Un téléfilm pour faire revivre le réformateur Jan Hus et son héritage
Cette année, 600 ans se sont déroulés depuis le martyr du réformateur Jan Hus, mort sur le bûcher à Constance le 6 juillet 1415. De nombreux événements commémorent cet anniversaire. La Télévision tchèque propose à partir du 29 mai une série en trois épisodes retraçant le destin de Jan Hus, un projet ambitieux réalisé en coproduction avec la chaîne franco-allemande Arte.
A Prague, Jan Hus traduit ses œuvres, et s’interroge sur le rôle de l’Eglise, le rapport du croyant à Dieu et forge peu à peu sa propre théologie, insistant sur la nécessité d’un retour à l’Eglise apostolique, pauvre et spirituelle, contre les excès d’une Eglise qu’il considère comme corrompue. Un retour aux sources qui nécessite une réforme de fond pour retrouver cette Eglise des origines. Très vite, Jan Hus est sommé de s’expliquer par les autorités catholiques. Ses idées lui vaudront son excommunication, et décidé à ne pas renier ses thèses, il sera condamné au bûcher à Constance le 6 juillet 1415.
Aujourd’hui, avec la trilogie que le réalisateur Jiří Svoboda a préparée pour la Télévision tchèque, l’ambition affichée est de présenter le réformateur Jan Hus, non seulement comme une personnalité incontournable et fondatrice pour l’histoire tchèque, mais aussi au-delà des frontières du pays et des limites de son époque :« Jan Hus est en quelque sorte un défi éthique pour notre monde actuel. Selon moi, c’est une personnalité importante et pas seulement pour les Tchèques, contrairement à la façon dont nous l’avons considéré jusqu’à présent. C’est une personnalité d’importance européenne. La preuve, la chaîne Arte a coproduit le film. En outre, nous allons avoir une première à Constance, et le directeur d’Arte m’a dit lui-même combien Hus était important pour l’Allemagne, la Suisse et la France. Avec la scénariste, Eva Kantůrková, nous avons essayé de comprendre le personnage de Hus à la fois dans sa dimension européenne et en tant que pilier de l’identité nationale tchèque. »
Et pour que cette image de Jan Hus soit complète, les créateurs du film se sont efforcés de le représenter au plus près de ce que ce personnage aurait pu être, sans chercher à l’idéaliser, comme le précise encore Jiří Svoboda :
« J’ai essayé de le représenter en tant qu’homme, en tant qu’être humain. J’ai choisi le comédien Matěj Hádek pour interpréter ce rôle parce que son âge correspond à celui de Jan Hus à l’époque. Lorsqu’il est monté sur le bûcher, Jan Hus avait 44 ans. C’était donc un homme relativement jeune, dans la force de l’âge. Evidemment, il y a une grande différence entre vivre une expérience comme celle-ci lorsqu’on est en fin de vie ou lorsqu’on est encore actif, qu’on a la vie devant soi et qu’on a des objectifs à atteindre. »L’histoire de Jan Hus, considérée comme un des fondements de l’histoire tchèque, a été racontée maintes fois, notamment par l’écrivain Alois Jirásek, au XIXe siècle, mais aussi par un film d’Otakar Vávra, datant de 1954, un long-métrage qui a fait date, entre autres pour la récupération politique faite par le pouvoir communiste d’un Jan Hus décrit presque comme un précurseur du socialisme. Jiří Svoboda :
« J’ai bien entendu à nouveau regardé ce film. Je me souviens évidemment l’avoir vu quand j’étais écolier. Lorsque Vávra a tourné ce film, j’avais 9 ans, donc j’ai dû le voir à l’âge de 10 ans. Il va sans dire que ce film nous a beaucoup impressionnés à l’époque. Mais 60 ans après, beaucoup de choses ont évolué : le jeu des acteurs a changé, la construction des décors aussi, et la façon de déclamer son texte, empreinte de pathos, est difficilement acceptable pour les spectateurs d’aujourd’hui. A cause du régime de l’époque, Vávra a décrit Jan Hus comme un insurgé, un rebelle. Selon moi, c’est une réduction de la personnalité de Hus qui a une importance internationale. »Ainsi les créateurs de ce Jan Hus version 2015 souhaitaient à tout prix éviter l’écueil d’un film historique uniquement factuel ou trop servile vis-à-vis d’une certaine image éculée du personnage, comme le précise encore Jiří Svoboda.
« Je voulais surtout éviter que mon personnage de Jan Hus soit figé. Je ne voulais pas en faire juste une icône ou un simple symbole historique. Cela valait pour lui, mais aussi pour les personnes de son entourage, les souverains comme Venceslas IV ou Sigismond : je voulais que les spectateurs croient en eux en tant que personnes. Pour que je puisse en quelque sorte extirper Jan Hus de son XVe siècle, j’ai fait par exemple appel au musicien rock Michael Kocáb pour qu’il compose la musique du film. Il a créé une musique qui n’est pas conservatrice, qui ne plonge pas le spectateur au XVe siècle, mais c’est quand même une musique qui évoque une certaine monumentalité. »Si l’idée du film n’était pas d’en faire une icône, il n’en reste pas moins que la dimension de personnage à la fermeté morale et la fidélité à ses idées devait être conservée, comme le détaille Jiří Svoboda :
« C’est une figure historique remarquable. Il était doyen de l’Université de Prague, il avait beaucoup d’amis et nombre d’entre eux l’ont ensuite abandonné et ont témoigné contre lui au concile de Constance. Ce film est donc le portrait d’un homme insoumis, un dissident comme on dirait aujourd’hui, qui est allé contre son époque, contre l’Eglise catholique qui était divisée, avec trois papes à sa tête. C’est l’un de ces papes qui l’a excommunié d’ailleurs. Dans mon film, Jan Hus est représenté aussi avec sa famille, notamment son frère et sa mère. Ce portrait n’a rien à voir avec celui de la statue qui se trouve sur la place de la Vieille-Ville à Prague. »Pas de représentation hiératique et figée donc pour ce film qui veut insuffler la dose d’humanité nécessaire à des personnages historiques éloignés dans le temps, mais qu’il s’agit de rapprocher de notre époque.
Cette nouvelle trilogie consacrée à Jan Hus sera diffusée le week-end prochain, du vendredi au dimanche à la Télévision tchèque. Des projections sont également prévues dans la ville de Constance en juin, mais aussi à Genève, autre foyer de la Réforme au Moyen-âge, en septembre prochain.