Robert Badinter entretient les Pragois de la Constitution européenne
Ce mardi, 1er juillet, à l'amphithéâtre de l'Institut français de Prague, francophones et non francophones tchèques ont eu le plaisir d'assister, nombreux, à la conférence de M. Robert Badinter : « A la recherche d'une constitution européenne ». M. Badinter est ancien ministre français de la Justice, dont le nom est lié à l'abolition de la peine de mort, ancien président du Conseil Constitutionnel, sénateur et membre de la Convention pour l'avenir de l'Europe.
« Quand vous avez un seul Etat qui vous dit je ne veux pas et que les autres veulent, il faut arriver à le convaincre. Et le convaincre, ça veut dire négocier, et négocier, c'est lui consentir des avantages. Je le répète, l'Union, c'est 480 millions, ça sera un jour 500 millions. Parmi les Etats nouveaux adhérents, vous en avez un qui fait moins de 500 000 habitants. 500 000 par rapport à 500 millions, c'est facile à compter. C'est-à-dire que la volonté d'un Etat qui représenterait le 1/500 000 de la population européenne pourrait suffire à dire non. Ce n'est pas possible et donc, il faut une pondération, sinon, vous ne pouvez pas fonctionner. Cela a fait l'objet des difficiles négociations de Nice et finalement on est arrivé à un calcul très compliqué. La majorité, c'est 232 sur 345. Pas facile à calculer quand on voit ensuite ce que représente le nombre de voix pour chaque Etat, mais c'est la clé. Bref, on a voulu une simplification heureuse et on a dit : la majorité qualifiée pour prendre la décision, c'est la majorité des Etats représentant les trois cinquièmes de la population de l'Union. »
A la fin de la conférence, Robert Badinter a exprimé son ambition pour l'Europe unie, mais aussi et quelque peu sa déception quant aux résultats dégagés par la Convention.
« J'aurais souhaité voir la naissance de l'Europe puissance, je ne la trouve pas là. Dans le domaine de la politique étrangère, on en reste au principe de l'unanimité ; dans le domaine de la défense aussi. Cela se rattrapera sans doute par des coopérations renforcées. Donc, je suis sûr que cela, au long du temps changera. Comme le disait admirablement un grand révolutionnaire : « La force des choses nous a conduits plus loin que nous ne pensions aller. » Eh bien, il en sera de même pour l'Union européenne. La force des choses, la conscience d'appartenir à l'Europe, la nécessité de ce qui est à la base de l'Union, c'est-à-dire cette solidarité intrinsèque, et, ce qui constitue à proprement parler le fondement de l'Union européenne, c'est-à-dire la communauté de valeurs, née d'une terrible et tragique histoire et d'une culture commune à laquelle chacun des Etats et des peuples européens a contribué, cette communauté-là, qui fait à la fois la grandeur et la singularité de l'Europe, amènera l'Union européenne à devenir, sans doute plus vite qu'on ne le pense, soudée, et où, un maître et des vassaux seront amenés à aller vers une Europe puissance, et non pas à rester à une Europe espace politique. »