Radek Banga, chanteur rom distingué pour avoir protesté contre le groupe extrémiste Ortel

L'écrivain Sylvie Richterová et Radek Banga ont été récompensé par le prix František Kriegel, photo: ČTK

En novembre dernier, il a été un des rares musiciens à avoir dénoncé, lors d’une retransmission en direct, la remise d’un prix de la chanson tchèque à un groupe proche de la mouvance d’extrême-droite. Cette semaine, le chanteur rom Radek Banga, un des fondateurs du groupe Gipsy.cz, a été pour cela récompensé, en l’occurrence du prix František Kriegel. Celui-ci est décerné par la Fondation de la Charte 77 à des personnes qui ont fait preuve de courage dans leur engagement civique.

L'écrivaine Sylvie Richterová et Radek Banga ont reçu le prix František Kriegel,  photo: ČTK
« Chacun est responsable de sa vie et de son bonheur… Nous, nous avons la chance de pouvoir suivre le leader », chante le groupe rock Ortel, connu pour ses textes aux messages racistes et xénophobes et dont les concerts sont fréquentés par des extrémistes de droite. Selon le fondateur du groupe, Tomáš Ortel, sa formation exprime, par sa musique, le patriotisme et le mécontentement des gens avec l’establishment et l’état de la société tchèque en général.

En 2015, Ortel est pour la première fois remarqué dans l’enquête du « Rossignol tchèque », visant à distinguer les chanteurs et les groupes les plus populaires de l’année. Dans l’édition 2016 du Rossignol, Ortel a obtenu, grâce aux voix du public, la deuxième place dans la catégorie du meilleur groupe, tandis que son leader a été proclamé deuxième meilleur chanteur derrière l’invincible Karel Gott. Applaudi par un parterre composé des stars et starlettes de la musique tchèque, le groupe a été sifflé par le Rom Radek Banga. Devant les caméras de télévision, le chanteur rom a quitté la salle en signe de protestation, suivi d’une poignée de ses collègues. Un geste qui lui a valu le prix de la Fondation de la Charte 77. Radek Banga :

Ortel,  photo: PAstorius,  CC BY-SA 4.0
« Je ne crois pas avoir fait quelque chose de particulièrement courageux. J’ai juste réagi dans une situation précise d’une manière qui m’a semblé être adéquate et juste, et je réagirais de cette même façon aujourd’hui. Je suis persuadé qu’il faut s’opposer publiquement aux idées xénophobes, aux incitations à la haine. J’ai été très encouragé pas la prise de position de certains de mes collègues qui ont quitté la salle ce soir-là avec moi, à savoir la comédienne Iva Pazderková, le journaliste Jan Tuna ou le chanteur Pekař. Je voudrais aussi saluer la démarche du musicien David Koller qui s’engage activement contre l’extrémisme. »

En revanche, pour Lucie Bílá, titulaire de dix-neuf prix du Rossignol tchèque, comme pour beaucoup d’autres, la démarche de Radek Banga a été « inutile ». On l’écoute :

« Nous vivons dans un pays magnifique, nous devrions en être conscients et fiers. Nous devrions favoriser l’estime réciproque. (…) Certaines choses ne devraient pas être dites en public. Quand quelqu’un me vexe, je ne vais pas le lui dire publiquement, mais en privé. »

Vít Klusák | Photo: Matěj Schneider,  ČRo
Une prise de position dénoncée par le cinéaste Vít Klusák. Lors du tournage de son prochain documentaire, le réalisateur a participé, en compagnie de jeunes néo-nazis, à un concert du groupe Ortel à Frýdek-Místek, en Moravie du Nord, où des « Sieg Hail » ont été scandés par le public. Vít Klusák:

« J’ai été choqué par la réaction des stars du show-business qui ont eu tendance à prendre l’événement à la légère et avec de l’humour. Pour elles, Ortel est un groupe sympa. En promouvant la soi-disant diversité et liberté dans l’art, elles s’en fichent de ce que le groupe dit dans ses textes. Cela me paraît incroyable et scandaleux car ces célébrités sont des icônes et leur comportement est un modèle à suivre pour une bonne partie de la population. »

Radek Banga,  photo: Matěj Baťha,  CC BY-SA 3.0
Depuis la cérémonie du Rossignol tchèque, Radek Banga fait face à une vague d’agressions verbales, de messages racistes et de menaces sur son profil Facebook. Radek Banga :

« Il est difficile de supporter un tel déferlement de réactions haineuses que nous avons reçues, moi-même, les membres de mon groupe et nos familles. Mais je ne regrette en rien ce que j’ai fait. Ma femme et moi, nous avons perdu nos proches dans des camps de concentration nazis. Je pense donc qu’il serait lâche de ma part de ne rien faire. Pour moi, les textes du groupe Ortel restent inacceptables car ils incitent les gens à la haine. Nous avons tourné récemment un clip vidéo intitulé ‘Hater’ qui traite, avec un certain humour, ce sujet-là, pour dire entre autres que la haine représente un problème partout en Europe. En même temps, nous essayons de comprendre l’état d’esprit des fans des groupes comme Ortel et leurs problèmes. Car nous vivons dans une époque difficile, c’est clair. »