Sécheresse : selon les experts, la situation en Tchéquie est la plus grave de ces 500 dernières années
Si la République tchèque ne fait pas figure d’exception en Europe et plus généralement dans le monde, la période de sécheresse qu’elle traverse depuis 2015 n’en reste pas moins la pire de ces 500 dernières années, selon les données rassemblées par une équipe de chercheurs. « La situation est catastrophique », a même admis le ministre de l’Environnement.
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« Sécheresse : les agriculteurs tchèques déjà au supplice », titrait Radio Prague International il y a précisément un an de cela, après un mois d’avril qui avait déjà été particulièrement avare en précipitations. Un an plus tard, non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais elle s’est encore aggravée, comme l’a confirmé le ministre de l’Environnement, Richard Brabec (mouvement ANO), lors d’une conférence de presse sur le sujet qui s’est tenue ce mercredi.
On pourrait penser que c’est peut-être là le signe que les choses reviennent peu à peu à la normale. Tandis que la mise en œuvre du plan de sortie du confinement prend des contours toujours un peu plus concrets, les médias tchèques se sont remis, ces derniers jours, à reparler de la sécheresse. Sauf que celle-ci et les autres manifestations des changements climatiques, même en période de coronavirus, apparaîssent comme une véritable préoccuaption aux yeux d’un nombre croissant de Tchèques.
Selon un sondage commandé récemment par la Radio tchèque, ce sont même ces deux phénomènes qui inspirent le plus de craintes, davantage que les retombées économiques de la crise sanitaire actuelle. 85% des personnes interrogées les considèrent comme la principale menace pour les années à venir. Un résultat qui a surpris jusqu’au directeur de l’agence Median qui a mené l’enquête, Přemysl Čech, qui se l’explique par le fait « que l’on a beaucoup parlé ces derniers temps de l’interruption de la production industrielle et de l’amélioration de la qualité de l’air. Et la menace que représente cette épidémie fait davantage réfléchir les gens sur le sens de leur existence et sur le fait que l’homme n’est pas infaillible et ne peut pas tout régler seul. »
Cette année, après un hiver où les chutes de neige ont été très faibles, une importante sécheresse agricole a régné sur la quasi totalité du territoire tchèque durant un mois d’avril qui, au final, a été plus sec encore que les deux précédents en 2019 et 2018, pourtant eux aussi déjà très secs. Associée à la rareté de l'eau, la faible humidité du sol arrête la croissance végétale, diminue les rendements et met en danger le bétail.
Une mauvaise retenue de l’eau
Les recherches menées par un groupe de travail dans le cadre d’un projet de suivi mené sur le long terme appelé Intersucho, ont permis d’établir que les réserves d’eau souterraine cette année étaient trois fois moins importantes que l’année dernière pour l’ensemble du pays. En Moravie du Sud, région viticole traditionnellement la plus ensoleillée, ce déficit est même dix fois supérieur. Malgré la proximité des montagnes et des températures habituellement plus fraîches, le nord-ouest de la Bohême souffre lui aussi de cette pénurie d’eau.Pour se faire une idée concrète de la gravité de l’évolution du problème, les météorologues comparent la situation de ces dernières années aux données de la la période allant de 1961 à 2000. Pour 2015-2020, le déficit moyen des précipations est ainsi évalué à quelque 800 millimètres, entraînant une baisse conséquente du niveau des rivières et des eaux souterraines.
Le réchauffement climatique et le faible volume des précipitations ne sont cependant pas les seules raisons de l’asséchement des terres. Comme ailleurs dans les pays où est pratiquée une agriculture intensive, la transformation des paysages, qui sous-entend une mauvaise retenue de l’eau, est également pointée du doigt.
Ce mercredi, le ministre de l’Environnement annoncé qu’un grand rassemblementa se tiendrait le 12 mai avec les représentants des régions et des communes pour débattre de la question, des scénarios de crise et de l’approvisionnement en eau potable.Une rallonge de 3,5 milliards de couronnes (près de 130 millions d’euros) sera également demandée au ministère des Finances de manière à pouvoir intensifier les investissements dans la lutte contre la sécheresse, et ce alors qu’une enveloppe d’un montant de 2,5 milliards revu à la hausse par rapport à l’année dernière, est déjà prévue à cet effet. A la différence des terres, l’Etat tchèque, au moins, malgré la crise actuelle, n’est, lui, pas encore à sec.