Réformes de l’enseignement supérieur : mobilisation des étudiants sans précédent depuis 1989
Plus de 10 000 étudiants et académiciens ont manifesté à Prague et dans plusieurs autres grandes villes du pays, mercredi, pour protester contre le projet de réformes de l’enseignement supérieur envisagé par le ministère de l’Education. Mardi déjà, 6 000 personnes s’étaient rassemblées à Brno, en Moravie, pour exprimer leur mécontentement. Organisées dans le cadre de la « Semaine de l’inquiétude », ces manifestations étudiantes sont parmi les plus importantes depuis celles à l’origine de la chute du régime communiste en 1989.
« C’est un peu étrange car à l’école on parle tout le temps dans les couloirs avec nos professeurs qui ne sont jamais très engagés. Mais cette semaine, c’est vraiment différent : ils nous encouragent aussi à venir aux manifestations, à protester. Tout le monde est un peu excité, mais je pense que c’est pour la bonne cause. »
Vous avez participé à la grande manifestation qui s’est tenue mercredi. Quelle était l’ambiance ?
« L’ambiance était vraiment parfaite car il y avait beaucoup de monde. En Tchéquie, on a l’impression que les gens n’ont pas trop la volonté de venir manifester pour quoi que ce soit. Là, il y avait au moins 8 000 – 10 000 étudiants de toutes les universités pragoises mais aussi des universités d’autres villes. L’ambiance était parfaite, je pense. Tout le monde était très motivé et, en même temps, il n’y a pas eu de problèmes au niveau de l’organisation et personne n’a fait de sabotage ou quelque chose du genre. »Quelles sont les principales objections que vous avez, vous étudiants, à l’égard du ministre de l’Education et de ses réformes ?
« Le fait le plus agaçant est celui d’avoir des businessmen dans l’administration des écoles. C’est ce qui agace le plus les étudiants, et les professeurs aussi. C’est également le fait qu’ils ne nous ont pas du tout consultés sur cette réforme, nous les étudiants et les professeurs. On se sent un peu écartés, et en même temps, ce sont nos écoles, notre éducation, et pour nous, c’est très important de savoir ce qui se passe. »
L’introduction des frais de scolarité ne vous gêne pas tellement ?« Je pense que l’introduction de frais de scolarité ne nous gênerait pas si nous savions vraiment l’usage qui serait fait de cet argent. On ne le sait pas et on a peur que cet argent soit utilisé pour quelque chose d’autre que l’éducation ou que cet argent disparaisse dans la machinerie de l’Etat. »
Quelles solutions proposent les étudiants ?
« On veut surtout être invités autour de la table pour discuter de la réforme, et je parle toujours des étudiants, mais ce sont surtout les professeurs et les recteurs d’université qui sont écartés et qui doivent savoir comment va marcher le financement et la réforme. Tout ça est très vague et très gênant pour les gens qui travaillent dans l’éducation. »
Bien que les projets du ministre de l’Education bénéficient du soutien du gouvernement, et que beaucoup, y compris dans les universités, s’accordent sur le fait qu’une réforme est nécessaire, les protestations des étudiants ont déjà porté leurs premiers fruits. Ainsi, lundi, Josef Dobeš a annoncé qu’il pourrait renoncer à l’instauration des frais de scolarité. Ceux-ci seraient alors remplacés par des frais pour des études prolongées ou simultanées dans plusieurs écoles. Le montant de ces frais s’élèverait alors à un peu plus de 1 000 euros par an, contre 100 euros actuellement.Mais surtout, mercredi, en réaction au vaste mouvement de protestation, qu’il a qualifié de « normal dans un pays libre », le Premier ministre a annoncé que le gouvernement allait continuer à débattre des réformes avec les recteurs et les représentants des étudiants. Soucieux que toutes les parties concernées trouvent un terrain d’entente, Petr Nečas a affirmé que son objectif était de parvenir à « des changements positifs » dans l’enseignement supérieur. Une volonté de dialogue qui ne fait toutefois pas oublier l’essentiel : s’accorder précisément sur la nature de ces changements.