Une Bible pour le XXIe siècle
La Bible, mère de tous les livres, est un grand ensemble de textes hébreux, araméens et grecs. Jusqu’à présent, les Tchèques ne disposaient que de deux traductions de ce livre fondamental sur lequel repose notre civilisation. Une traduction réalisée au XVIe siècle, La Bible de Kralice (Kralická bible), et une traduction oecuménique réalisée dans les années 1970. Comme la langue tchèque évolue, les traductions vieillissent et les connaissances de la Bible s’élargissent, il fallait procéder à une nouvelle traduction. Depuis jeudi dernier, Jeudi saint, les Tchèques disposent donc de la Bible pour le XXIe siècle, Bible21, une nouvelle traduction qui cherche à rapprocher le texte sacré de l’homme moderne.
«La Bible n’est pas un livre de réponses et d’instructions, c’est en fait un livre de témoignages de ce que les gens ont vécu. C’est un livre sur la vie sur Terre, nous n’ y apprenons pas beaucoup de choses sur le ciel mais elle nous donne une image réaliste de la vie sur Terre.»
C’est à l’automne de l’année 1991 qu’Alexandr Flek comprend que sa vocation est de traduire ce texte fondamental. Il rassemble tout son courage pour ne pas fléchir, pour ne pas reculer devant l’énormité d’une telle tâche. Il quitte le service sacerdotal et se consacre désormais entièrement à ce travail sans fin qui donne un nouveau sens à sa vie. Il commence par traduire le Nouveau Testament et finit cette première tâche en 1998. Au cours des onze années qui se sont écoulées depuis la parution de la nouvelle traduction du Nouveau Testament, 150 000 exemplaires ont été distribués parmi les gens. Alexandr Flek explique comment il a procédé:
«Je l’ai fait avec une tout petite équipe. J’ai traduit le Nouveau Testament avec un collaborateur, et l’Ancien Testament avec un autre collègue. Nous avons eu aussi des collaborateurs externes, notamment des linguistes de l’Institut de la langue tchèque. J’ai donc toujours travaillé avec un collègue mais j’étais responsable de la version finale de la traduction. (…) Maintenant l’ensemble de nos travaux est accompli, nous avons confié l’impression de la Bible à une imprimerie en Hollande. (…) Nous nous sommes dit que la Bible devrait être lue, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle existe depuis des millénaires. On fait des lectures publiques et des marathons de lecture, on lit de cette façon Andersen et d’autres auteurs dans des bibliothèques européennes, pourquoi ne pas faire une lecture publique de la Bible?»La lecture a commencé ce jeudi dans la Chapelle de Bethléem à Prague en présence de tous ceux qui ont collaboré à ce projet, d’acteurs célèbres et de représentants de la vie religieuse et publique. Et les lectures sont organisées pendant les fêtes de Pâques aussi dans de nombreuses autres villes. Alexandr Flek espère qu’il y en aura une centaine. Dans certains cas on ne lit que des extraits, mais ailleurs on lit aussi des Evangiles entiers et même le texte de la Bible dans son ensemble ce qui prend à peu près trois jours et trois nuits.
La Bible est accessible à tous. Elle coûte 250 couronnes, quelque 10 euros, et elle est disponible aussi sur le web sur online.bible21.cz. Le traducteur cherchait à atteindre la fidélité maximale aux textes hébreux, araméens et grecs. C’est une Bible pour les gens simples, dit Alexandr Flek, qui ajoute tout de suite qu’il se considère comme l’un d’eux:
«L’idée de notre traduction était de donner une Bible aux gens simples, de donner la possibilité à l’homme courant de connaître ce texte sans intermédiaire. Il n’est pas obligé d’aller dans une église ou dans une organisation religieuse. Selon la devise de la Renaissance ‘Ad fontes’ il peut lui-même revenir aux sources premières et former lui-même son opinion.»
Et les réactions des spécialistes ? Selon Alexandr Flek, cet exploit réalisé par une petite équipe de traducteurs avec une audace presque folle a été accueilli positivement même parmi les théologiens et les historiens:
«Les réactions étaient tout d’abord réservées et parfois on se demandait qui nous étions pour oser faire cela mais aujourd’hui nous avons déjà recueilli les fruits de notre travail. Le Nouveau Testament est à la disposition des lecteurs depuis onze ans et dans l’ensemble des Eglises en République tchèque, les jeunes, quand ils lisent la Bible, lisent dans la majorité des cas notre traduction. La grande partie des exemplaires du Nouveau Testament a été offerte et distribuée à des gens en dehors des Eglises et ces exemplaires sont aujourd’hui en leur possession. C’est donc le fruit de notre travail et nous avons peut-être conquis une place au soleil. En ce qui concerne la Bible dans son ensemble, nous l’avons soumis à l’examen des spécialistes et, étonnamment, leurs réactions ont été très très positives.»
Aujourd’hui Alexandr Flek se sent heureux. Son travail est achevé, sa traduction a suscité une grande attention des chrétiens et est largement commentée par les médias. Le traducteur peut se féliciter d’avoir aidé les Tchèques modernes à retrouver leurs racines :
«Dans la civilisation occidentale à laquelle nous voulons appartenir, dans la démocratie qui est née dans ce monde, il est inquiétant que nous nous soyons coupés d’une des sources fondamentales de cette civilisation. On dit que cette civilisation repose sur trois piliers – Jérusalem, Athènes et Rome. Jérusalem représente les traditions judéo-chrétiennes, Athènes est la source de la philosophie et de la pensée logique et Rome c’est la politique, l’Etat et le droit. J’ai l’impression que non seulement Jérusalem mais aussi Athènes sont éclipsés aujourd’hui par Rome. Il ne nous reste que ‘Du pain et des jeux’, la politique et la justice. Notre vie est très appauvrie.(…) Nous aimerions donc ramener les gens à Jérusalem et à Athènes…»