« Remoska », la bonne à tout faire dans les cuisines tchèques et d’Europe de l’Est
L’appareil est parfois présenté comme « la reine de la cuisine ». Et force est de reconnaître que l’ustensile est effectivement bien pratique. Pouvant servir tout à la fois de marmite, d’autocuiseur, de poêle ou même de four, la « Remoska » est une invention tchèque qui remonte aux années 1950. Le succès, y compris à l’étranger, de cette petite cuisinière électrique portable ne s’est jamais démenti depuis, comme nous allons le (re)découvrir dans ce nouvel épisode de notre série Czech Made consacrée aux grandes (et petites) inventions et aux marques tchèques.
Lorsqu’un exemplaire a été offert au Prince Charles de Galles au début des années 2000 à l’occasion de son anniversaire, les médias britanniques ont présenté la « Remoska » comme « le mystère le mieux gardé du communisme ». Aujourd’hui, un peu plus de 60 ans après la production des premiers modèles et le dépôt de son brevet, la « Remoska », bien que son principe de fonctionnement soit toujours resté le même, n’a rien perdu de son utilité. Et ce que les Tchèques eux-mêmes désignent comme un petit four électrique a ainsi survécu à l’apparition d’ustensiles de cuisine toujours plus modernes, comme par exemple le four à micro-ondes.
Il faut dire que, comme le confirme Markéta, jeune maman de České Budějovice, en Bohême du Sud, cet appareil de cuisson alimentaire possède de nombreux avantages : financièrement accessible avec un prix moyen d’achat pour un modèle de base de 2 à 3 000 couronnes, très pratique, simple d’usage et portable, de taille et de poids identiques à ceux d’une grosse poêle équipée d’un couvercle, la « Remoska » permet de cuire une grande palette de plats, du poulet rôti à un pain, d’une soupe à une tarte ou de pommes de terres sautées à gratinées. Tapez « Remoska » sur youtube, où de multiples recettes sont mises en ligne par la société, et vous en aurez la confirmation. La « Remoska », que l’on pose sur sa propre plaque, permet aussi de réaliser des économies d’énergie pas négligeables : jusqu’à 80 % d’électricité en moins que dans un four classique pour un poulet rôti par exemple.
Bien que la production de ses premiers exemplaires remonte à l’après-guerre, les jeunes Tchèques, bien qu’ils s’en servent aujourd’hui moins que leurs parents et grands-parents, n’ont pas oublié que la « Remoska », que l’on peut emmener partout avec soi, fait partie de l’histoire des cuisines de leurs chez-eux et, surtout, de leurs vacances à la campagne.
Avant de devenir « Remoska », l’appareil révolutionnaire avait été baptisé HUT, les initiales de ses inventeurs Homuta, Uher et Tyburec, dont l’atelier avait été nationalisé et regroupé avec d’autres sous l’enseigne locale REMOS (Revize, Elektro, Montáže, Opravy, Servis). D’où le nom de la « Remoska », qui commencera à être produite en série d’abord à Zdice, en Bohême centrale, puis, jusqu’en 1990, à Kostelec nad Černými lesy, à quelques dizaines de kilomètres de Prague, où se trouve désormais un musée – bien mérité – de la « Remoska ».
Malgré des années post-révolutionnaires compliquées, en raison de l’apparition sur le marché de produits électroménagers occidentaux et asiatiques, des années marquées notamment par le déplacement de sa production dans l’est du pays à Frenštát pod Radhoštěm, en Moravie-Silésie, la marque « Remoska » a survécu au temps qui passe. En sachant surtout s’y adapter, comme avec l’acquisition, à la fin des années 1990, de la licence permettant de la doter d’un revêtement antiadhésif en Teflon.
Mieux même, plus de la moitié de la production est désormais destinée à l’export, essentiellement dans les régions anglophones du monde, et plus particulièrement en Grande-Bretagne, où la « Remoska », bien qu’on doute que le prince Charles en fasse grand usage, est très populaire.
C’est à une dame que la société tchèque doit ce succès outre-Manche : Lady Milena Grenfell-Baines. Née Milena Fleischmannová à Prague en 1929, elle a échappé aux camps nazis grâce aux trains affrétés par Nicholas Winton qui ont sauvé avec elle des centaines d’autres enfants juifs de la Tchécoslovaquie. De retour dans son pays d’origine après la chute du régime communiste pour visiter une cousine, elle avait alors découvert cette fameuse « Remoska » dont elle avait déjà si souvent entendu parler :
« Nous avons acheté ici une ‘Remoska’ et je me suis demandé pourquoi elle ne se vendait pas ailleurs. J’ai trouvé le numéro de l’entreprise à Frenštát pod Radhoštěm et son gérant, monsieur Ivan Svoboda, m’a répondu qu’il ne connaissait malheureusement personne en Angleterre. Quand je lui ai dit que j’allais lui trouver quelqu’un, il m’a répondu que j’étais un ange venu du ciel ! Et en quelques années, 100 000 ‘Remoska’ ont été vendues en Angleterre… »
Quelques mois après, la « Remoska » s’est même vue décerner le prix de la meilleure invention par le mensuel des ménagères anglaises, Good housekeeping magazine, qui louait entre autres la faible consommation en énergie du produit tchèque. Le quotidien The Independent l’a incluse dans sa liste des 50 ustensiles de cuisine essentiels, comme cela se savait en Europe centrale et de l’Est depuis déjà belle lurette.
En relation
-
CZECH MADE
Dans sa nouvelle série, Radio Prague International vous présente quelques-unes de ces inventions tchèques qui ont changé le monde.