Réforme de la loi sur la fonction publique : pierre angulaire ou pierre d’achoppement ?

Photo: Barbora Kmentová

La réforme de la loi sur la fonction publique est au cœur des débats politiques. Bien que cette loi fasse partie de la législation tchèque depuis 2002 pour remplir les critères d’adhésion à l’Union européenne, son adoption parlementaire a été retardée depuis. Elle a pour fonction principale la dépolitisation de la fonction publique ainsi que l’institution d’une plus grande responsabilité des fonctionnaires. Alors que la date limite fixée par la Commission européenne pour l’entrée en vigueur de cette loi est la fin de l’année 2016, les hommes politiques s’empressent de finaliser la chose. Tout le monde a son mot à dire, sans pour autant avoir les mêmes motivations. Voyons quels sont les enjeux de cette discorde avec S. J.

Jeroným Tejc,  photo: CTK
L’adoption de la proposition de la loi sur la fonction publique a été soumise au Parlement en août puis une nouvelle fois en décembre dernier par les députés sociaux-démocrates. Jeroným Tejc, membre du groupe chargé de l’élaboration de la proposition, explique les principaux arguments pour son adoption rapide :

« L’adoption de la loi sur la fonction publique est nécessaire, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à bénéficier des fonds européens. D’autre part, sa mise en œuvre va durer plusieurs mois. Pour son entrée en vigueur intégrale dès le premier janvier 2015, l’adoption parlementaire doit se dérouler au plus vite. Nous avons élaboré cette proposition pour d’une part enfin remplir la condition de la Commission européenne, et d’autre part pour empêcher une politisation ultérieure de la fonction publique. Nous voulons qu’à l’avenir, cette loi garantisse que, quand sera nommé un nouveau gouvernement, des spécialistes ne seront pas contraints de quitter leur poste uniquement à cause de leur profil politique. »

Jiří Pospíšil,  photo: CTK
Cette loi est en effet une priorité de la coalition du futur gouvernement, même si les trois membres ne sont pas d’accord sur tous ses aspects. Cependant, le gouvernement démissionnaire sortant a rejeté, ce mercredi, une proposition qui serait selon lui en contradiction avec la Constitution tchèque. Cet avis est partagé par certains politiques, dont Jiří Pospíšil, membre du parti ODS et ancien ministre de la Justice, dont voici les propos :

« Cette proposition de loi est un « rebut législatif ». Je suis persuadé, tout comme les juristes spécialisés de la problématique, qu’il est absolument impossible de l’amender ensuite au Parlement. Tout d’abord, la proposition ne reflète en rien ni le nouveau code civil, ni les récentes modifications du droit administratif procédural, et ni non plus toute une série de normes nouvellement adoptées qu’il faut pourtant prendre en considération. Mais ce n’est pas un travail pour des députés ! C’est un travail pour une équipe de spécialistes en matière de législation, qui devront minutieusement évaluer la proposition, article par article et apporter les modifications nécessaires. »

Andrej Babiš,  photo: CTK
Jiří Pospíšil estime surtout que cette nouvelle précipitation autour d’une loi dont l’adoption est repoussée depuis plus d’une décennie et qui ne presse pas pour autant davantage actuellement, est motivée par autre chose…

« Je mets ma main au feu, qu’en définitive, le Parlement ne va pas la mettre en œuvre, cette proposition. Ce n’est qu’un prétexte pour permettre à M. Babiš d’accéder au poste de ministre des Finances. Car si cette proposition était adoptée telle quelle, elle serait, dans la pratique, tout à fait dysfonctionnelle. »

Miloš Zeman,  photo: Filip Jandourek,  CRo
Oui, avec la nouvelle proposition, les hauts fonctionnaires ne seraient plus obligés de présenter une attestation de lustration, prouvant qu’ils n’ont pas collaboré avec les services secrets nationaux sous le régime communiste. Cet obstacle reste pour le moment infranchissable pour Andrej Babiš, figurant sur les listes de collaborateurs dans les archives de l’Institut de la mémoire de la nation slovaque à Bratislava, que le chef du mouvement ANO a attaqué en justice pour faux, usage de faux et accusations diffamatoires.

Le Président de la République, Miloš Zeman, a donc conditionné la très attendue nomination du Premier ministre et du gouvernement, par l’adoption de la proposition en première lecture à la Chambre des députés. Cette attitude est toutefois imputée à la volonté du chef de l’Etat de retarder la nomination du gouvernement, notamment à cause de son désaccord avec la candidature de plusieurs personnalités à certains postes ministériels. Avec l’opposition déclarée du parti chrétien-démocrate à la suppression du mécanisme des lustrations, la situation n’en est pas moins confuse. La délicate question sera traitée et pourrait donc être résolue lors d’une réunion exceptionnelle de la coalition le 21 janvier prochain.