Slimane Benaïssa : « Quand je construis ma pièce, c’est une architecture qui relève de celle du bâtiment »
Dans le cadre du 10e Festival Afrique en création, le dramaturge franco-algérien Slimane Benaïssa était un des principaux invités. Le public praguois a notamment pu découvrir sa pièce Confession d’un musulman de mauvaise foi, présenté vendredi dernier au Café de l’Institut français de Prague. Etonnamment, quand on lit la biographie de Slimane Benaïssa, on découvre qu’il a d’abord suivi une formation scientifique. Comment est-il arrivé au théâtre ? C’est ce qu’il nous a expliqué…
Ce n’est pas schizophrénique alors ?
« Pas du tout. Quand j’entendais les intellectuels dire à une époque ‘écrire dans ma douleur, écrire la langue de l’autre etc.’ Ce n’est pas du tout le cas pour moi ! Je n’ai jamais rien compris à cela. Et de toute façon, les deux aspects sont complémentaires même dans le travail théâtral. Quand je construis ma pièce, c’est une architecture qui relève de celle du bâtiment… Le côté poétique, je l’ai en arabe. Donc j’ai le meilleur des Arabes et le meilleur des Français. »Donc vous écrivez de manière littéraire à la fois en français et en arabe…
« J’écris en arabe et en français. En Algérie j’ai fait du théâtre en arabe, en France du théâtre en français. Je suis biculturel en réalité. On a baigné profondément dans les deux cultures, avec tout ce que cela ça entraîne. Je goûte le vin comme un Français etc. »
A Prague, vous présentiez votre pièce, dans le cadre d’une lecture scénique. C’est une pièce qui s’intitule Confessions d’un musulman de mauvaise foi. Pouvez-vous nous rappelez de quoi il s’agit ?
« C’est la suite d’une trilogie, si ce n’est du quadrilogie. J’ai commencé avec les Fils de l’amertume qui traite de l’intégrisme, l’assassinat d’un frère par un autre. Ensuite j’ai écrit Prophète sans dieu, qui met en scène Moïse qui convoque Jésus et Mahomet pour leur dire : ‘nous sommes tous trois fils d’Abraham, que se passe-t-il ?’ Or Mahomet ne vient pas parce qu’il est interdit de représentation donc on rentre dans une thématique sur la représentation à tous les niveaux : qui représente quoi ? Que représente-t-on au théâtre ? La troisième, L’avenir oublié, traitait de la crise palestinienne. Là aussi j’ai poursuivi la thématique des deux frères ennemis. Au bout de tout cela j’ai fait une overdose de religion et je voulais rire de tout cela ! J’ai donc raconté l’histoire d’un jeune musulman magrébin, éduqué dans la religion, qui rencontre une Française, dont il est fou amoureux. Elle, naïve, lui met à table du porc, du vin. J’ai trouvé intéressant et éloquent de montrer comment on transgresse les interdits d’une religion pour parler de la religion. En définitive, il fait un ‘deal’ avec dieu, il lui dit : ‘réponds à mon désir, et je répondrai à tes interdits, mais si tu ne le fais pas, je vais pécher’, mais dieu ne répond pas. La rupture se fait… de manière amoureuse… »Ce sont des adolescents qui jouent les personnages ? C’est une pièce qui s’adresse aux jeunes ?
« Oui, on l’a jouée plus de 150 fois en France et même à Montréal, en Belgique, en Suisse. Les adolescents se marrent énormément. On a même fait une tournée dans une quinzaine de lycées de l’académie de Nantes, et c’était extraordinaire. »