La comédienne du Théâtre national de Prague et vedette du cinéma des années 1930 à 1950, Růžena Nasková, n’était pas une grande beauté comme Zita Kabátová, Lída Baarová ou Adina Mandlová. Elle était très grande, plutôt charpentée, robuste et paraissait plus que son âge. Mais elle avait un port royal, beaucoup de charisme, des mœurs nobles et distinguées. Son physique imposant, non dépourvu de grâce la prédestinait aux rôles de grandes dames, mères, grands-mères, tantes. Elle avait incontestablement un grand talent dramatique et compte parmi les comédiennes et vedettes de cinéma les plus célèbres de son époque.
Růžena Nasková
Růžena Nasková, née le 28 novembre 1884 à Prague dans une famille bourgeoise, était une jeune fille calme et bien élevée, préférant la solitude à la compagnie bruyante des enfants de son âge. Elle aimait les livres, la poésie, se retirait dans la nature, les parcs tranquilles et les jardins perdus pour y lire ou réciter des poèmes. La jeune fille appréciait ces endroits isolés avec pour seuls témoins, le bruissement des feuilles, les arbres, les fleurs, les rivières, les ruisseaux ou de vieilles statues portant les traces d’un temps depuis longtemps révolu. Elle se passionnait pour le théâtre depuis sa tendre enfance et rêvait d’en faire. Mais son père s’opposait catégoriquement à cette idée. Pourtant Růžena était persuadée qu’un jour elle monterait sur scène.
Růžena Nasková
Ce n’est qu’après le décès de son père que son rêve commence à se réaliser. Elle prend des cours de théâtre chez Otýlie Sklenářová, une grande comédienne de son époque et joue en amateur dans les petits théâtres de Prague. Mais sa stature robuste pose parfois des problèmes aux metteurs en scène sur le choix des rôles qui lui conviendraient. C’est le cas en Slovénie. La jeune débutante envoie sa photo à un concours au Théâtre de Ljubljana où l’on cherche une comédienne pour incarner les rôles de jeunes filles naïves. Elle est choisie parmi les nombreuses candidates mais lorsqu’elle passe l’audition, la direction du théâtre est très surprise par cette jeune fille immense. Finalement, grâce à son talent elle décroche un engagement. Mais on lui distribue des rôles qui ne conviennent absolument pas à son caractère. Pourtant elle reste au Théâtre de Ljubljana pendant trois saisons. Pendant les vacances d’été, alors que le théâtre est fermé, elle joue sur les scènes de plus petits théâtres à Prague.
En 1907, Růžena Nasková est engagée au Théâtre national de Prague. Elle en restera membre jusqu’en 1955, année où pour des raisons de santé elle prend sa retraite. La jeune débutante se fait remarquer dès dans son premier rôle où elle interprète Marguerite dans le Faust de Goethe. Mais ce n’est que dans Madame Sans Gêne de Victorien Sardou et d’Émile Moreau que son talent dramatique est pleinement découvert. Au cours de sa carrière elle a incarné un grand nombre de rôles importants, dramatiques et comiques, tels que la reine dans Hamlet de W. Shakespeare, Roxanne dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, Mrs Erlynne dans L’ éventail de Lady Windermere d’Oscar Wilde et bien d’autres. Elle décroche son premier rôle au cinéma à l’âge de 31 ans, ce qui est relativement tard, dans Ahasver, un film réalisé par Jaroslav Kvapil. Même si elle joue très bien, ce n’est que 15 ans plus tard que les réalisateurs découvrent ses qualités et les rôles se mettent à pleuvoir.
Après la guerre elle ne joue plus que dans un seul film, qu’elle ne peut terminer à cause d’une grave maladie. Mais la grande comédienne ne se retire pas complètement du monde de l’art. Elle profite de sa belle voix et de son don de remarquable narratrice pour travailler à la Radio tchécoslovaque dans le cadre de différentes émissions : elle récite des poèmes, lit les contes pour enfants et les œuvres des auteurs classiques tchèques.
On sait peu que Růžena Nasková était également une parolière remarquable et rédigeait des articles pour différentes revues de théâtre. Dans les années 1940, elle publie un recueil sur sa sœur écrivain Helena Malířová Tel est le cours de la vie (Jak šel život) et La petite chronique (Malá kronika).
La grande comédienne, décédée le 17 juin 1960 à Prague, a remporté en 1931 le Prix national et en 1947 elle a été nommée artiste nationale, ce qui était un titre prestigieux et d’honneur pour ses mérites dans le monde de l’art tchécoslovaque.