Témoignage de Jan Trachta, premier médecin tchèque en Haïti avec MSF
Le chirurgien Jan Trachta est le premier médecin tchèque parti avec une équipe de Médecins sans frontières en Haïti pour y soigner les blessés. De retour d’une mission de deux semaines, il apporte son témoignage sur la situation des survivants et sur la façon dont les équipes chirurgicales travaillent 24H/24 :
« Les débuts étaient assez dramatiques. Lorsque nous sommes arrivés à Port-au-Prince, il y avait partout des cadavres en décomposition et à leurs côtés, devant les ruines d’hôpitaux, des centaines de blessés attendaient d’être soignés. »
Parti au lendemain du séisme, Jan Trachta est arrivé dans la capitale haïtienne deux jours plus tard. Il a fallu terminer le voyage en bus parce que son avion a été détourné vers la République dominicaine. Durant sa mission, il a fait lui-même 80 opérations chirurgicales et a soigné plus du double de patients. Il s’agissait, le plus souvent, d’amputations suite aux plaies infectées, mais aussi de césariennes :« J’ai pratiqué une césarienne directement dans la rue, sur une table. La seule chose stérile que j’avais sur moi en ce moment-là, c’était des gants. J’ai désinfecté le champ opératoire, endormi la femme par une dose de kétamine, et j’ai extrait le bébé. Après avoir appliqué des antibiotiques, j’ai suturé l’incision en laissant la femme posée sur la table, car il n’y avait aucune autre possibilité de la placer ailleurs. Tous les patients opérés sur le trottoir devant l’hôpital qui a été détruit, sont envoyés, aussitôt après, derrière la porte, où ils restent dans la rue. »
Les impressions sont encore très fortes et Jan Trachta n’a pas eu le temps de faire le tri, faisant allusion à ce qui était le plus difficile dans sa mission :« Dans notre terminologie, on l’appelle le triage, le triage des patients aux urgences selon la gravité de leur état. Dans les conditions qui régnaient en Haïti, le triage n’était pas possible. Nous étions obligés de laisser une partie importante des blessés mourir dans la rue, car nous manquions de matériel, d’infirmières, de lits. Le risque que les patients meurent dans la rue après l’intervention était si élevé qu’on ne pouvait pas faire autrement et perdre du temps, vu le grand nombre de blessés qu’il était possible de sauver. Le plus souvent, la priorité était donnée aux enfants qui avaient des fractures ouvertes et dont nous savions qu’il était dans nos moyens de leur apporter une aide rapide et efficace. »
Tous les hôpitaux haïtiens ont été endommagés et la peur de se trouver dans des bâtiments en dur continue de se faire sentir chez les blessés de la catastrophe. Des hôpitaux gonflables et mobiles ont été aménagés partout dans l’urgence. Jan Trachta a d’abord travaillé avec une équipe internationale de Médecins Sans Frontières (MSF) dans ce qu’on appelle le nouvel hôpital Carrefour, aménagé sous des tentes à quelques mètres de l’hôpital détruit, pour passer le reste de sa mission de deux semaines dans la ville de Léogâne située à l’ouest de Port-au-Prince :« J’ai quitté la mission très fatigué, mais très heureux car je pense que Médecins sans frontière y fait un travail immense. »
Comme il le souligne encore, après les aides d’urgence, les Haïtiens auront besoin d’une aide de longue durée : prothèses, greffes de peau, soins psychologiques, programme nutritionnel pour les enfants, prévention d’épidémies. Deux infirmières et une équipe de logisticiens tchèques sont en ce moment sur le point de partir avec MSF pour Haïti. D’autres médecins tchèques y travaillent déjà dans le cadre de l’ONG People in Need.Pour Jan Trachta, 32 ans, parti comme premier chirurgien tchèque avec MSF en Haïti, cette mission n’était pas sa première : à deux reprises, il est allé porter secours à la population du Congo dévasté par la guerre civile.
Photo: Archives de Jan Trachta