Résistance intérieure

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Le 16 mars 1939, il y a exactement 66 ans, était proclamé officiellement le Protectorat de Bohême-Moravie. A sa tête, Konstantin Von Neurath puis le redoutable Heydrich mettent en place un rigoureux système de surveillance du pays. Malgré ces conditions défavorables, une résistance, à l'intérieur, voit le jour dès mars 1939. Elle mènera, contre vents et marées, une action subtile et efficace contre l'occupant.

Des aviateurs de la bataille d'Angleterre en 1941 aux unités participant au débarquement en Normandie en juin 1944, le role héroïque des militaires tchèques exilés est bien connu.

On ne pourrait en dire autant de la résistance intérieure tchèque, qui, outre la pression de la police allemande, doit ruser avec des conditions géographiques peu favorables. Montagnes et forêts faciles d'accès rendent en effet hasardeuse toute action armée d'envergure.

L'assassinat, en 1942, de Heydrich par deux officiers parachutés en Bohême depuis Londres n'en est que plus notable. Mais il faut avoir à l'esprit que l'opération aurait été impossible sans le concours de la résistance intérieure.

Reinhard Heydrich,  photo: Bundesarchiv,  Bild 146-1969-054-16 / Hoffmann,  Heinrich / CC-BY-SA / Wikimedia Commons 3.0
La résistance se met en place dès mars 1939 à travers 3 groupes : Défense de la Nation (ON), Centre politique (PU) et le groupe signataire de la pétition : nous resterons fidèles (PPV2). Ils s'unifient au début de 1940 en une Direction centrale de la résistance, reconnue par Benes et le gouvernement en exil à Londres. Son rôle dans les activités de renseignement fournira, tout au long de la guerre, une aide déterminante aux Alliés. La résistance dispose dans ce domaine d'un agent exceptionnel, l'Allemand Paul Thümmel, chef d'une section de l'Abwehr à Prague. Citons également le rôle de premier plan des journalistes tchèques rassemblés autour de Josef Balaban, Josef Masin et Vaclav Moravek pour les informations militaires.

Les communistes, quant à eux, attendent 1941 avant de former des groupes de résistance. Il faut dire que, depuis 1939, ils sont liés par le pacte germano-soviétique, signé la même année. Recevant leurs instructions du Komintern, ils en sont encore, en ce début d'occupation, à lancer une campagne contre Benes, accusé de vendre la Tchécoslovaquie aux "impérialistes occidentaux". Ce n'est qu'en juin 1941, après l'attaque de l'URSS par Hitler, que les communistes entrent en résistance. Leur activité restera toutefois largement minoritaire.

D'une manière générale, comme ailleurs en Europe, la Bohême-Moravie est partagée entre une minorité de résistants et de collaborateurs et une majorité d'attentistes. Mais surtout, la résistance ne se limite pas à l'activité armée et on la retrouve aussi aux plus hauts niveaux de l'Etat.

Ainsi Alois Rasin, premier ministre du Protectorat, maintient en fait des contacts étroits avec le gouvernement en exil. Reinhard Heydrich, qui remplace von Neurath à la tête du protectorat en septembre 1941, le démasque et le fait exécuter.

Citons encore le cas du maire de Prague, Otakar Kapla. Il succède à Zenkl, qui, victime de la réorganisation administrative de l'occupant, avait été arrêté et envoyé à Dachau à la fin de 1939. Otakar Kapla fait son possible pour protéger ses concitoyens. Il sera fait arrêté en juillet 1940 par son propre adjoint, Josef Pfitzner, un nazi fanatique, qui l'accuse d'aide à la résistance et obtient son exécution en 1941.

De 1939 à 1941, la pression des autorités d'occupation se fait de plus en plus intense. Le pouvoir appartient à Emanuel Moravec, collaborateur déclaré et chargé de l'enseignement et de la culture. Mais celui-ci reste bien sûr une marionnette entre les mains des autorités allemandes. L'arrivée de Heydrich en 1941 réduit infiniment la marge de manoeuvre de la résistance intérieure. Tout en ménageant avec soin les ouvriers tchèques, il durcit la pression sur la résistance par une politique de terreur : 500 otages pris parmi les prisonniers politiques et les notables sont ainsi exécutés. L'action de la résistance s'en verra fort compromise à court terme mais ne cessera de s'amplifier, des grèves et sabotages de 1941 jusqu'à l'insurrection armée de Prague en mai 1945.

Le 28 octobre 1939
La terreur n'aura également pas empêché des actes de résistance spontanés et symboliques. Le 28 octobre 1939, jour anniversaire de la 1ère République, les étudiants de la Faculté Charles organisent des manifestations qui dégénèrent en bagarres de rues avec les forces d'occupation. L'ouvrier Vaclav Sedlacek et l'étudiant en médecine Jan Opletal y trouveront la mort. En réaction, de nouvelles manifastions éclatent et aboutissent à l'exécution, par les nazis, de 9 étudiants ainsi qu'à la déportation de 1200 autres à Terezin.

Enfin, l'aide de la population à la résistance, aussi rare fut-elle, a donné une belle leçon de courage moral et physique. Rendons ainsi hommage aux pasteurs de l'Eglise orthodoxe, qui payèrent de leur vie le reguge qu'ils offrèrent aux meurtriers de Heydrich en l'église Cyrille et Méthode.

Malgré une surveillance continue, la résistance intérieure tchèque a bel et bien existé. Minoritaire, elle n'en a pas moins touché diverses couches de la population et montré que la conscience vive de la nation n'avait pas totalement disparu de Tchécoslovaquie en ces années sombres.