Soixante ans depuis la mort de Jan Masaryk
Le 10 mars, soixante ans se sont écoulés depuis la mort de Jan Masaryk, diplomate, homme politique et fils du premier président tchécoslovaque. Soixante ans après, les circonstances de sa mort divisent toujours la société.
Le 10 mars 1948, Jan Masaryk est trouvé mort sous les fenêtres de son appartement ministériel au palais Tchernin. Chargé d’affaires à Washington dès 1919, membre du gouvernement en exil pendant la Deuxième Guerre mondiale à Londres et premier ministre des Affaires étrangères d’après-guerre, est-il devenu la première victime du régime communiste ayant pris le pouvoir en Tchécoslovaquie, 15 jours auparavant, le 25 février 1948 ?
Beaucoup croyaient à un assassinat politique suite au putsch communiste. Cette hypothèse paraît en 1967 dans le magazine Der Spiegel : Jan Masaryk, retourné après la guerre à Prague plein d’idéaux sur une Europe enfin libre, éprouvait une déception profonde face à l’évolution dans son pays et pensait à s’exiler en Occident, ce que le NKVD ne pouvait pas admettre, vu la popularité de cet homme politique des plus en vue : un commando qui aurait pénétré dans son appartement l’aurait soit contraint à sauter par la fenêtre, soit l’aurait jeté.
L’hypothèse d’un assassinat n’a cessé d’être réfutée par Antonín Sum, le plus proche collaborateur de Jan Masaryk :
« Nous étions tous persuadés que c’était le sacrifice personnel de Jan Masaryk, que c’était voulu par lui. Parce qu’il voulait que dans le monde entier, et notamment à l’Ouest, en Amérique, en Grande-Bretagne et en France, on soit au courant de ce qui se passait ici, de ce que signifiait notre "février", c’est-à-dire le putsch communiste. »
En 2004, l’Institut d’investigation sur les crimes du communisme a clos le dossier Jan Masaryk en concluant à un assassinat. N’empêche, le mystère de sa mort divise la société et de nouvelles hypothèses apparaissent, 60 ans après. Pour Josef Lesák, ancien député national social dans l’assemblée tchécoslovaque d’après-guerre, Jan Masaryk pouvait être dangereux pour Staline compte tenu de sa popularité :
« Nous l’avons beaucoup aimé, c’était un homme magnifique, d’une grande érudition et sagesse, un homme qui aimait rire et qui était capable de se moquer de lui-même, quelqu’un que tout le monde devait aimer. »
Selon l’historien Jan Kalous, Masaryk agissait après la guerre en tant qu’homme politique qui n’avait pas le problème de s’orienter sur l’URSS mais qui s’identifiait à la politique d’Edvard Beneš :
« Il évitait les conflits avec les communistes, il ne voulait pas, par principe, être en conflit avec eux, ce que certains ministres non communistes lui reprochaient. Un autre reproche qui lui était souvent fait est que dans son ministère des Affaires étrangères, il avait laissé un trop grand espace au secrétaire d’Etat, le communiste slovaque Clementis. »
Nous rappellerons que Vladimír Clementis a été condamné à mort, en 1952, dans le procès politique de 14 hauts fonctionnaires du PCT, avec André Simone et Arthur London. Et la mort tragique de Jan Masaryk, le 10 mars 1948, comme si elle était un présage ce de qui allait arriver.