Un spectacle tchéco-chinois sur la liberté humaine à Avignon
Ce mardi aura lieu la première française du spectacle tchéco-chinois Ordinary People au Théâtre Benoît-XII à Avignon. Cette mise en scène du théâtre pragois Archa signe le grand retour d’une création tchèque dans le programme officiel du Festival d’Avignon, après dix-sept ans d’absence.
Projet commun du théâtre Archa et du Living Dance Studio, Ordinary People a été monté à quatre mains par la metteuse en scène tchèque Jana Svobodová et la chorégraphe chinoise Wen Hui. Le spectacle combine les principes du théâtre documentaire et de la danse, et joue avec les technologies d’aujourd’hui, intégrant un vidéo-mapping interactif, des effets lumineux et une bande-son créée sur mesure. Sur scène, acteurs et performeurs sont aussi ceux qui animent et déplacent les éléments de mise en scène, au vu et au su des spectateurs.
Associées pour « faire entendre la voix de ceux qui en sont dépourvus », Jana Svobodová et Wen Hui cherchent à montrer le caractère exceptionnel des gens normaux. Ces gens ordinaires, donc, qui sont ceux qui font les frais des excès des régimes totalitaires : l’expérience croisée du communisme en Chine et en Tchécoslovaquie permet aux créatrices du spectacle de parler des corps et des âmes malmenées par l’Histoire.
Au micro de notre collègue de la station Vltava, Veronika Štefanová, la réalisatrice Jana Svobodová a révélé combien l’actualité était aussi partie prenante de cette création théâtrale :« Un des moments cruciaux pour la naissance de ce spectacle a été la visite du président Miloš Zeman en Chine. Rien de cela n’apparaît d’ailleurs dans le spectacle mais là-bas, dans le cadre d’une conférence de presse, il a déclaré être venu en apprendre davantage en Chine sur les droits de l’Homme. Et bien entendu, développer les affaires. Quand Wen et moi avons entendu cela, de manière tout à fait indépendante, nous nous sommes demandées : mais pour qui parlent les hommes politiques ? Qui sont, pour eux, les gens ordinaires ? Ce spectacle est une réponse à cette question : nous nous demandons qui sont ces gens ordinaires quand ils se retrouvent dans des situations de vie particulières, par exemple, lorsqu’il ne peuvent pas s’exprimer ou agir comme ils le veulent. Ce spectacle s’appelle certes Ordinary People, mais pour moi c’est avant tout un spectacle sur le besoin fondamental de la liberté humaine. »
La mise en scène est à l’image du miroir proposé par la mise en parallèle des destins de ces gens ordinaires, de Tchéquie ou de Chine : elle tente de faire le lien entre deux mondes esthétiques, culturels et politiques différents :« Quand je réfléchis à notre monde actuel, à ce qui peut être source d’espoir, je pense que sa diversité et la capacité de comprendre les différences sont peut-être la seule manière que nous avons de vivre ensemble sur cette planète. Toute tentative d’unification ne mène à rien selon moi. Nous travaillons avec ce principe de la diversité et de l’incompréhension mutuelle. Nous parlons différentes langues sur scène : le chinois, le tchèque, et à Avignon, le français va faire aussi son apparition. Paradoxalement, ce jeu sur les différences crée un espace de communication. »
La sélection d’Ordinary People dans la programmation officielle du Festival d’Avignon est, comme s’en félicitait récemment le directeur du théâtre Archa à Prague, un vrai succès pour le théâtre tchèque dans son ensemble, alors qu’aucune mise en scène n’avait été choisie pour le « In » depuis dix-sept ans. Le spectacle est à voir dans la Cité des Papes jusqu’au 23 juillet prochain.