Recrudescence alarmante du sida en République tchèque

Ce sont des chiffres inquiétants qui ont été rendus publics mercredi : l’année 2012 a vu la contamination par le sida de 200 personnes déjà. Un record dans l’histoire du virus en République tchèque. Mercredi 28 novembre était la Journée internationale de lutte contre le sida. L’occasion de rappeler que s’il est aujourd’hui possible de vivre avec la maladie, celle-ci est encore loin d’être éradiquée.

Džamila Stehlíková,  photo: Archives de ČRo 7 - Radio Prague
Si les années 1980 en Occident ont été « les années sida », il a fallu un certain temps aux autorités communistes et à la population tchécoslovaques pour réaliser qu’elles étaient également concernées. Le premier cas de séropositivité a été enregistré en 1985, et en 1997 on comptait 300 cas de personnes infectées en tout depuis la mise en place du dépistage du virus dans le pays. Mercredi a été atteint un triste record, avec 200 cas de séropositivité depuis le début de l’année. Džamila Stehlíková, directrice du programme national de lutte contre le sida :

« C’est l’année la plus noire depuis 1985, date à laquelle on a commencé à tester les gens. Cela signifie que nous sommes passés dans une autre catégorie, que la probabilité de rencontrer dans notre vie une personne séropositive est très importante. Cette croissance explosive nous montre une accélération de l’épidémie. Après une période relativement calme dans les années 1990, nous sommes arrivés à un moment où c’est devenu un risque réel. Cela a des conséquences importantes notamment sur les finances publiques, car les soins liés au sida coûtent extrêmement cher. »

En cause, un certain relâchement dans la perception du sida par l’opinion publique, alors que les préjugés vis-à-vis des personnes séropositives continuent de perdurer chez beaucoup de Tchèques, et ce, même dans le milieu médical. Miroslav Hlavatý est le directeur de la Maison de la Lumière (Dům světla), dans le quartier de Karlín, à Prague. C’est la seule institution pragoise à proposer des tests gratuits et anonymes. Dans le cadre d’une campagne de prévention, le centre de test est ouvert tous les jours cette semaine :

Miroslav Hlavatý,  photo: Alžběta Švarcová
« Pour se rendre compte de la situation, il suffit de se rappeler le résultat d’une enquête d’opinion dans laquelle 82% des Tchèques affirment ne pas avoir peur du sida et ne pas le considérer comme une menace. Je dois dire et répéter que le sida existe, qu’il augmente. Vivre avec le sida n’a rien d’une promenade de santé : on se retrouve très souvent exclu de la société et l’objectif devient d’essayer de se créer une vie relativement bonne, en dépit des attaques que l’on peut subir. En effet, je peux dire qu’en dehors des centres sida spécialisés, le personnel médical se comporte souvent de manière horrible, voire inhumaine avec les malades. »

Et Miroslav Hlavatý de souligner que si les chiffres restent relativement peu élevés en République tchèque par rapport à d’autres pays d’Europe, c’est bel et bien parce que les statistiques ne prennent en compte que les personnes qui ont décidé de se soumettre au test. Or seules 5 500 personnes en moyenne décident de sauter le pas chaque année. Trop peu pour Miroslav Hlavatý. Pour 200 personnes infectées cette année, combien d’autres le sont-elles également et l’ignorent encore ?

Selon Džamila Stehlíková, les campagnes de prévention restent un des moyens les plus efficaces de lutte contre le sida. Seulement, les moyens manquent cruellement :

Photo illustrative : Filip Jandourek,  ČRo
« Nous ne cessons de parler de prévention, mais les moyens attribués ne cessent de décroître. Il y a 10 ans, on avait 30 millions de couronnes par an pour la prévention, aujourd’hui, ce n’est plus que 3 millions ! Et on peut être content si ça ne baisse pas davantage. N’oublions pas toutefois aussi qu’il n’y a pas que la prévention : le problème, c’est que les gens se comportent également de manière irresponsable. Le sida n’est plus considéré comme une menace dans la société, mais comme une maladie chronique fréquente que nous voyons de manière rationnelle. »

La journée de lutte contre le sida était donc l’occasion de rappeler que même les médicaments qui, aujourd’hui, permettent aux malades de vivre normalement, de ne pas mourir en un temps record, ne résolvent en rien le problème de cette épidémie du siècle. Et qu’une fois encore, le préservatif est le seul rempart contre une infection.