Un portrait de Rodolphe II
Une exposition Praga Magica 1600 se déroule, jusqu'à la mi-décembre, à Dijon, dans le cadre de la Saison tchèque en France. Elle présente la culture tchèque à l'ère du règne de Rodolphe II, empereur du Saint empire romain et roi de Bohême et de Hongrie, sur le trône tchèque de 1576 à 1611. Arrêtons-nous sur cette figure incontournable de notre histoire.
Sur le trône de Bohême, l'empereur Rodolphe II s'est fait remarquer surtout comme garant des libertés religieuses. A la fin du 16ème et au début du 17ème siècle, le royaume de Bohême a été un pays divisé politiquement et religieusement. L'empereur, soutenu par le parti catholique, avait contre lui une opposition d'Etats tchèques protestants. Lorsqu'en 1609, Rodolphe II de Habsbourg signe la Lettre de Majesté instituant la tolérance religieuse, le pays connaît également une consolidation politique. Et pourtant, le règne de Rodolphe II est souvent considéré comme le début de la décadence de la dynastie catholique des Habsbourg. Son règne s'est terminé par un échec, son abdication. Huit ans après sa mort, la bataille de la Montagne Blanche marque la défaite des Etats tchèques.
Rodolphe II, une personnalité controversée, qui préférait ses collections artistiques aux obligations de l'homme d'Etat, est souvent caractérisé comme un homme bizarre, un souverain incapable, un fou sur le trône. D'autres historiens, par contre, sont d'un autre avis. Dans son tout récent livre "La tragédie humaine de Rodolphe II par les yeux des contemporains", le président de l'Association d'historiens en République tchèque, Jaroslav Panek, le décrit comme un intellectuel sur le trône, qui portait en soi déjà le conflit des temps modernes. Le conflit justement de la mise en doute de la tradition catholique qui cède la place au maniérisme, dont Rodolphe II était le plus important représentant. Le sentiment de sécurité et d'harmonie, caractéristique de la Renaissance, a disparu, le monde paraissait comme un labyrinthe de voies indistinctes. Le maniérisme représente l'incertitude, la fuite de la réalité et un scepticisme. De ce point de vue, la personnalité de Rodolphe II cumulait en soi cette expérience.
Dire que Rodolphe II avait un rapport plutôt tiède avec la religion et que, pour cette raison, les concessions faites en faveur des Etats tchèques évangéliques n'avaient pas une si grande importance pour lui, ne serait pas juste. Par son origine, sa tradition, son soutien de l'Espagne catholique et de la cour papale, Rodolphe ne pouvait pas être partisan des liberté évangéliques. Or dans chaque situation, il cherchait un équilibre. Pour cette raison, il ne s'est pas opposé ouvertement aux Etats tchèques, dans le but d'éviter un conflit ouvert, risquant de se transformer en une guerre. En 1609, l'empereur Rodolphe II a signé la fameuse Lettre de Majesté aux termes de laquelle la liberté religieuse était garantie dans les pays tchèques, non seulement à la noblesse et à la bourgeoisie, mais aussi aux simples sujets. Mais, si Rodolphe a signé cette lettre de Majesté, légalisant la confession évangélique, il n'a pas, par contre, accompli une autre revendication des Etats tchèques, celle de prendre entre leurs mains le pouvoir exécutif qui continuait à être gardé par des catholiques. Ce comportement de souverain habile contraste avec le diagnostic des médecins, hélas univoque: les dernières années de sa vie, Rodolphe souffrait de la psychose maniaco-dépressive, dont il est cependant aujourd'hui difficile d'établir à quel point elle influait sur le mode de son règne. Les informations les plus vraies sur l'état de santé de Rodolphe proviennent de la part des ambassadeurs qui devaient souvent attendre des semaines, avant d'être reçus par lui. Les périodes de mélancolie et de tristesse alternaient avec des accès de rage, mais en public, Rodolphe agissait comme un homme timide.
La plus grande fierté de Rodolphe, c'était sa générosité envers les artistes. Au Château de Prague, l'empereur a réuni les oeuvres des meilleurs artistes des trois plus importants centres de renaissance tardive: l'Italie, les Pays-Bas et l'Allemagne du sud. Sous son règne, Prague a retrouvé sa position de ville européenne. A la période de la Renaissance nationale tchèque, au 18ème siècle, Prague a payé sa dette envers "le Habsbourg bien aimé", en plaçant au front de la façade du Musée National le buste de Rodolphe II au voisinage direct du roi Venceslas II et de l'empereur Charles IV.