Un opéra au Théâtre national évoque le procès de Milada Horáková
Le sort de Milada Horáková, victime d’un procès stalinien des années cinquante, ne cesse de fasciner toujours de nouvelles générations des Tchèques. Son procès n’est pas évoqué que dans les livres d’histoire, mais souvent aussi dans la presse, à la télévision et à la radio. Mercredi aura lieu au Théâtre Kolowrat, une des scènes du Théâtre national de Prague, la première d’un opéra inspiré par cet assassinat politique qui reste une des pages les plus exécrables de l’histoire de la justice tchèque.
C’est une critique redoutable de leur régime que les communistes condamnent pour haute trahison dans un procès manipulé et exécutent le 27 juin 1950. Ils ne peuvent pas tolérer que Milada Horáková ait su dévoiler leurs ambitions totalitaires. Plus d’un demi-siècle après, le procès revivra sur la scène du théâtre Kolowrat grâce à la grande cantatrice tchèque Soňa Červená dans un spectacle situé à mi-chemin entre l’opéra et l’action scénique. Le compositeur Aleš Březina, auteur de cette oeuvre insolite, évoque les circonstances ayant précédé sa création.
«D’abord c’était l’idée d’engager pour la scène du Théâtre national la cantatrice légendaire Soňa Červená. Jiří Nekvasil, qui était à cette époque directeur de l’ensemble lyrique du théâtre a demandé à Soňa Červená de lui proposer une oeuvre qui permettrait à cette artiste de revenir sur la scène. Ainsi Soňa m’a demandé si je pouvais créer un opéra pour elle. (…) Et, très tôt, nous nous sommes mis d’accord que cet opéra devrait être créé autour de la personnalité de Milada Horáková et de son procès.»
Aujourd’hui, Soňa Červená cherche à minimiser sa contribution à ce projet hors du commun, mais elle ne peut pas nier que sans elle il n’aurait sans doute jamais été réalisé :
«Je ne considère pas cet opéra comme un nouveau trophée personnel parce que cela n’a pratiquement rien à voir avec moi. La seule chose dont j’ose être fière est le fait d’avoir été, avec Aleš Březina et Jiří Nekvasil, co-initiatrice de ce projet. A part cela je suis humble et toute résignée à la volonté de Dieu. Je suis pleine de doutes sur moi-même et pleine d’admiration pour Milada Horáková.»
Evidemment, le spectacle n’est pas la transcription des actes d’un procès. Les personnages de cette sombre affaire sont campés à tour de rôle par des chanteurs, dont un contre-ténor, et le chœur. Un rôle important est joué par un choeur d’enfants. Qu’est-ce que le procès de Milada Horáková dit aux jeunes qui participent à cette production ? Quelle est leur attitude vis-à-vis de cette histoire et des aberrations d’une époque qu’ils n’ont pas pu connaître ? Aleš Březina :
«Ils ont été très vite captivés par ce thème. (…) Je crois que le chef d’orchestre qui a préparé cette production, Mirko Ivanović, a très bien exprimé ce qui les a tous intrigué, en disant que ce qui est intéressant pour lui, ce n’est pas le conflit entre les communistes et les non-communistes mais un thème beaucoup plus général, celui du combat entre le pouvoir absolu et le pouvoir moral.»
Le metteur en scène Jiří Nekvasil a installé entre la scène et les spectateurs un miroir transparent. Le miroir réfléchira de temps en temps l’image du public dans la salle, image qui sera mêlée avec l’action scénique pour rappeler au public actuel que la valeur du sacrifice de Milada Horáková est intemporelle.