Un buste de Guillaume Apollinaire rappelle son passage à Prague
Jeudi dernier un buste du poète Guillaume Apollinaire a été inauguré dans le passage du Théâtre Archa, à Prague, à l’occasion des 110 ans de son passage à Prague. Un séjour unique mais qui a laissé bien des traces dans les pays tchèques. Le buste est l’œuvre du sculpteur autrichien Heribert Maria Staub. Pour parler du lien entre Apollinaire et la Bohême, Radio Prague a interrogé Aleš Pohorský, professeur à l’Université Charles, spécialiste de la poésie française.
Pouvez-vous rappeler les conditions dans lesquelles il s’est rendu à Prague en 1902 ?
« Il était en Rhénanie, précepteur de Français dans une famille allemande. La famille était partie en excursion vers Munich en compagnie d’une gouvernante anglaise. Apollinaire, qui était un jeune homme de 22 ans, avait succombé aux charmes de l’Anglaise. Il faut préciser que l’Anglaise n’a pas succombé à ceux d’Apollinaire. Cela s’est mal terminé. A Munich, c’est la séparation définitive. Apollinaire décide de changer d’air, il va à Dresde, traverse la frontière et arrive à Prague. On est en mars 1902. »
Il se loge dans un hôtel situé dans la rue Na Poříčí, c’est là où se trouve aujourd’hui le buste, même si l’hôtel n’existe plus…« Apollinaire descend du train, cherche un hôtel pas cher, demande conseil au premier venu, un Allemand, qui lui, ne parle pas allemand, ce qui me paraît improbable. Le cinquième passant lui dit : ‘Monsieur, vous pouvez parler français’. Apollinaire est évidemment très content et se retrouve dans cet hôtel. Apollinaire fait un petit séjour mais voit beaucoup de choses. »
Et de ce séjour est née l’une de ses œuvres connues, Le Passant de Prague.
« Le Passant de Prague est un récit, une prose faisant partie de L’Hérésiarque et Compagnie. Ce texte avait été traduit en tchèque rapidement. Evidemment les Tchèques ont été flattés par la présence de leur capitale dans ce récit. C’est devenu très vite un texte célèbre. En même temps, Les Mamelles de Tirésias ont été mises en scène. Enfin, son poème emblématique, Zone, parle aussi de Prague. »Il faut rappeler que ce poème a été traduit immédiatement par Karel Čapek…
« C’est cela. Il a été publié en 1919, mais déjà traduit pendant la guerre. A ma connaissance, c’est la première traduction de Zone dans une langue étrangère. »
Comment décririez-vous ce buste de Guillaume Apollinaire ? Que vous évoque-t-il ?
« C’est un homme blessé. Apollinaire avait été blessé pendant la guerre. Mais il était blessé également par sa propre mélancolie, c’était un homme mélancolique. Cette sculpture en bronze montre bien, je trouve, ce côté douloureux d’Apollinaire. »Comment expliquez-vous qu’Apollinaire ait autant marqué l’avant-garde tchèque ?
« Pour des raisons objectives : l’importance de Paris, notamment, était indiscutable. Deuxièmement, pour des raisons subjectives : les sympathies des Tchèques pour la France, pour des raisons nationales et autres. Tout cela passait par la France pour se démarquer de la présence autrichienne ou germanique. »