Un nouveau mammifère détecté sur le territoire tchèque : la musaraigne musette

La musaraigne musette

Une espèce de musaraigne jusqu’ici non détectée en Tchéquie a été répertoriée par des chercheurs près de la frontière allemande. La chercheuse française Joëlle Goüy de Bellocq fait partie de l’équipe de scientifiques de l’Institut de biologie des vertébrés et de l’Académie tchèque des sciences qui ont fait cette nouvelle découverte :

Joëlle Goüy de Bellocq | Photo: Institut de biologie des vertébrés de l’Académie tchèque des sciences

Joëlle Goüy de Bellocq : « En faisant du terrain l’année dernière pour capturer des souris – parce que j’étudie la diversité des virus de souris dans les zone hybrides en Tchéquie – on a capturé par hasard des musaraignes et en les regardant de plus près on s’est rendu compte qu’il y avait parmi elles une espèce qui n’était pas encore connue en Tchéquie, la musaraigne musette ou crocidura russula en latin. En fait les mammalogistes tchèques anticipaient qu’elle allait arriver sur le territoire tchèque car elle avait été détectée en Allemagne voisine mais c’est la première fois qu’elle a été détectée en Tchéquie. »

Ce sont des pièges installés à l’Ouest du pays, vers Cheb et Karlovy Vary, qui ont permis cette découverte, c'est bien ça ?

« Oui, parce qu’il y a une zone de contact entre deux sous-espèces de souris domestique qui passe exactement dans cette région et qui est vraiment très intéressante au niveau évolutif, une zone de contact et d’hybridation entre espèces – et cette zone se trouve dans l’Ouest du pays. »

Combien de musaraignes avez-vous détectées ?

« On a piégé quatre espèces de musaraignes, certaines courantes en Tchéquie et cette nouvelle espèce. »

« Il se pourrait que le changement climatique aide cette espèce à étendre son champ de répartition »

Le fait de détecter cette nouvelle espèce est-il lié au changement climatique ?

« On ne sait pas exactement mais quand on regarde les études publiées par d’autres chercheurs, notamment en Allemagne, il semblerait que pendant les étés chauds de ces dernières années cette espèce de musaraigne envahit facilement des villes au dépens d’autres espèces donc il se pourrait que le changement climatique aide cette espèce à étendre son champ de répartition. C’est une hypothèse intéressante à tester. »

L’équipe de scientifiques qui ont fait la découverte | Photo: Institut de biologie des vertébrés de l’Académie tchèque des sciences

Vos recherches vont-elles désormais essayer de voir quel impact a l’arrivée de cette nouvelle espèce sur la vie animale dans cette région ?

« Exactement. Depuis qu’on a trouvé cette musaraigne musette on a contacté le musée de Karlovy Vary et on a obtenu le financement d’un petit projet régional par l’Académie des sciences et on va répertorier les espèces de musaraignes dans la région et étudier pendant trois ans l’avancement de cette nouvelle espèce – si son aire de répartition s’étend et si c’est le cas dans quelle mesure elle engendre le déplacement des espèces déjà présentes sur places. Ce projet va démarrer sur le terrain fin septembre. »

Musaraigne musette | Photo: Matthieu Berroneau,  Académie des Sciences

Etudier l'impact de l'arrivée de cette musaraigne musette

Cette musaraigne musette a été détectée il y a une quinzaine d’années en Irlande et effectivement elle aurait menacé l’existence d’autres espèces, dont la musaraigne pygmée…

« Oui, cette musaraigne musette a été répertoriée en Irlande vers 2007, probablement introduite par l’homme, et là où elle s’étend en fait la musaraigne pygmée disparaît. Quand on voit ce genre de cas-là il est important de voir ce qui va se passer en Tchéquie et voir quel sera l’impact de l’arrivée de la musaraigne musette. »

Musaraigne bicolore,  l'éspece locale en Tchéquie | Photo: Werner Korschinsky,  Wikimedia Commons,  public domain

En quoi va consister concrètement votre travail de terrain cet automne ?

« On va piéger et répertorier, avec une méthode non invasive et des pièges qui permettent de capturer les animaux vivants et de les relâcher. On va analyser les espèces qu’on trouve, comparer les habitats des différentes espèces. Il semble que la musaraigne musette a été détectée seulement dans des petits villages, il est donc possible que son arrivée soit liée à la présence de l’homme et qu’elle n’est pas présente dans des habitats plus naturels. On va explorer tout ça à l’automne. »