Rassemblement anti-Roms à České Budějovice : un scénario désormais habituel ?

Photo: CTK

Une dizaine de blessés et une quarantaine de personnes arrêtées : tel est le bilan des affrontements qui ont opposé, samedi, la police aux manifestants à České Budějovice, en Bohême du Sud. Un rassemblement d’un millier des personnes sur la place centrale s’est transformé par la suite en une marche vers le quartier de Máj, où vit une importante communauté rom.

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Ces incidents ont tout de suite été reliés par la presse aux précédentes manifestations anti-Roms qui se multiplient depuis 2008. La République tchèque est régulièrement critiquée par la communauté internationale pour la discrimination persistante de la minorité rom. Dernièrement, en avril 2013, le Rapport annuel sur les droits de l’homme du ministère américain des Affaires étrangères a consacré un chapitre au statut social désavantagé de la minorité rom ainsi qu’à la violence subie par celle-ci.

Selon ses organisateurs, l’objectif du rassemblement à České Budějovice était d’améliorer la vie commune dans le quartier de Máj. Au cours de la manifestation, les participants ont exprimé leur mécontentement avec la précarité de la cohabitation avec la minorité rom. Les slogans ont vite pris un ton raciste. Parallèlement au rassemblement d’un millier des personnes sur la place, une rencontre à l’ambiance festive rassemblant plusieurs dizaines d’habitants roms s’est déroulée dans le quartier même avec le soutien d’une ONG local.

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Connu désormais à l’échelle nationale, le quartier de Máj était pourtant passé presque inaperçu en 2012 lors d’une campagne des habitants qui réclamaient une approche proactive de la mairie afin de faciliter le vivre-ensemble des 22 000 résidents du quartier. Une pétition signée par près de trois cents personnes a été présentée à la municipalité critiquant le coordinateur rom dans le quartier. Celui-ci ne se serait pas suffisamment engagé pour éradiquer la violence dans les rues.

Si la question est de mesurer l’ampleur des manifestations, les chiffres sont importants. Dans le quartier de Máj habitent environ 22 000 personnes, dont la proportion de la minorité rom est estimée à quelques 400. La manifestation du samedi 29 juin a attiré un millier des personnes, dont quelques centaines ont enchainé avec la marche vers Máj et se sont affrontés avec la police. La pétition contre le coordinateur rom de juin 2012 a recueilli près de 300 signatures. Indépendamment des chiffres, c’est souvent la contextualisation de ces incidents qui leur fait gagner en signification.

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Le Centre européen pour des droits des Roms a noté que vingt-trois attaques violentes se sont produites contre les Roms et ont fait trois victimes entre octobre 2012 et mars 2013. Rien qu’en 2012, seize manifestations anti-Roms se sont déroulées en République tchèque. Litvínov en 2008, Rumburk en 2011 et Duchcov il y a à peine une semaine, ce sont des rassemblements à ton raciste qui ont marqué l’imaginaire public et ont été suivis de près par les médias. Les marches dites contre la violence ou encore pour la décence ont souvent pris l’allure d’événements anti-Roms avec des slogans racistes. Pour Jitka Bártová, la maire de Duchcov (Bohême du Nord), les marches représentent surtout un défilé de l’extrême droite :

« Depuis les émeutes dans la région du nord de la Bohême, j’ai eu la confirmation que ces événements sont surtout investis par des extrémistes. »

Qui sont réellement les participants à ces manifestations, et où se positionne la population locale ? D’après certains, les marches des militants d’extrême droite se déroulent avec le consentement des habitants. Intellectuel et théologien, Ivan Štampach met en garde devant une sclérose de l’histoire nationale qui serait propice pour le développement de toute forme du racisme. Il remarque surtout qu’une idéologie raciste n’est pas constitutive d’une solution des problèmes du vivre ensemble au niveau local.

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En revanche, pour la journaliste Saša Uhlová, la source principale des tensions est la précarité économique et sociale d’une grande partie des habitants. Pour elle, les régions en crise actuelle ne sont pas davantage peuplées de gens incliné racistes, mais plutôt des gens frustrés par la dégradation des services sociaux et des moyens de transports ou des fermetures des hôpitaux et écoles.

Tandis que les critiques s’accordent sur la défaillance durable de la gouvernance locale qui serait à la source des tensions, les responsables régionaux se concentrent, eux, sur les défis immédiats. D’un côté, la question se pose sur leur capacité à interdire une telle manifestation. En effet, la loi sur le droit de rassemblement le permet si « un rassemblement porte atteinte aux droits personnels, politiques ou autres des citoyens du fait de leur nationalité, genre, race, origine, conviction politique, croyance religieuse ou statut social ou bien s’il mène à appuyer la haine et intolérance pour ces raisons ». D’un autre côté, la solution actuelle consiste en une présence policière accrue et une plus grande répression. Radomír Heřman, président de la police de Bohême du Sud :

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« Les gardes renforcées de la police vont circuler dans le quartier de Máj. Leur présence sera maintenue. Pour le moment, il n’est pas clair pour combien du temps, mais certainement tant que la tension durera. »

A peine les événements de České Budějovice ont-ils été analysés, une autre actualité vient en complément. Les gardiens de la maison seraient instaurés à Frýdek-Místek, cette fois à l’extrême est de la Moravie. Avec le soutien de la police locale, les gardiens issus de la communauté (souvent Roms) devraient contribuer au maintien de l’ordre ainsi que d’un standard sanitaire plus élevé de leurs quartiers.