Un « médecin des arbres » élu Oiseau de l’année 2017 en République tchèque
Appelé « datel černý » en tchèque, le pic noir a été récemment désigné « Oiseau de l’année » 2017 en République tchèque. Surnommé « le médecin des arbres », cet oiseau forestier au plumage noir et à calotte rouge succède ainsi au rouge-gorge ou encore au grèbe à cou noir, les espèces retenues les deux années précédentes.
« Avec BirdLife Suisse, nous avions déjà élu le pic noir oiseau de l’année en 2011, en lien avec notre campagne sur la biodiversité dans les forêts. C’est vrai que le pic noir est un bon symbole et un emblème des forêts riches en bois mort. Il a aussi besoin de gros et de vieux arbres, notamment des hêtres, pour pouvoir creuser sa cavité. Sa présence est donc un très bon indicateur de forêts riches en biodiversité. »
C’est un oiseau que l’on présente comme le médecin des arbres…
« Oui, c’est un peu paradoxal. D’un côté, il s’attaque aux arbres puisqu’il recherche sa nourriture sous les écorces, et fait sa loge - c’est à dire sa cavité -, à l’intérieur du tronc des arbres, ce pour quoi il a un bec extrêmement adapté et puissant pour les perforer. Mais il va surtout s’attaquer aux arbres qui dépérissent, ceux-ci étant plus riches en nourriture. Autre élément particulièrement intéressant : le pic noir est aussi une espèce ‘parapluie’, c’est-à-dire qu’en sa présence, toute une série d’espèces vivront aussi dans la forêt. Ses cavités peuvent être utilisées par une soixantaine d’espèces d’animaux : les bourdons, les guêpes, les frelons ou encore les mammifères comme la martre. On dit qu’il est ‘parapluie’ car sous son abri et grâce à son travail, de nombreuses espèces sont favorisées. »Le bois mort reste un bois vivant
On peut donc dire que le pic noir a un rôle clef dans l’écosystème forestier. En le désignant oiseau de l’année, s’agit-il d’informer le public sur la nécessité de protéger les arbres et de laisser le bois mort, ce qui n’est pas toujours le cas ?
« Oui, exactement. Il y a certainement davantage de bois mort dans les forêts tchèques qu’en Suisse. Il est particulièrement précieux, car il est vivant… On ne devrait d’ailleurs pas l’appeler bois mort. Bien sûr, ce n’est plus que de la matière organique, mais cette matière nourrit énormément de champignons, d’insectes et d’invertébrés, rendant ainsi la forêt beaucoup plus riche en espèces. On sait que les densités de pics noirs sont bien supérieures à partir de 200 mètres cubes de bois mort par hectare en forêt, un objectif que nous devrions viser pour avoir des forêts bien équilibrées. Je précise que la biodiversité n’exclue pas l’exploitation économique de ces forêts. Les deux peuvent cohabiter, mais cela implique une collaboration avec les forestiers, ce que nous avons entrepris en Suisse, pour essayer de faire changer quelque peu les mentalités, et considérer les arbres autrement que comme du bois à exploiter. Il est extrêmement important de les laisser vieillir, d’avoir une proportion d’arbres dépérissant, morts sur pied, ou de bois mort au sol dans nos forêts. »Certaines années, les ornithologues choisissent une espèce d’oiseau en particulier parce qu’elle est menacée et que ses populations diminuent, à l’image du moineau, un oiseau très commun. Le pic noir est-il une espèce menacée ? Fait-il l’objet d’une protection particulière ?
« La Suisse regroupe sur son petit territoire 4 000 à 5 000 groupes, il n’y a pas de menace avérée sur cet oiseau, les densités sont correctes dans certaines forêts. Par contre, c’est évidemment une espèce protégée par la loi, il est interdit de la chasser, donc on constate une certaine stabilité de sa population. Des mesures existent aussi pour préserver ou développer des ilots de sénescence, des ilots de vieux bois. Alors que le pic noir habitait autrefois entre 700 et 1 300 mètres d’altitude, on observe une augmentation de pics noirs qui fréquentent dorénavant des forêts de basse altitude en Suisse. En Tchéquie, j’imagine aussi qu’il est bien présent, car j’ai régulièrement vu le pic noir dans des forêts de hêtres, ou même dans les forêts de résineux, lors de mes voyages dans les pays voisins. C’est donc une espèce qui est encore bien présente et qu’il faut favoriser et protéger. »Une cigogne noire tchèque fait halte en Suisse
En Suisse, on a récemment beaucoup parlé d’un oiseau provenant de la République tchèque, certes différent du pic noir, mais de plumage noir également. Quel était cet oiseau ?
« C’est une nouvelle très récente. Nous avons pu observer effectivement une cigogne noire baguée en Tchéquie. Nous avons contacté la station ornithologique suisse responsable du bagage, qui a appelé son homologue tchèque. Ainsi, nous avons pu savoir que la cigogne avait été baguée en août 2006 dans un nid d’une forêt tchèque. C’était une belle surprise pour nous de voir que cet oiseau, après de longs déplacements durant ces dix dernières années, a pu se retrouver en plein hiver en Suisse, un phénomène assez rare car les cigognes noires partent habituellement en migration jusqu’en Afrique pour passer l’hiver. C’était une belle surprise de voir cet oiseau bagué en Tchéquie non loin de notre centre nature, dans la plaine de la Broye en Suisse. Il semblait en pleine santé, et dorénavant, il est très certainement sur la route du retour en direction de la Tchéquie pour se reproduire dans l’une des belles forêts de ce pays. »S’agissait-il d’un oiseau égaré ?
« Je ne pense pas qu’il était égaré, mais avec le réchauffement climatique, les oiseaux comme les cigognes ont tendance à ne plus aller forcément jusqu’en Afrique. Et puis il existe quand même un flux de migration entre la Suisse et les pays d’Europe de l’Est, donc il s’agit d’une voie de migration tout à fait classique. Ils doivent faire des haltes, ils ne peuvent pas voyager d’une traite jusqu’en Afrique, surtout lorsqu’il n’y a pas de bonnes conditions thermiques, car les cigognes sont des grands planeurs qui ont besoin de courants thermiques pour pouvoir se déplacer. Plusieurs oiseaux en provenance des pays de l’Est ont été retrouvés ou ont séjourné en Suisse durant leur migration. »