Taxes sur les importations de chaussures de Chine et du Vietnam
Le thème des importations de biens asiatiques est revenu sur le devant de la scène médiatique tchèque cette semaine. La Commission européenne a en effet décidé de taxer les chaussures en provenance de Chine et du Vietnam. Elle répond en cela aux craintes des fabricants tchèques de chaussures, qui prédisent un effondrement prochain du secteur. Une polémique qui s'inscrit dans le cadre de la libéralisation du marché du textile, décidée par la Commission Europénne au début 2005.
A partir d'aujourd'hui, 7 avril, les chaussures importées de Chine et du Vietnam dans l'UE seront taxées à hauteur de 4 %, un taux qui devrait passer à 16,8 % en octobre pour les chaussures vietnamiennes et 19,4 % pour les chinoises. Pour Peter Mandelson, commissaire européen, la nouvelle loi protégera les fabricants de chaussures du dumping commercial, les exportateurs asiatiques pratiquant des prix en dessous des moyennes du marché occidental (ils représentent environ un dixième du prix standard !). En Chine en effet, le coût de la main d'oeuvre est très bas et les fabricants, profitant également de subventions gouvernementales, peuvent tailler dans leurs prix.
Mais pour les professionnels tchèques du secteur, les taxes ne résoudront pas le problème et, probablement, ne sauveront pas une industrie qu'ils jugent en menace d'effondrement. Les chiffres qu'ils avançent sont, il est vrai, éloquents : au début des années 90, on comptait 35 000 employés dans l'industrie tchèque de la chaussure, qui produisaient environ 70 millions de paires de chaussures. En 2005, le nombre est passé à 3000 employés et à 5.5 millions de chaussures.
Plus généralement, l'Europe connaît le même phénomène. D'après la Commission Européenne, les importations de chaussures en cuir de Chine dans l'UE ont atteint 950 millions de paires, soit une augmentation de 320 % ! Les importations vietnamiennes, elles, ont augmenté de 700 % pour arriver à 120 millions d'unités. Les pourcentages sont encore plus grands concernant les biens de l'industrie du textile (pantalons et pull-overs...).
Pour Zuzana Roithová, membre du Parlement européen, le secteur est menacé dans son existence même. 1000 producteurs auraient déjà été obligés de fermer boutique en République tchèque. En 2004, l'Union Européenne avait renforcé les quotas sur les importations asiatiques avant de faire machine arrière. Pour les professionnels du secteur, l'impératif de libéralisation empêcherait l'UE d'agir efficacement et crée en même temps une compétition inégale avec les prix chinois. Au début 2005, la Commission européenne a levé toutes les barrières aux importations de biens asiatiques, provoquant un véritable tollé dans l'industrie du textile en République tchèque et partout en Europe, particulièrement en France et en Italie.
Comment faire la guerre au textile chinois sans remettre en question les échanges commerciaux globaux avec un pays qui est devenu le premier partenaire économique de l'Europe ? Voilà le défi à relever pour l'UE. Ce n'est pas évident, d'autant plus que les Chinois s'opposent à tout changement de la situation.
Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce, tente de maintenir l'équilibre et prend également en compte les revendications des industriels du textile. Il compte ainsi mettre en place une enquête sur les importations de neuf catégories de produits textiles en provenance de Chine.
La loi récente sur la taxation des chaussures asiatiques montre aussi que la Commission prête une oreille aux revendications tchèques. Il faut dire qu'on doit la nouvelle disposition au travail de lobbying de deux ans de l'Association tchèque des fabricants de chaussures, dirigée par Petr Kubát.
Mais pour ces derniers, les taxes ne suffiront pas. Ils mettent en avant que celles-ci ne toucheront que les importations légales et déclarées et que les chaussures importées clandestinement continueront à circuler. La situation de l'industrie tchèque de la chaussure apparaît presque comme un comble au pays de Bata, et alors que le 6 avril dernier, on célébrait le 130ème anniversaire de la naissance du légendaire industriel.