Régimes totalitaires : expérience immersive au nouvel Institut de la mémoire de Pardubice
Deux premiers Instituts tchèques de la mémoire ont été inaugurés en mars dernier à Pardubice, en Bohême de l’Est, et à Olomouc, en Moravie centrale. Ils proposent des expositions multimédia consacrées aux régimes totalitaires du XXe siècle. Dans les années à venir, les succursales de l’Institut devraient être ouvertes dans chaque capitale régionale, ainsi qu’à Prague, pour documenter la terreur nazie et communiste.
« Ma classe était la toute première à visiter cet Institut de la mémoire. J’y suis ensuite retournée avec une autre classe de notre lycée. Je dois dire que les élèves étaient fascinés par cette visite pas comme les autres et par les histoires qu’elle raconte. Ils ont surtout apprécié la manière dont l’exposition est conçue. A l’entrée, ils ont reçu des tablettes et des écouteurs. Pendant toute la visite, ils ont été guidés et accompagnés, à l’aide de ces tablettes, par les témoins de l’époque », décrit Lucie Žárská, professeur d’histoire dans un lycée professionnel de Pardubice.
L’Institut de la mémoire est un projet réalisé par l’ONG Post Bellum qui a recueilli, depuis 2001, près de 13 000 témoignages de personnes qui ont fait l’expérience d’un régime totalitaire. Ils sont réunis au sein d’une base de données accessible au public sur Internet et intitulée « Mémoire de la nation » (Paměť národa).
Ces archives contiennent des enregistrements audiovisuels, des photographies et documents. Nous y trouvons les témoignages de survivants de l’Holocauste, des soldats, des prisonniers politiques de l’époque communiste, des représentants de la dissidence et de la culture underground. « Mémoire de la nation » propose également les confessions de quelques-uns des représentants du pouvoir communiste, par exemple d’anciens agents de la police secrète.
Le réseau des Instituts de la mémoire, basé sur ces milliers de souvenirs, doit permettre une réflexion historique, et ceci à l’aide de nouvelles technologies. A cheval entre jeu, film et réalité augmentée, l’exposition de l’Institut de la mémoire de Pardubice a été conçue par le documentariste Viktor Portel. Il explique :
« Dès le début, nous avons eu l’idée qu’au fil de l’exposition, le visiteur découvre l’histoire d’une seule personne, d’un témoin de l’époque. C’est elle qui l’accompagne le temps de la visite. Ce qui était moins évident, c’était la forme du récit et de cette visite. En réalisant plusieurs autres projets de ce type, nous nous sommes rendus compte qu’il fallait créer quelque chose de très immersif, avec de l’animation par exemple, pour que le visiteur soit vraiment captivé par l’histoire. Mais évidemment, il faut faire attention, car cet aspect interactif et ludique ne doit pas être primordial. Il ne doit jamais éclipser l’histoire que nous racontons. »
Les visiteurs de l’Institut de la mémoire de Pardubice découvrent ainsi l’histoire du général Tomáš Sedláček qui a combattu sur plusieurs fronts pendant la Seconde Guerre mondiale, avant d’être emprisonné à plusieurs reprises sous le régime communiste, ou encore celle de Jaryna Mlchová, une jeune chimiste qui a sauvé des centaines de Juifs du transport vers les camps de concentration, en leur administrant une substance qui provoquait de faux symptômes de la jaunisse.
L’exposition sera progressivement complétée par d’autres témoignages de différentes époques de l’histoire de la Tchécoslovaquie. L’Institut de la mémoire a également ouvert ses portes à Olomouc, dans les locaux d’un ancien abri construit au milieu des années 1950 et destiné au quartier général de la défense civile. A l’automne, une autre succursale de l’Institut de la mémoire devrait être inaugurée à Brno.