Théâtre – « On perçoit un intérêt plus important pour les auteurs tchèques en France »
« Fais un saut à Prague », le festival du théâtre et de la culture tchèques en France, démarre ce jeudi avec notamment une conversation franco-tchèque et le vernissage d’une exposition de photos à Arcueil, dans la région parisienne. Jusqu’à dimanche, le programme mis sur pied pour cette 3e édition doit permettre de mieux faire connaître le théâtre tchèque, et ce, malgré un contexte toujours compliqué, comme l’explique Linda Dušková, programmatrice en chef du festival :
« L’organisation du festival a été difficile comme pour tout autre événement culturel en 2020 et 2021. Il faut savoir rester flexible jusqu’à la dernière minute. La preuve en est que nous avons dû modifier la date, puisque le festival devait initialement se tenir en avril. Mais même en décalant, nous n’avions aucune certitude que les théâtres seraient ouverts en juin et c’est pourquoi nous avons mis sur pied un programme à la fois mi-réel et mi-virtuel. »
« Pour ce qui est de la partie en ligne, le Théâtre national de Prague, qui était un de nos invités principaux, présentera ainsi vendredi soir la pièce ‘Pour la beauté’, dans laquelle jouent beaucoup de comédiens, en streaming, alors que nous avions prévu de les faire venir en France. »
Quels sont les autres temps forts ?
« Nous organisons pour la première fois une rencontre entre professionnels du théâtre tchèque et français. Puisque nous n’avons pas pu faire venir le spectacle, nous avons invité Marta Ljubkova et Daniel Špinar, qui sont respectivement la dramaturge et programmatrice en chef et le directeur artistique du Théâtre National de Prague. Ils participeront à une discussion ce vendredi au Centre tchèque à Paris qui portera sur la mission des théâtre nationaux. Didier Juillard, qui est le directeur de la programmation du Théâtre de l’Odéon, et Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre national de Bretagne, seront également présents. »
« Nous avons aussi préparé la mise en lecture de deux nouvelles pièces thèques qui ont été récemment traduites en français : ‘La Communauté de propriétaires’ de Jiří Havelka, qui a rencontré un grand succès en République tchèque, et ‘De la poussière d'étoile’ de Lenka Lagronová. Et parallèlement nous proposons aussi la projection du film ‘Lucie’ de Bohdan Karásek, qui est inédit en France. »
L’objectif du festival étant de promouvoir le théâtre tchèque, quel bilan avez-vous tiré de ses deux premières éditions ?
« On perçoit un intérêt pour les auteurs tchèques un peu plus important qu’avant. Je peux citer par exemple David Košťák, qui avait présenté sa pièce lors de la première édition, qui coopère régulièrement avec le Théâtre ouvert. Plus généralement, les choses progressent peu à peu parce que le théâtre tchèque reste mal connu en France, à part peut-être pour Václav Havel et Petr Zelenka. Pour le reste, en termes de spectacles, la France reste un terrain inédit. »
« Lors de l’édition précédente, nous avions présenté le théâtre Na zábradlí avec un spectacle de Jan Mikulášek, qui est un des metteurs en scène tchèques actuels clefs, et la réception par le public et les professionnels avait été très bonne. C’est donc une direction dans laquelle nous entendons poursuivre lors des prochaines éditions. »
Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile pour convaincre le public français ?
« Il faut d’abord avoir à l’esprit que toutes les cultures du monde sont rassemblées en France et que la culture tchèque n’est qu’une des cultures de l’Europe de l’Est. Très souvent, quand je propose une pièce tchèque dans un théâtre français, on me répond qu’une pièce russe, par exemple, a déjà été présentée. Nous sommes donc rangés dans le sac qui regroupe toutes les cultures slaves, c’est comme ça. Ce n’est pas facile d’expliquer que nous sommes une culture spécifique et différente. »
« Et pour ce qui est de l’approche de la création théâtrale, il faut dire aussi qu’il y a un rapport au langage différent en République tchèque, où on s’exprime plus directement dans les pièces. Ce n’est pas là quelque chose qui ‘parle’ à tous les metteurs en scène en France. »
Vous organisez également un festival du théâtre français en République tchèque – Mange ta grenouille. Est-ce moins compliqué ?
« Notre mission est de chercher un type de théâtre et d’écriture susceptible de ‘parler’ dans les deux cultures et les deux pays. Très souvent, les comédies de boulevard sont traduites et présentées en République tchèque. Mais à part ça, l’écriture qui est traduite se joue assez peu parce que ce sont des textes dans lesquels on parle beaucoup, et cela peut créer une distance avec les créateurs tchèques. »
« C’est la raison pour laquelle nous nous efforçons de choisir des textes qui sont ‘entre les deux’ lorsque nous préparons le programme pour le festival à Prague. Il faut que ce soit quelque chose qui apporte du nouveau à la culture et au théâtre tchèques sans être complètement étranger à notre mentalité. »
Pour tout savoir, en français et en tchèque, sur la 3e édition du festival :