Une brasserie traditionnelle française atypique à Prague

Jean-Paul Manzac, photo: Jaroslav Jiricka

Jean-Paul Manzac est chef-cuisinier. Originaire du sud-ouest de la France, il vit depuis huit ans à Prague, et il y a moins d'un an, il a ouvert un restaurant de cuisine française dans la capitale tchèque. Située en plein centre-ville, mais dans une rue un peu à l'écart du tumulte, sa brasserie se veut résolument française. Mais plutôt que de surfer sur le côté baguette et béret français, le concept de l'établissement entend marier le neuf et l'ancien. Bois, cuivre, banquettes en cuir, fer forgé des brasseries parisiennes classiques y trouvent un nouveau souffle.

« J'avais des tonnes d'idées dans la tête. Le concept de la brasserie m'a quand même pris un an à mettre sur papier, puisque je voulais faire une brasserie traditionnelle, mais moderne. Le design a été fait en collaboration avec un architecte tchèque, Miroslav Cervenka, qui a fait beaucoup de restaurants sur Prague. Un architecte qui a beaucoup d'idées modernes. Ensuite on s'est basé sur beaucoup d'idées de brasseries du début du siècle sur Paris, comme la brasserie Flo ou Lipp etc. Mais on a voulu recréer une atmosphère de 2006, donc pas rester sur des traditions trop vieilles. »

Qu'en est-il de la clientèle tchèque ? Est-elle exigeante ?

« Tout client est exigeant. A partir du moment où il paye une addition, c'est normal. Quand on regarde un menu ou une carte, et qu'on commande un produit, on s'imagine toujours comment il est avant de le commander. Je pense que les Tchèques sont plus impressionnés par le côté « cuisine ouverte » du restaurant, où ils voient le cuisinier directement préparer leur plat, plutôt que ce qu'ils ont dans l'assiette. »

De manière général, vous diriez que le client tchèque est plutôt conservateur ou bien ouvert à la nouveauté ?

« Je dirais qu'il est très ouvert à la nouveauté. A fortiori, après avoir manqué pendant des décennies de restaurants comme le nôtre. Les Tchèques ont donc un intérêt particulier à venir dans un restaurant comme celui-ci, où ils trouvent une cuisine classique, plus légère que la cuisine tchèque et avec des goûts et des saveurs différents. »

Vous parliez de la cuisine ouverte. D'où vient l'idée ?

« Ca vient de deux choix. Le premier, c'est que comme j'ai une formation de chef de cuisine, j'ai passé des années derrière les murs de la cuisine, sans jamais voir mes clients. Pour les voir il fallait que je sorte de la cuisine. L'idée, c'est d'approcher la cuisine du client et aussi de me rapprocher moi-même du client. Je peux lui dire tout de suite bonjour sans qu'il ait besoin de venir me chercher. Il me voit tout de suite. Ce qui fait la première attraction de la brasserie M. C'est très important dans la modernité de la cuisine en général. »

Pour ce qui est de la formation des cuisiniers, comment cela se passe-t-il ? Comment est transmis le savoir-faire ?

« En général c'est par moi. C'est moi qui les forme. J'essaye de prendre des cuisiniers qui sont en général issus d'écoles hôtelières tchèques. Ils ont beaucoup de choses à apprendre en plus car, malheureusement, les écoles hôtelières tchèques n'ont pas encore les moyens de se permettre d'acheter des fruits de mer par exemple, des poissons etc. Mais ils ont des bases très solides, ils sont très ouverts à la cuisine, ils ont envie de connaître beaucoup de choses, de développer leur savoir, ils sont donc très ouverts à la formation et à tout ce que je leur apprends, donc pour l'instant ça se passe bien. Je suis très content. »