Un pas en avant dans la lutte pour sauver le rhinocéros blanc du Nord en voie d'extinction

Les derniers rhinocéros blancs du Nord Fatu et Nájin dans la réserve d’Ol Pejeta au Kenya

Une équipe de scientifiques du consortium BioRescue dirigée par le Safari Park de Dvůr Králové nad Labem en Tchéquie a créé des cellules germinales dites primordiales à partir des cellules souches du rhinocéros blanc du Nord – une étape importante pour sauver l’espèce en voie d’extinction.

Sudán dans la réserve d’Ol Pejeta en 2010 | Photo: Lengai101,  Wikimedia Commons,  CC BY 3.0

En 2018, mourait Sudan, dernier représentant mâle des rhinocéros blancs du Nord, et surtout dernier espoir de conservation de l’espèce en voie d’extinction. Avant de rendre son dernier souffle dans la réserve d’Ol Pejeta au Kenya, il avait passé 33 ans en République tchèque, au zoo de Dvůr Králové nad Labem, très engagé dans la préservation de ces grands mammifères.

Depuis, les maigres espoirs qui subsistent pour sauver cette espèce sont dans les mains de la science. Le consortium BioRescue vient d’annoncer une avancée majeure sur ce point : la création de cellules germinales primordiales à partir de cellules souches pluripotentes induites du rhinocéros blanc du Nord. Cette étape a été menée par des spécialistes de l’Université d’Osaka, au Japon, et n’a jamais été atteinte chez les grands mammifères auparavant.

Le zoo de Dvůr Králové est le fer de lance de l’effort international pour sauver ces rhinocéros. Jan Stejskal nous en dit plus :

Sebastian Diecke et Vera Zywitza du centre Max Delbrück de Berlin | Photo: Jan Zwilling,  BioRescue/Zoo Dvůr Králové

« Ce qu’il faut pour sauver le rhinocéros blanc du Nord, c’est produire des embryons, et il y a deux façons d’y parvenir. La première consiste à recueillir les ovules des dernières donneuses vivantes qui se trouvent actuellement au Kenya et la seconde à produire des ovules par reprogrammation des tissus in vitro. Nous avons commencé à travailler sur la production d’œufs en laboratoire il y a des années. La première étape a consisté à dériver des cellules souches pluripotentes induites à partir d’un échantillon de tissu. Cela a été réalisé au centre Max Delbrück de Berlin. Aujourd’hui, nos collègues d’Osaka ont fait une autre percée. Ils ont réussi à créer des cellules germinales primordiales à partir de ces cellules souches pluripotentes induites. C’est donc un pas de plus, et un pas très important, sur la voie de production d’ovules en laboratoire. »

Les chercheurs se sont basés sur des travaux effectués sur des souris. En 2016, des cellules germinales primordiales ont ainsi été créés,  puis des souris ont été fécondées en laboratoire avant de donner naissance à une progéniture saine. Dans le cas des rhinocéros blancs, les scientifiques japonais ont collaboré avec des collègues de plusieurs institutions scientifiques européennes.

Jan Stejskal avec Fatu | Photo: Ami Vitale

Aujourd’hui, Najin, 33 ans, et sa fille Fatu, deux femelles issues du zoo de Dvůr Kralové, sont les derniers rhinocéros blancs du Nord encore en vie sur la planète. La femelle Fatu est la seule donneuse d’ovocytes naturels restants et le programme ne dispose que de sperme congelé provenant de quatre mâles seulement – et certains de ces mâles sont génétiquement étroitement liés à Fatu.

Masafumi Hayashi de l’Université d’Osaka | Photo: Antony Mwangi,  BioRescue/Zoo Dvůr Králové

« En effet, il ne reste plus que deux dernières femelles vivantes, Najin et Fatu. Malheureusement, Najin ne fournit plus d’ovocytes ou d’œufs d’une qualité suffisante pour créer des embryons. Cela signifie qu’il ne nous reste qu’une seule femelle. Jusqu’à présent, nous avons créé 23 embryons. Mais si l’on regarde la variabilité génétique de ces embryons, elle n’est pas suffisante pour établir une population. Si nous apprenons à fabriquer des ovules et des spermatozoïdes par la technique des cellules souches associées, cela nous permettra d’utiliser le matériel génétique de 12 individus. Avec 12 individus, nous aurons une variabilité génétique suffisante pour établir une nouvelle population. C’est donc l’un des résultats positifs de la dernière réalisation d’Osaka. L’autre résultat est que, lorsque nous aurons appris à fabriquer ces embryons, nous pourrons en faire beaucoup plus pour les transferts d’embryons. »

Katsuhiko Hayashi de l’Université d’Osaka | Photo: Anthony Mwangi,  BioRescue/Zoo Dvůr Králové

Selon les scientifiques, une fois que la création de gamètes artificiels sera réussie, ils pourront mettre en œuvre le même type des procédures qu’ils effectuent avec des gamètes naturels. Comme pour les ovocytes obtenus à partir de Fatu et les spermatozoïdes décongelés à partir d’échantillons, les ovules et les spermatozoïdes créés artificiellement seront fécondés in vitro en laboratoire. Les embryons créés seront conservés dans de l’azote liquide jusqu’à ce qu’ils puissent être confiés à une mère porteuse, parce qu’aucune des femelles du rhinocéros blanc du Nord n’est capable de mener une grossesse à terme.

Avec les rhinocéros dits « noirs » et les rhinocéros blancs du Sud, les rhinocéros blancs du Nord forment l’une des trois familles de rhinocéros africains. Malheureux propriétaires d’une corne qui se revend plus chère que l’or, cette espèce, qui vivait entre le Tchad, la Centrafrique et la République démocratique du Congo a été décimée par le braconnage.