Andrej Babiš officialise son rapprochement avec l’extrême droite hongroise et autrichienne

Andrej Babiš, Herbert Kickl et Viktor Orbán

L’ancien Premier ministre tchèque et leader du mouvement ANO, Andrej Babiš, a annoncé dimanche la formation d’une alliance avec le Fidesz hongrois et le FPÖ autrichien dans l’optique de former un nouveau groupe politique au Parlement européen.

Depuis qu’il avait annoncé le départ de son mouvement du groupe Renew au Parlement européen le 20 juin dernier, Andrej Babiš avait laissé le champ libre aux spéculations quant à la place qu’occuperaient ses élus dans l’hémicycle à l’avenir. C’est finalement le 30 juin, à la veille du début de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne pour six mois, qu’Andrej Babiš est sorti de son silence, en s’affichant à Vienne aux côtés du chef de gouvernement hongrois, Viktor Orbán et du président du FPÖ, le parti d’extrême droite autrichien, Herbert Kickl.

Andrej Babiš | Photo: Alex Halada,  ČTK/imago stock&people

A l’occasion d’une conférence de presse commune, les trois hommes ont annoncé la création d’une nouvelle alliance baptisée ‘Patriots for Europe’ (les Patriotes pour l’Europe) dont le programme a été résumé en trois points par l’ancien Premier ministre tchèque, à savoir : la défense de la souveraineté des Etats membres face à une tentative de fédéralisation de l’Union européenne, la lutte contre l’immigration illégale et la révision du Green Deal.

Pour le leader du FPÖ, la proclamation de cette union marque « un jour historique », tandis que son voisin de table, le dirigeant hongrois, a lui évoqué le début d’une « nouvelle ère ». Ensemble ils ont lancé un appel aux autres partis partageant leurs idées et leurs valeurs à les rejoindre afin de former un groupe politique au sein du Parlement européen fraîchement élu.

Andrej Babiš prend ses distances avec Emmanuel Macron

Le mouvement ANO claque donc définitivement la porte au groupe Renew au Parlement européen, dans lequel siègent notamment les élus de la coalition française Ensemble. Le leader populiste justifie ce choix par des divergences de programme qui étaient, selon lui, devenues trop fortes :

« Ni Renew, ni l’ALDE [le Parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe] ne sont prêts à une révision suffisante du Green Deal telle que nous la proposons dans notre programme. Certains même se radicalisent dans cette folie verte. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était fondamentalement impossible de faire avancer notre programme dans ce groupe et avons donc décidé de quitter Renew Europe et l’ALDE. »

Pour mettre en œuvre son programme, Andrej Babiš a donc choisi de s’allier avec deux partis d’extrême droite. Pour l'ancienne candidate de la majorité présidentielle aux élections européennes en France, Valérie Hayer, le départ du mouvement ANO des rangs de Renew s’apparente à un « divorce attendu depuis longtemps » :

« Au cours du mois dernier, leur divergence par rapport à nos valeurs s’est accrue de manière exponentielle et nous en avons été témoins avec beaucoup d’inquiétude. Le refus d’ANO de poursuivre son engagement en faveur des valeurs libérales a conduit au résultat d’aujourd’hui. Ils ont tourné le dos à nos convictions et à nos valeurs pro-européennes. »

Vives réactions aussi en Tchéquie

Le départ d’ANO du groupe Renew et sa nouvelle alliance avec le FPÖ et le Fidesz interrogent en Tchéquie sur l’évolution du positionnement politique du mouvement d’Andrej Babiš, initialement classé au centre et ayant dérivé depuis plusieurs années vers une forme de populisme décomplexé. Le temps où Andrej Babiš vantait sa complicité avec le président français Emmanuel Macron et le louait pour son leadership en Europe semble désormais bien révolu.

Côté tchèque, l’annonce de dimanche a été commentée par plusieurs responsables de la coalition gouvernementale. La présidente de la Chambre des députés, Markéta Pekarová Adamová (TOP 09) a sévèrement dénoncé le rapprochement avec le leader d’extrême droite hongrois, Viktor Orbán :

« Personne ne peut douter qu’Andrej Babiš s’inspire de l’autoritarisme d’Orbán et qu’il aide le Kremlin. Il faut appeler un chat un chat : les Patriotes pour l’Europe sont la cinquième colonne de la Russie dans l’UE. »

L’eurodéputée ODS Veronika Vrecionová partage cet avis : « Orbán et le FPÖ refusent depuis longtemps de soutenir l’Ukraine […] Maintenant, c’est tout à fait clair : Andrej Babiš est l’ami des amis de la Russie. »

Nul doute donc que le rapprochement du mouvement ANO avec des partis d’extrême droite continuera de faire réagir en Tchéquie et en Europe dans les prochaines semaines. Toutefois, la nouvelle alliance, si elle souhaite devenir officiellement un groupe au Parlement européen, doit réunir au moins 23 eurodéputés issus de sept Etats membres. Avec déjà 24 membres au compteur – sept pour ANO, onze pour le Fidesz et six pour le FPÖ – la priorité pour l’alliance est avant tout de trouver de nouveaux alliés au sein de l’UE. Si le PiS polonais, la Ligue du Nord italienne ou les partis slovaques SMER et HLAS circulent en coulisses, rien n’est pour l’heure acté. Les Patriotes pour l’Europe ont jusqu’au 15 juillet pour finaliser la constitution de leur groupe politique.