Un architecte tchèque est rentré le 6 août 1945 dans l'histoire japonaise
La ville de Hiroshima, au Japon, se recueillait ce mardi à la mémoire des centaines de milliers de personnes disparues lors de l'explosion de la bombe atomique larguée par les « Boys » américains le 6 août 1945. L'occasion de rappeler que ce jour-là, à proximité de l'épicentre de la détonation, un seul et unique bâtiment tint sur ses fondations. Cet édifice symbôle, proclamé depuis par les Japonais monument historique, est l'oeuvre d'un architecte tchèque, Jan Letzel. Guillaume Narguet vous retrace un destin hors-du-commun.
Si l'on sait que le nom de Vera Caslavska, gymnaste enchanteresse des Jeux olympiques de Tokyo en 1964, s'est gravé pour l'éternité dans la conscience collective japonaise, on sait en revanche beaucoup moins qu'un second patronyme, celui de l'architecte Letzel, Jan de son prénom, évoque pour les Japonais également la République tchèque. Eu égard au fait que la majorité de ses idées et plans se concrétisèrent au Pays du soleil levant, on ne s'étonnera guère de constater que pendant longtemps, dans son propre pays, Letzel resta gardé au fin fond des oubliettes et qu'encore aujourd'hui, il fasse presque figure de parfait inconnu. Pourtant, la vie de ce propagateur de visions nouvelles dans le style art-nouveau du début du XXème siècle est encore source de recherches et d'intérêt pour les experts japonais.
Jan Letzel, après une série de déceptions en Tchécoslovaquie, puis un intermède en Egypte, décide en 1907 de tout quitter et de rejoindre le Japon en quête de reconnaissance. A ses débuts, il représente une entreprise de construction française, mais très vite, il monte son bureau de projection à Jokohama et Tokyo. Commence alors une période dorée. Une quarantaine de constructions, hôtels, résidences, palais administratifs ou encore églises sont réalisées selon ses plans. Surtout, elles connaissent un succès rare. Leurs carcasses en fer et béton résistent aux tremblements de terre et son style tardif art-nouveau provoque l'admiration. Peut-être aussi parce que cet apport européen fut à l'origine influencé par la culture orientale. Son Palais de l'industrie à Hiroshima est considéré, par Letzel lui-même, comme le joyau de sa collection. Lors de la tragédie nucléaire, seul le squelette métallique résiste au choc. En 1995, le gouvernement japonais, après l'avoir rebaptisé Dôme de l'Orient atomique et classé monument historique, fit la demande, couronnée de succès, auprès de l'UNESCO pour que le bâtiment, situé dans le Parc de la paix de Hiroshima, fasse partie de sa Liste du patrimoine culturel mondial.