Théâtre francophone : FrankoScény de Pardubice, 4es

C’est désormais un événement bien ancré dans le calendrier des échanges culturels franco-tchèques, et même un peu plus encore. Placé sous le signe de la francophonie, le festival de théâtre FrankoScény réunit, trois jours durant, depuis ce jeudi jusqu’à samedi, à Pardubice (Bohême de l’Est),  une quinzaine de troupes lycéennes tchèques et de plusieurs autres pays. L’occasion, pour ses jeunes participants, de nombreux échanges et rencontres autour de la pratique du français et de l’art dramatique. Directeur du Théâtre de l’Imprévu à Orléans et amoureux de la République tchèque, Eric Cénat est l’organisateur de ce festival.

Photo: Ministère de l'Éducation

Eric Cénat, vous êtes à Pardubice, pour la 4e édition du festival FrankoScény. Vous étiez venu au micro de RPI pour présenter la première édition en 2019. Comment ont évolué les choses depuis ?

« Nos partenaires, la région Centre et la région de Pardubice, l’Institut français de Prague et l’Alliance française de Pardubice ont maintenu leur confiance aux FrankoScény malgré la crise sanitaire qui a frappé l’organisation du festival. Le passage du festival en 2020 de virtuel à présentiel a été une aventure assez particulière. Nous avons malgré tout maintenu le cap et les partenaires ont décidé de continuer à nous suivre. »

« L’année dernière a, elle aussi, été très particulière, car le Covid-19 était encore présent et nous n’avions pu recevoir que des troupes tchèques et slovaques. Cette année, la situation sanitaire s’est améliorée, et tant mieux, bien sûr, car nous pouvons accueillir de nouvelles troupes d’autres pays. Cette année, outre les troupes tchèques qui sont toujours fidèles au rendez-vous, nous accueillons aussi deux troupes venant de Roumanie et de Bulgarie. Pour la première fois, nous ouvrons nos portes à d’autres continents avec des artistes qui viennent de Tunis et du Caire. C’est une ouverture très importante pour les FrankoScény. »

La présence des troupes égyptiennes et tunisiennes est-elle l’occasion d’élargir le festival au-delà de l’Europe centrale et de l’Est et de montrer aux élèves une autre façon d’envisager le théâtre ?

« Bien sûr. Nous souhaitons montrer la dimension universelle du théâtre et l’importance de la francophonie et de montrer comment elle rayonne à travers le monde. Le parrain de l’édition 2020 était un poète sénégalais. Il n’avait pas pu être présent physiquement car les frontières étant fermées, les FrankoScényétaient virtuelles. Mais nous avions déjà cette volonté d’élargir vers l’Afrique et d’ouvrir les portes à d’autres continents que l’Europe. »

Les écoles tchèques qui participent au festival reviennent-elles régulièrement et sont-elles attachées à l’événement ?

« Absolument ! Cette année, des troupes de Brno, Olomuc, Prostějov et Hradec Králové sont présentes. Ces troupes ont une grande expérience du théâtre lycéen et sont fidèles au rendez-vous depuis la création des FrankoScény. Pour nous, c’est aussi l’occasion de créer des liens et des amitiés avec les responsables des troupes. Leur présence apporte cette dimension chaleureuse à l’événement. »

Y-a-t-il parfois des difficultés à travailler avec les élèves tchèques qui apprennent encore la langue française qui peut s’avérer compliquée ? Comment les choses évoluent-elles du côté de l’apprentissage du français ?

« Certains élèves sont des lycéens en classe bilingue ou européenne. Ils ont plus d’heures de français et ils ont une habitude usuelle de la langue. Mais la plupart n’est pas dans ces sections et il y a une vraie difficulté. Jouer une pièce de théâtre est déjà compliqué mais lorsque l’on ajoute le paramètre de la langue étrangère, cela devient encore une autre performance. C’est pour cette raison qu’il faut aussi saluer le travail des professeurs. Ils sont passionnés de théâtre, de langue française et ils parviennent à transmettre à leurs élèves leur propre passion. Du côté des élèves, il y a également une forme d’engagement sur un an ou parfois sur plusieurs années pour parvenir à jouer un spectacle en français. En ayant travaillé avec des jeunes, j’ai pu constater à quel point cela peut être difficile mais qu’avec des répétitions et de l’engagement, ce qu’ils parviennent à faire à la fin est tout à fait extraordinaire. »

Frankoscény | Photo: Frankoscény

En parlant de francophonie, vous venez en République tchèque pour présenter différents spectacles depuis une quinzaine d’années, et maintenant régulièrement à Pardubice en Bohème de l’est pour ce festival, est-ce vous notez une évolution par rapport à la langue française depuis tout ce temps en République tchèque ?

« La question est assez douloureuse, car je constate une évolution. En venant travailler dans les établissements scolaires, je rencontre les professeurs de français et je vois leurs difficultés. Ils ont de moins en moins d’heures consacrées à l’apprentissage du français. Il y aussi de moins en moins d’élèves qui se tournent vers le français. C’est pour cette raison que des activités comme le théâtre peuvent aussi donner envie à des élèves d’apprendre le français. Il est nécessaire que les initiatives culturelles se multiplient pour solliciter les jeunes et leur donner envie de pratiquer la langue. »

« Le français est considéré comme une langue difficile, ce qui est certainement vrai. Il faut aussi lutter contre ça en trouvant une forme ludique et d’autres paramètres pour susciter un intérêt pour le français. Mais notre langue est en perte de vitesse. »

Cette année, le parrain du festival est le plasticien tchéco-français Vojtěch Janyyška...

« Oui, Vojtěch, parce que nous travaillons ensemble au sein de la compagnie du Théâtre de l’Imprévu. Nous avons réalisé un spectacle intitulé ‘Le peu du monde’ dont il a été le scénographe. Nous sommes partis de ces peintures et vidéos pour faire une scénographie. »

« Je trouve aussi son profil intéressant. C’est un Tchèque qui vit en France et qui est parfaitement bilingue avec une relation très forte entre les deux pays. Je pense que son parcours personnel et professionnel intéressera nos jeunes participants. Et puis c’est aussi une autre façon d’aborder la scénographie. »

« Le peu du monde », inspiré de l’œuvre de Kikí Dimoulá, sera le spectacle professionnel présenté dans le cadre du festival. Pourquoi celui-ci précisément ?

« Parce que, comme pour FrankoScény, il possède une vraie vocation européenne. C’est un spectacle qui rénuit trois artistes de trois pays : Vojtěch Janyška, donc, mais aussi Sophia Alexandrou, qui est une compositrice-interprète grecque au piano, et moi-même. Ce spectacle a été conçu autour de l’œuvre de cette poétesse majeure qu’était Kikí Dimoulá, qui nous a quittés en 2021 et qui est vraiment une grande figure de la poésie en Grèce. Mais même au-delà des frontières de son pays, elle a aussi été lauréate du Prix européen de la littérature en 2009. »

« C’est donc une découverte européenne que nous proposons à nos jeunes participants, et ce d’autant plus que sur scène, on entend pour 80 % du français, mais aussi pour les 20 % restants du grec. C’est bien, je trouve, que notre festival permette d’entendre et d’écouter une autre langue. »

« L’idée, au bout du compte, est que les 130 à 140 participants vivent un moment inoubliable à travers ce festival. J’espère que ces trois jours passés ensemble, toutes ces rencontres et partages, resteront bien en eux. Ce qui nous réunit tous à Pardubice, quel que soit le pays d’où nous venions, c’est la passion du théâtre et aussi la langue française. »

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