Sur Instagram, Viktoriia Filippova est à la recherche du renouveau de Prague
Ces dernières années, s’est largement développée sur le réseau social Instagram la mode des influenceurs. Armés de leur smartphone, ils se filment dans leur vie quotidienne et recommandent à leurs abonnés des bonnes adresses, des cafés, des restaurants, et mettent en avant leur mode de vie. Avec son compte ‘New Prague’, Viktoriia Filippova fait l’inverse, et aide à faire découvrir un Prague jeune et branché.
Des influenceurs vous connaissez peut-être les dérives… Pensons notamment à cette influenceuse tchèque récemment épinglée pour avoir profané un temple hindou à Bali… Et il est vrai que les influenceurs sont régulièrement critiqués car accusés, souvent à raison, d’être payés par les marques dont ils assurent la promotion.
Ils sont cependant très suivis sur le réseau social d’une part par des abonnés qui se prennent de passion pour la narration de leur vie et de leurs aventures, et d’autre part par des enseignes qui se basent maintenant en partie sur eux dans leur stratégie marketing.
Viktoriia Filippova a tout d’une influenceuse, mais elle est à rebours de ce qui se fait sur Instagram. Depuis un an et demi, elle s’occupe du compte ‘New Prague’, où elle recommande à ses plus de 7600 abonnés des lieux un peu alternatifs, des lieux qui changent, en majorité des cafés et des lieux de sociabilisation.« Les endroits que j’aime bien, ce sont ces endroits où on peut trouver des jeunes, par exemple. Je ne parle pas que des nouveaux endroits, d’ailleurs, je peux aussi promouvoir des lieux plus anciens, mais je cherche une atmosphère particulière, avec des jeunes, des artistes, ou éventuellement des œuvres d’art… »
Et en effet Viktoriia Filippova ratisse large, du centre d’art contemporain, le DOX, à la Bibliothèque nationale technique, en passant par un café caché de Vinohrady, ou par un coffee shop ou une chaîne de burger dans le très quartier très gentrifié de Karlín. Tout cela sans être rémunérée par les enseignes dont elle parle, même s’il lui arrive de temps en temps d’être invitée à découvrir un restaurant ou un café, ce qu’elle précise toujours sur son réseau social.
Viktoriia est Russe, elle vient de Moscou, et elle est arrivée à Prague il y a deux ans pour y travailler en tant qu’architecte. Au bout de six mois passés ici, cette passionnée d’urbanisme et de planification urbaine nous confie sa déception.« J’étais un peu déçue après un semestre ici, parce que je n’avais pas trouvé d’endroits où je me sente bien. Je passais mon temps à demander à tout le monde ‘Où devrais-je aller ? Où puis-je trouver des endroits un peu différents, nouveaux, quelque chose de plus intéressant que les bâtiments historiques qu’on retrouve partout en Europe ?’. Et les gens ne savaient pas quoi me dire. Alors j’ai décidé que je trouverais par moi-même, avec Google et d’autres applications. Et depuis, j’ai décidé d’aider d’autres personnes. »
Selon Viktoriia Fillipova, Prague est une ville qui ne change pas assez vite. Pas assez de projets pour faire changer la ville et la moderniser. Elle pointe du doigt le manque de volonté politique de faire changer les choses.
« Prague change tout le temps, mais pas dans le bon sens. Parce que le gouvernement n’en fait pas assez. Par exemple, ici, nous sommes au CAMP (Centrum architektury a městského plánování – Centre d’architecture et de développement urbain). C’est un super endroit, qui soutient les nouveaux projets, où l’on peut découvrir les projets en cours à Prague. C’est un endroit assez nouveau, qui a vu jour il a deux ans, je crois. Et il n’y a qu’ici qu’on peut voir ce qui se passe dans la capitale. »Nous en avons parlé avec Kateřina Zelingerová, qui travaille à l’IPR (pour Institut plánování a rozvoje hlavního města Prahy – Institut de planification et de développement de la ville de Prague). Si elle reconnaît que les processus pour mettre en place des travaux sont longs, elle met en avant les projets à plus petite échelle qui rendent aussi la ville plus agréable.
« Nous travaillons aussi sur de plus petits projets qui sont déjà en place. Améliorer les espaces publics, par exemple. A l’IPR, nous faisons en sorte de les rendre plus vivables pour les gens qui veulent passer des moments agréables dehors sans quitter Prague. »Viktoriia Filippova déplore aussi le fait que Prague n’était pas prête pour le tourisme de masse dont elle se retrouve aujourd’hui la victime. Un constat que nuance Kateřina Zelingerová.
« Aujourd’hui, cette situation est en train de changer. Nous faisons en sorte de renvoyer les touristes vers d’autres quartiers comme, à l’ouest, Karlín ou Vinohrady. Ce sont des quartiers qui ont du succès, où se sont installés plein de restaurants très charmants… Nous voulons montrer le vrai Prague aux touristes. »