Restitutions : les Eglises ne cèdent pas aux demandes gouvernementales

Photo: Štěpánka Budková

Composé de sociaux-démocrates, de membres du mouvement ANO et de représentants des clergés, le comité d’experts chargé d’étudier les possibles révisions de la loi controversée de restitution des biens confisqués aux Eglises sous le régime communiste a fait long feu. Appelant à une réflexion sur les rapports entre les religions et la société tchèque, le personnel ecclésiastique refuse les demandes des deux principales formations gouvernementales, lesquelles souhaitent alléger la facture de l’application de la loi pour l’Etat. Le Premier ministre, le social-démocrate Bohuslav Sobotka, envisage toutefois toujours de modifier, sans doute à la marge, ce texte de restitutions.

Photo: Štěpánka Budková
Soutenue par la coalition gouvernementale de droite de Petr Nečas, la loi de restitution des biens confisqués aux Eglises, attendue depuis pratiquement la chute du régime communiste en 1989, a fait l’objet d’un long feuilleton législatif avant d’être finalement adoptée en novembre 2012. Très critiquée par les partis de gauche et mal acceptée par nombre de Tchèques, ce texte, qui prévoit de rendre à seize Eglises du pays 56% de leurs biens expropriés par le régime communiste et de leur verser progressivement, sur une période de trente ans, une compensation de 59 milliards de couronnes (2,15 milliards d’euros) pour les biens ne pouvant être restitués, n’en avait pas fini pour autant de faire débat.

Considérant ces restitutions comme désavantageuses pour l’Etat, au moment même où le discours politique dominantprônait l’austérité budgétaire, le parti social-démocrate a promis lors de sa campagne ayant précédé les élections législatives d’octobre dernier de réviser cette loi. Parvenue au pouvoir, la formation dirigée par Bohuslav Sobotka a donc rapidement lancé, avec le mouvement ANO, son principal partenaire de coalition, un comité d’experts comprenant des représentants des clergés afin d’étudier la question. Pour la négociatrice de la social-démocratie Alena Gajdůšková, ce groupe avait un objectif principal :

Alena Gajdůšková,  photo: Kristýna Maková
« Il s’agissait de demander une réduction des compensations financières et nous avions deux variantes. Nous proposions d’abord une réduction de treize milliards de couronnes de la somme totale qui doit être versée sous forme de compensations aux Eglises. La deuxième variante consistait en une limitation, voire en une suppression, de l’indexation de ces compensations sur l’inflation. »

Trois mois après sa formation, ce comité d’experts cesse cependant ses activités. Après avoir refusé les propositions qui leur ont été faites lors de la dernière réunion, les représentants des Eglises ont souhaité mettre fin aux discussions. Malgré cela, les différentes parties en présence refusent de parler d’échec. Les Eglises ont par exemple accepté de rendre publics leurs comptes ainsi que de se soumettre à des audits. A cette fin, la loi devra donc être révisée.

Mais pour les Eglises, il était inimaginable d’aller plus loin. Secrétaire général de la Conférence épiscopale tchèque, Tomáš Holub considère qu’il faut désormais changer le niveau de ces discussions en impliquant le gouvernement tchèque dans son ensemble et en portant le débat sur un autre sujet :

Tomáš Holub,  photo: ČT
« Nous invitons le gouvernement de la République tchèque, ainsi que les représentants des différents clergés ayant pris part à ce comité d’experts à entamer, avec les Eglises et les sociétés religieuses, un cycle de rencontres sur la conception d’un modèle de coopération et d’aide réciproque entre l’Etat et ces cultes. »

Petit poucet de la coalition gouvernementale, le parti chrétien-démocrate est, lui, tout à fait opposé à faire pression sur les Eglises pour qu’elles acceptent des aménagements à la loi de restitution. Les sociaux-démocrates persistent dans cette voie et envisagent de s’en remettre aux députés pour tenir leur promesse électorale.

Selon Alena Gajdůšková et Bohuslav Sobotka, il pourrait être question de taxer les compensations financières ainsi que de donner à l’Etat un droit de priorité sur l’achat des biens des Eglises. Des options très critiquées par ces dernières, qui estiment qu’il en va de la survie même de certaines d’entre elles.