dans le cadre de toute l’UE, cela sera source de problèmes beaucoup plus graves que ceux qui sont aujourd’hui les nôtres ».

Peu de dynasties politiques tchèques

La tradition des dynasties politiques dans les pays tchèques est le sujet qui a été traité dans l’édition de mercredi du quotidien Lidové noviny par l’historien Petr Zídek. Celui-ci a écrit :

« La tradition politique moderne tchèque ne peut pas se vanter de posséder une longue continuité. C’est pourquoi l’existence des dynasties politiques dans le pays est assez faible. Les père et fils Masaryk constituent une des rares dynasties que nous avons connues. S’il n’y avait pas eu de putsch communiste en 1948, le fils Jan Masaryk, chef de la diplomatie tchécoslovaque de l’époque, aurait eu une grande chance de succéder à Edvard Beneš. Ceci dit, il est peu probable qu’il aurait laissé dans l’histoire une trace comparable à celle de son père, le président Tomáš Garrigue Masaryk, fondateur de l’Etat tchécoslovaque. Par ailleurs, la tradition des dynasties politiques tchèques n’a vu aucun fils ou beau-fils s’illustrer davantage que la génération de leurs pères ou beaux-pères. »

Cela est vrai aussi pour la première dynastie de ce type, à la tête de laquelle se trouvait František Palacký (1798 – 1876), homme politique et historien reconnu. Même si deux de ses beaux-fils se sont engagés dans la haute politique, leurs noms sont tombés dans l’oubli, contrairement à la notoriété de Palacký. Après avoir cité deux autres familles « politiques », l’article indique que sous le communisme, on n’a connu dans le pays que trois dynasties, dont celle comptant le premier président « ouvrier » Klement Gotwald et son beau-fils, Alexej Čepička, ministre de la Défense nationale. Petr Zídek note enfin que même à l’heure actuelle on ne voit pas se présenter dans le pays ce que l’on pourrait appeler une dynastie politique.

Les 85 ans de l’écrivain Ivan Klíma

Ivan Klíma,  photo: Archives de Radio Prague
Il n’y a que très peu de personnalités dont on peut affirmer qu’elles sont des légendes vivantes. C’est ce que signale Erik Tabery de l’hebdomadaire Respekt en introduction de son texte consacré à l’écrivain tchèque Ivan Klíma. Celui-ci a soufflé, mercredi dernier, ses 85 bougies. Il le présente comme un des romanciers tchèques les plus traduits à l’étranger, comme un journaliste et le témoin des atrocités du XXe siècle. Retraçant en bref les importants chapitres de sa vie, Erik Tabery a notamment rappelé :

« On a failli perdre cet exceptionnel homme de lettres, interné pendant la Seconde Guerre mondiale à cause de ses origines juives dans un camp de concentration, avant même que celui-ci ne puisse faire preuve de ses talents littéraires. Rescapé, il a adhéré après la guerre au parti communiste pour s’engager avec enthousiasme en faveur de l’édification de la patrie socialiste. Il lui a fallu un certain temps pour admettre que le nouveau régime avait un caractère totalitaire. Ce n’est que dans les années 1960 qu’Ivan Klíma a fini par perdre toutes les illusions qui le rattachaient au régime communiste ».

Erik Tabery souligne que tout ceci, nous ne le savons pas par hasard, mais grâce à l’ouverture et la sincérité peu communes de l’écrivain qui a osé décrire toutes ses erreurs sans détours dans son excellent livre autobiographique « Moje šílené století » (Mon siècle fou). Il rappelle aussi que, dans les années 1970, Ivan Klíma est devenu une des figures importantes du milieu dissident tchèque, une occasion de se lier d’amitié avec l’écrivain américain Philip Roth, venu à l’époque pour une visite éclair à Prague. Ce n’est qu’après la chute du régime communiste, en 1989, que les livres de Klíma ont pu sortir, de nouveau, dans son propre pays. En conclusion, dans le texte paru sur le site de l’hebdomadaire Respekt, on peut lire :

« La société tchèque a la chance d’avoir un intellectuel et un écrivain comme Ivan Klíma. Il est non seulement doué d’un immense talent, mais aussi de la volonté de nous offrir un témoignage inédit sur notre histoire moderne. »